En 2015, Karima Chauvalon, DRH du groupe Mega International expliquait à Alliancy les impacts qu’avaient mobilité et le travail nomade sur les collaborateurs de l’éditeur de logiciels. Cinq ans plus tard, la crise Covid-19 a beaucoup changé la perspective de la DRH et de son entreprise sur le travail à distance.
Alliancy. Comment se sont passées les dernières semaines ?
Karima Chauvalon. Comme pour tout le monde, elles ont été un peu difficiles... Mais surtout, passé les premiers jours, nous avons pris conscience que la situation allait durer dans le temps : c’est selon moi la principale difficulté pour tout le monde. Et encore, nous avons des facilités : avec huit filiales dans le monde, nous avons eu la chance de pouvoir anticiper la situation en France en suivant ce qui se passait pour nos activités en Asie et en Italie, ce qui nous a permis de généraliser certaines pratiques avant même que le gouvernement les rendent obligatoires. De plus, notre activité d’édition et de conseil permet le télétravail, contrairement à d’autres entreprises.
Parle-t-on vraiment du même télétravail que celui auquel vous aviez l’habitude ?
Effectivement les différences sont notables. Historiquement, quand nous avons commencé ces pratiques, nous avions surtout une quinzaine de personnes en véritable télétravail. Début 2020, si 95% de nos collaborateurs étaient en capacité de télétravailler, seuls 60% y étaient amenés. Mais surtout, notre approche du télétravail était basée sur des contrats pendulaires, qui impliquait des temps de présence au siège malgré tout réguliers. Notre vision était basée sur une charte, avec des conditions d’ancienneté et de maturité. Aujourd’hui, évidemment la situation est bien différente. Nous avons dû changer nos mémos internes et tous les contenus qui devaient aider à organiser le travail à distance. De facto notre approche du télétravail a volé en éclat.
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Qu’avez-vous changé ?
Karima Chauvalon. Nous avons réaménagé nos guidelines parce qu’il parait aujourd’hui évident que l’animation et le suivi de l’activité nécessaires pour télétravailler dans la situation actuelle, et dans la durée, ne peuvent pas être ceux « d’avant ». Il faut préciser les bonnes pratiques. Par exemple, il est d’usage en télétravail de manager par objectif. Il est nécessaire maintenant que cette animation soit énormément renforcé : les objectifs doivent être beaucoup plus « court-termistes » que d’habitude. Tous les aspects de court-terme sont très importants pour faire face aux risques d’isolement, de perte de sens autour des objectifs de moyen terme, ou de mauvaise compréhension par un collaborateur de ce que l’on attend de lui. Il faut communiquer très régulièrement et sur tous les canaux. Dans une telle situation, le silence de l’entreprise devient beaucoup plus anxiogène qu’en temps normal. Les collaborateurs peuvent très vite ressentir un « vide managérial ».
Plus que la vision centrale de la DRH, ce sont donc aux managers de monter au créneau ?
Karima Chauvalon. L’encadrement des managers est essentiel. Ils doivent questionner différemment les collaborateurs, mettre en place des rituels, mais aussi essayer d’injecter un peu plus de « fun » dans un contexte difficile. Chez Mega, ils mettent en place des afterwork du vendredi, des coffee break… et ils apprennent à varier les modes de communications individuelles ou groupées : téléphone, email, visioconférence… Si les fondamentaux du management restent les mêmes, on attend aujourd’hui beaucoup plus de créativité de leur part. La mission de la RH de son côté est de vulgariser. Nous avons un rôle clé qui est de montrer aux managers ce qui fonctionne pour certains d’entre eux, et ce qui est à éviter. Au-delà de la technologie, il faut donc passer plus de temps sur les retours d’expérience.