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Jean-Luc Beylat (Systematic) : « Il faut que les pôles communiquent davantage »

Fin 2016, Jean-Luc Beylat a été réélu à la présidence du pôle de compétitivité francilien Systematic à vocation mondiale, spécialisé dans les infrastructures du numérique et les métiers du logiciel. Cette semaine, il remettait également le rapport Beylat/Tambourin sur la loi Allègre et ses nécessaires évolutions à Thierry Mandon, secrétaire d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Jean-Luc Beylat, président de Systematic et de l’AFPC (Association française des pôles de compétivité)

Alliancy. Vous venez de rendre votre rapport sur la révision de la loi Allègre cette semaine. Quel est votre objectif ?

Jean-Luc Beylat. Avec Pierre Tambourin, c’est notre troisième rapport sur le sujet… Il vise à réviser la loi Allègre de 1999 pour faciliter le passage entre la recherche publique et l’entrepreneuriat. C’est une loi importante, mais qui, avec le temps était peu utilisée. Entre-temps, il y avait eu des évolutions législatives à côté qui l’ont impactée… Il fallait refaire une synthèse et de nouvelles propositions pour simplifier le parcours des chercheurs qui veulent se lancer dans la création d’entreprise. Objectif : qu’ils soient plus dans un espace de confiance que de défiance. La situation n’est pas dramatique, mais le constat est qu’il faut encore simplifier et valoriser cette démarche pour la développer dans la sphère publique. 

Pour continuer sur les rapports, France Stratégie a publié, début février, un avis sur la politique des pôles de compétitivité établi par la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation. En tant que président de l’Association française des Pôles de compétitivité (AFPC), quels enseignements en tirez-vous ?

Jean-Luc Beylat. Concernant les rapports sur les pôles, celui qui fait référence selon moi est celui de la Cour des Comptes qui a été à la rencontre des pôles et a fait un vrai travail de fond sur cette question. Elle a notamment souligné l’inconstance de l’Etat dans la politique des pôles : le FUI (Fonds unique interministériel) qui a été réduit de 50%, des annonces de réforme des pôles qui ne sont pas suivies d’effet… C’est un rapport objectif, factuel et très documenté.

A l’inverse, le rapport de France Stratégie dresse un certain nombre de constats, déjà connus, et essaie de faire une analyse économique de l’impact des pôles sur la performance économique des entreprises, mais pour cela, il se base sur des données d’avant 2011… Depuis, les pôles ont beaucoup évolué, ont tous été évalué… Aussi, ce rapport déduit une conclusion sur quelque chose qui n’était pas l’objet des pôles à l’époque. Par exemple, la croissance d’une entreprise dans Systematic est deux fois supérieure à celle des entreprises qui n’y sont pas, dans le même métier. C’est normal, car ce n’est pas le seul fait du pôle : ce sont des entreprises qui sont dans une démarche d’innovation et d’internationalisation, deux éléments de croissance d’une entreprise… Dans ce rapport, c’est surtout la méthodologie qui n’était pas la bonne.

« En dix ans, 1 600 projets collaboratifs de R&D, portés par les pôles de compétitivité, ont bénéficié du soutien financier de l’Etat via le Fonds unique interministériel (FUI). »

En tant que président du pôle Systematic, votre mandat court jusqu’en 2020. Quelle est votre feuille de route d’ici là ?

Jean-Luc Beylat. Le cœur des métiers des pôles est d’être un acteur fort des écosystèmes. Si on regarde l’innovation dans des pays forts dans ce domaine, on voit quatre piliers que sont l’investissement, les compétences, la culture entrepreneuriale et la puissance de l’écosystème. Les meilleurs exemples qui illustrent cela sont la Silicon Valley et Tel Aviv… Un pôle travaille essentiellement sur le développement de l’écosystème, même s’il cherche bien entendu à attirer les financements, les compétences, etc.

Dans le cadre de Systematic pour la feuille de route 2020, nous avons choisi de nous concentrer sur trois grands axes. Le premier intègre l’internet des objets, le big data, les analytics, les réseaux rapides telle la 5G… Tous les nouveaux marchés verticaux comme la transformation de la ville, de l’énergie, les smart cities, l’industrial internet… vont intégrer une logique systèmes avec de l’intelligence, c’est ce que l’on appelle les « smart systems » et la structuration de cette compétence va se faire verticalement en fonction des logiques de marchés. Systematic est au cœur de ce sujet et l’Ile-de-France, premier pôle d’Europe dans ce domaine, est une terre d’attractivité de ces compétences.

Quels sont les deux autres axes ?

Jean-Luc Beylat. Le deuxième axe est de travailler sur le développement des 800 entreprises adhérentes du pôle, qui sont majoritairement des PME et non des start-up. C’est-à-dire passer leur effectif de 10 à 50, 100 et 200 personnes. Le compliqué, c’est la croissance et la capacité de se projeter sur des marchés très vite à l’international. Là-dessus, nous avons développé des actions pour soutenir des entreprises qui sont dans cette démarche, en termes de financement, de compétences, d’export, d’aide à l’achat innovant… Il faut concentrer l’énergie sur les solutions qui sont gagnantes.

Le troisième axe, c’est un ancrage plus fort dans le territoire. Nous rayonnons déjà sur toute la région, déjà très attractive, mais ce n’est pas encore suffisant. Il faut que l’on travaille avec les autres pôles, les territoires, toute l’Ile-de-France pour aller encore plus loin, attirer des investisseurs internationaux localement, et de même en termes académique.

Quel lien faites-vous avec les IRT, ces instituts de recherche technologique qui sont une émanation des pôles ?

Jean-Luc Beylat. Les IRT sont des outils très modernes de plateforme de R&D mutualisée public-privé, créés et financés par le Programme des investissements d’avenir (PIA), qui accueillent sur place des équipes de recherche dans une logique d’innovation ouverte. C’est un outil fort et de valeur dans un écosystème et c’est pourquoi l’IRT SystemX et Systematic travaillent de concert sur beaucoup de sujets. Ce sont deux métiers différents et complémentaires, absolument pas concurrents.  

Pour conclure, ne pensez-vous pas qu’il faut capitaliser davantage sur certains projets de R&D et ne pas les multiplier ?

Jean-Luc Beylat. Tout d’abord, il faut que les pôles communiquent davantage sur les résultats des projets, sur les « produits » qui en découlent. On le fait déjà, mais c’est insuffisant. Ensuite, sur les projets que l’on est amené à labelliser, on est déjà beaucoup plus sélectif et il le faut. Cette politique d’excellence est payante, et les 68 pôles y font attention… D’ailleurs, une vingtaine d’entre eux ont une activité autour du Fonds unique ministériel (FUI) qui est importante. Après, certains ont des dynamiques d’écosystème qui sont différentes, s’appuyant moins sur le volume de R&D et davantage sur l’animation de l’écosystème. [Un dernier sujet qui devrait être abordé, dès cette année, avec la réflexion en cours sur la quatrième phase des pôles (2018-2020) et qui fait suite à la réforme des régions, NDLR].

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