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Juridique – Les enjeux de la loi de programmation militaire

Olivier Iteanu, Avocat à la Cour, chargé d’enseignement à l’université Paris I

Olivier Iteanu, Avocat à la Cour, chargé d’enseignement à l’Université Paris I – Sorbonne

La « LPM » du 18 décembre 2013 est la petite soeur de la loi américaine, dite USA Patriot Act, du 26 octobre 2001, mise à l’honneur par les affaires Snowden et Prism.

La loi appelée LPM, votée en toute hâte, fait beaucoup parlé d’elle. En son article 20, elle généralise une surveillance administrative très intrusive de toute la société, en vue de donner aux services de l’Etat des pouvoirs d’enquêtes colossaux. Toute personne peut subir cet article 20, même si les soupçons s’avèrent, par la suite, totalement ou partiellement, infondés. Il suffit que l’enquête soit orientée vers les objectifs de sécurité nationale et de prévention du terrorisme, mais aussi « de la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France […], de la criminalité et de la délinquance organisées », incluant, notamment, la contrefaçon ou la lutte contre la fraude fiscale commise en bande organisée. Toutes les données sont concernées. Le temps de l’écoute téléphonique ou de l’interception, où il suffisait de se brancher sur la « ligne », est dépassé.

Grâce au cloud, voici venu le temps de la captation ou du recueil de nos données auprès des prestataires. Ces derniers sont les opérateurs de communications électroniques, les « historiques » de l’écoute téléphonique. Depuis quelques années, d’autres ont rejoint la catégorie : « Les personnes qui, au titre d’une activité professionnelle principale ou accessoire, offrent au public une connexion permettant une communication en ligne par l’intermédiaire d’un accès au réseau, y compris à titre gratuit… » (article L 34-1 CPCE paragraphe 2). C’est-à-dire les cybercafés, les accès publics en général, les magasins qui offrent un accès Wi-Fi à leurs chalands, les écoles à leurs étudiants, les employeurs à leur personnel…

Sont également concernées les personnes visées par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), soit, en plus, les hébergeurs au sens fonctionnel et non technique du terme, comme eBay ou Leboncoin, hébergeurs des annonces publiées jusqu’au blogueur pour les commentaires publiés sur son blog. Face à ces intrusions extrajudiciaires de grande ampleur, quelles sont les garanties données aux citoyens ? La LPM prévoit la création d’une personne qualifiée placée auprès du Premier ministre chargée de recevoir les demandes écrites des « services » et de les autoriser, dans un ballet à deux, avec le président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Mais quels contrôles pourront réellement exercer ces deux institutions, face à un agent qu’elles devront croire sur parole quant aux soupçons justifiant la demande de mesure ? Comment vont-ils opérer leurs contrôles sous la pression des ministères ? Qui va contrôler tous les surveillants privés institués par la LPM comme « supplétifs » des services de l’Etat, de Google à eBay, en passant par les hébergeurs, les blogueurs ? Comment s’assurer qu’ils ne dérapent pas ? On attend les décrets d’application en Conseil d’Etat pris après avis, notamment, de la Cnil. On peut se demander si ce texte, derrière la lutte légitime contre le terrorisme international auquel chacun souscrit, ne façonne pas une société de surveillance généralisée et incontrôlée dans toutes ses strates. L’enfer est souvent pavé de bons sentiments.

Renforcement des droits de l’e-consommateur

La loi Hamon est la transposition d’une directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs. Pour l’e-commerce, il convient surtout de retenir que le délai de rétractation de l’acheteur, qui était de sept jours, passe à quatorze. L’e-commerçant devra mettre à disposition de son client un formulaire lui permettant d’exercer ce droit de rétractation. Plus généralement, le droit d’information précontractuel du consommateur est renforcé. Ce texte va dans le sens de l’histoire récente, qui renforce régulièrement les droits des consommateurs européens. Cependant, cette évolution ne doit pas dispenser chaque consommateur de bien choisir son marchand, ses recours étant très illusoires lorsque le marchand est situé hors de l’Union européenne. Enfin, il faudra bien un jour traiter de la question des délais pris par la justice pour trancher un litige entre consommateur et commerçant (actuellement en moyenne un an), soit en donnant des moyens à la justice, soit en trouvant des modes alternatifs de règlement de tels litiges.  

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