L’inquiétude se propage parmi les start-up françaises depuis la présentation du projet de budget 2025 jeudi : la disparition de deux dispositifs d’aide à l’innovation les placerait dans un danger immédiat, alertent-elles, dans l’espoir de les voir réintégrés d’ici au vote.
Le secteur s’est retrouvé vendredi matin autour du député macroniste Paul Midy, spécialisé dans le numérique et les technologies, pour évoquer la situation. « A ce stade, la proposition de budget est une catastrophe » pour la « tech » française, tranche l’élu. « Cela amènerait à la faillite de centaines de jeunes entreprises ». Au cœur de la conversation, trois acronymes, JEI, CII, CIR, et une manne de quelques centaines de millions d’euros pensée pour accompagner la croissance d’entreprises innovantes. Le volet social du dispositif « jeune entreprise innovante » (JEI), qui permettait des allègements de charges à hauteur de 300 millions d’euros, a ainsi rejoint la liste des coupes budgétaires prévues par le gouvernement Barnier. Idem pour le « crédit d’impôt innovation » (CII), qui se chiffrait à 300 millions d’euros les années précédentes, selon M.Midy.
Disparition sans préavis du JEI…
Des dispositifs qui bénéficient respectivement à 49% et 45% des start-up françaises, selon France Digitale, association regroupant 2.000 jeunes entreprises tech et fonds d’investissement spécialisés. En ajoutant la diminution de 2 milliards d’euros du programme France 2030, Paul Midy relève un risque de « 3 milliards d’euros de coupes budgétaires » pour la « tech » française. Maya Noël, directrice de France Digitale, craint « des conséquences immédiates sur le +business plan+ des entreprises ». Avec la disparition « sans préavis » du JEI, réservé aux sociétés de moins de huit ans et aux dépenses élevées en recherche et développement, les plus jeunes entreprises qui comptaient sur ces fonds verraient leur croissance freinée, faute de moyens, et les sociétés en expansion risqueraient de renoncer à des recrutements.
…et préservation du crédit d’impôt recherche (CIR)
« Pas inquiet » pour sa propre start-up spécialisée dans l’informatique quantique, Valérian Giesz, cofondateur de Quandela, déplore auprès de l’AFP l’arrêt de dispositifs liés à « la création d’entreprises innovantes qui viennent mettre sur le marché des technologies de rupture dont on a fondamentalement besoin ». Du côté de Mirakl, spécialisée dans le e-commerce, le constat oscille entre crainte et soulagement. Si le crédit d’impôt recherche (CIR) a été préservé dans le projet de budget, des propositions de coupes pourraient voir le jour avant le vote du texte, craint Hugo Weber, vice-président en charge des affaires publiques de l’entreprise. « Je pense qu’il y a un vrai risque aujourd’hui de déstabiliser un écosystème qui a besoin de politiques publiques en faveur de l’innovation », dit-il.
Un sérieux ralentissement des levées de fonds depuis 2022
Propulsé par plusieurs années de politique économique favorable à l’émergence d’une « start-up nation », le secteur s’est largement développé, mais connaît un sérieux ralentissement des levées de fonds depuis 2022. « On a réussi à faire émerger un écosystème d’entreprises innovantes qui commence à créer des acteurs internationaux mais on n’est pas du tout au bout de l’effort », estime Maya Noël. Une position partagée par la présidente du syndicat Numeum, Véronique Torner, qui souligne les enjeux de souveraineté liés au développement de technologies de pointe. « On doit envoyer des signaux clairs sur le fait que la France et l’Europe sont engagées pour soutenir l’innovation », réagit-elle. Après sa rencontre avec les principaux acteurs du secteur, M. Midy a assuré qu’il déposerait un amendement voué à conserver le dispositif « jeune entreprise innovante ». Une démarche à laquelle Clara Chappaz, nouvelle secrétaire d’État chargée de l’intelligence artificielle et du numérique, elle-même issue du secteur de la « tech », ne semble pas fermer la porte. Interrogée par le quotidien La Tribune, elle a indiqué que cette suppression n’était « pas inscrite dans le marbre ». « Le gouvernement souhaite conserver » le dispositif, a-t-elle indiqué, dans l’attente de propositions alternatives de la part des parlementaires. « Nous serons très attentifs au travail des parlementaires, en particulier ouverts aux propositions éventuelles qui permettraient de mieux soutenir l’innovation, tout en respectant la contrainte budgétaire », abonde-t-on du côté de Bercy.
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