Les technologies de l’information et de la communication ont marqué l’entrée dans une nouvelle ère. Cette « troisième révolution industrielle » va rebattre à nouveau les cartes de la géographie de la production mondiale.
L’innovation est le moteur de l’économie. Naguère apanage des pays pionniers de la révolution industrielle, l’industrialisation a gagné de nombreux pays qui, depuis cinquante ans, se sont développés et concurrencent désormais avec brio les pays matures. L’accélération de cette transformation va au-delà de ces bouleversements visibles. Nous vivons une révolution scientifique et technique qui porte les capacités numériques au cœur de toutes les activités humaines. Les pays matures doivent réinventer la production et le recyclage des objets et produits qui accompagnent notre quotidien. Dans ce schéma, l’apparition de l’impression3D a longtemps été considérée comme une curiosité marginale. Or, cette technique apparaît aujourd’hui comme une méthode de production à part entière. La place qui lui a été faite au CES [Consumer Electronics Show, ndlr] en témoigne. S’il y a cinq ans, l’américain MakerBot était le seul fabricant d’imprimantes 3D, il était entouré, cette année, au salon de Las Vegas, d’une vingtaine de concurrents…
Produire localement
Ces nouveaux acteurs proposent des services d’impression 3D de plans numériques pour les particuliers et les professionnels. Par exemple, le français Sculpteo offre à ses clients de personnaliser le design des produits qu’ils achètent, comme les coques de smartphones. Des imprimantes personnelles à des prix abordables (moins de 500 dollars) permettent d’imprimer chez soi ses propres créations. Les matériaux coûtent encore assez chers et restent limités. Mais la gamme disponible progresse. La recherche explore l’impression de produits alimentaires (Barilla), de nanomatériaux, de cellules vivantes ou encore de circuits électroniques. Grâce à ce procédé, le coût de production chutant considérablement, il devient attractif de produire localement en petites séries, plutôt que de gérer une production délocalisée. Le différentiel de coût de main-d’œuvre devient marginal. De même, rapprocher la production des acheteurs finaux est synonyme d’économies de frais de stock et de transport.
L’impression 3D ouvre aussi la voie à une nouvelle ère de collaboration. Dans son ouvrage, Chris Anderson étudie les Makers, « individus fabricants », communautés de passionnés créant eux-mêmes leurs objets de consommation. Alliée à l’électronique et la robotique, elle permet de rendre le design et la production à la portée de chacun. Comme l’impression 2D a permis de devenir « éditeur » de ses textes et documents, l’impression 3D permet de devenir producteur d’objets. Se développent ainsi de nouveaux lieux collaboratifs, appelés « Fab Labs », où chacun peut réaliser ses propres projets. Alors que la seconde révolution industrielle raisonnait massification, séries longues et extraction d’une énergie carbonée, l’analogie avec le modèle du Web viendra inspirer des productions locales en réseaux qui permettront des gains de coûts de transport et d’émission de CO2. Le choc numérique n’épargne nullement l’industrie. Mais, en repensant le cycle de vie du produit à travers son existence numérique, il sera possible de concevoir et produire de façon plus efficiente et de retrouver la créativité nécessaire pour apporter des solutions « servicielles » personnalisées associant produit et service. Cette révolution est engagée. Elle va s’accélérer dans les trente prochaines années.
* SIA Partners est un cabinet de conseil en organisation et management, créé en France en 1999 (500 consultants). Le Choc Numérique, ouvrage collaboratif (éditions Nuvis), explore le potentiel de la révolution numérique dans les entreprises et la société.
Photo : SIA
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