La branche Services Courrier Colis de La Poste met une DSI « sans frontière » au service de l’innovation métier  

De la livraison de médicaments aux sondages, les services de proximité de La Poste évoluent. Des nouveautés et changements servis par un système d’information en pleine refonte, grâce à une approche “One Team” de la DSI. Hicham Benabdallah, DSI de la branche Services Courrier Colis, voit en ce modèle “sans frontière”, un moyen de maximiser la performance des équipes.  

Cet entretien est issu de notre série d’interviews « What’s next, CIO ? » qui revient tout au long de l’année sur les priorités et visions d’avenir des CIO stratèges

Depuis des années, le groupe La Poste connaît une profonde transformation en raison de la transformation des usages. Qu’est-ce que cela signifie pour la DSI de la branche Services Courrier Colis ?   

L’activité historique qu’est la distribution de courrier diminue depuis 2008 et poursuivra cette attrition dans la décennie. Le courrier est désormais porteur d’une valeur différente. Il se digitalise, se transforme et devient communicant. Pour cela, nous l’avons modernisé afin de bénéficier de “smart data” permettant d’avoir plus d’informations, notamment en termes de tracking, suivi de qualité de service et reporting clients. Mais ce qui monte en puissance aujourd’hui, c’est également la création de services entièrement nouveaux : livraisons de repas ou de médicaments, suivi de la qualité de l’air ou encore réalisation de sondages. Nous devons offrir à nos 60 000 facteurs qui opèrent ces nouveaux services, des solutions et du matériel adapté pour en faire des « facteurs augmentés ». 

Au-delà de la création de nouveaux services digitaux, comment la DSI s’organise-t-elle pour suivre l’évolution de l’activité de la branche Services Courrier Colis ?   

WNCIO2Le SI est un outil pour délivrer ces nouveaux services, car il est très central dans l’exécution de ces prestations. Le courrier se livre en un ou trois jours, mais la livraison de médicaments ou de repas doit être réalisée beaucoup plus rapidement avec une qualité de service élevée. Face aux évolutions sociétales, la DSI devient motrice dans ces travaux autour de la data et de l’IA afin d’augmenter les interactions avec le client et garantir la qualité des prestations. Durant une livraison, nous utilisons un des algorithmes très complexes et pour optimiser les parcours et estimer les créneaux de livraison. Et demain, le quantique nous offrira des calculs beaucoup plus évolués qu’aujourd’hui pour y parvenir. Tout l’enjeu est donc d’être une DSI tournée vers l’innovation, qui sait toujours pour autant rester alignée sur les valeurs de l’entreprise que sont l’éthique, l’inclusion et la frugalité, dans le cadre d’un numérique responsable.  

Dans ce contexte, quelles sont les priorités actuelles de votre DSI ?  

Nous voulons être à la fois la DSI préférée des clients, des utilisateurs et des collaborateurs, et une DSI leader de la valeur digitale. Pour y parvenir, nous devons transformer les technologies, l’IA et la data, en valeur business. Et Pour être une DSI “business partner”, nous ne pouvons plus être une direction constituée uniquement d’ingénieurs qui font de l’informatique. Nous sommes là pour poser une feuille de route commune entre le business et la tech afin de générer de la valeur. Pour organiser cela, chacun des métiers possède son sa propre DSI de proximité qu’on appelle « IT business partner ». L’objectif est de construire l’avenir digitale et de maximiser l’autonomisation des métiers. Ainsi, nos équipes évoluent de la sorte en “Fusion Team”. Grâce à ce modèle, nous élargissons la chaîne de valeur IT en amont vers le business et en aval vers le terrain où se trouve le cœur de métier de la branche Services Courrier Colis.   

Au-delà du modèle de “Fusion Team”, vous êtes également partisan d’une approche globale “One Team” avec laquelle vous orchestrez la transformation du système d’information : en quoi consiste-t-elle ? 

En 2016, nous avons eu la conviction que le SI de l’époque ne correspondait plus aux problématiques à venir. On a donc créé un nouveau SI capable d’accompagner les enjeux des années 2020-2030. Tous nos collaborateurs, nos postiers, ont participé à sa fabrication. Nous avons aussi structuré le sourcing des fournisseurs autour de ce programme, pour créer de véritables partenariats en considérant les membres de leurs équipes comme des coéquipiers à part entière. Ces représentants de nos partenaires ont ainsi été embarqués de la même manière que nos collaborateurs, avec le même niveau d’exigence, les mêmes processus de formation. Par exemple, tout le monde a été immergé de la même façon en participant à des tournées de facteurs, ou dans nos processus industriels. 

Ces externes, qui intègrent la DSI, nous accompagnent dans la durée. Ils enchaînent ainsi avec nous plusieurs projets d’avenir. C’est un moyen pour capitaliser sur la phase “d’onboarding” ambitieuse, mais aussi de minimiser le turnover. En proposant ces perspectives, nous nous donnons les moyens de garder les meilleurs, de les fidéliser et de s’assurer d’une meilleure qualité de travail. Cette approche est également un état d’esprit au sein duquel on efface les frontières et les aspects contractuels : les équipes mixtes doivent maximiser la performance collectivement. Et pour y parvenir, elles doivent s’intéresser au bien-être de chacun et ne plus faire de distinction entre collaborateur et prestataire.   

Toutes les DSI, ont-elles intérêt à s’organiser de la sorte ?  

Ce modèle n’est pas spécifique à nos missions. En mettant en œuvre l’agile à l’échelle dans notre branche, nous avons progressivement gagné en maturité sur le sujet, ce qui nous a ensuite permis d’évoluer vers cette vision. Cette fusion sans étiquette est une suite logique à l’évolution récente des DSI, à travers laquelle les silos et les entités s’effacent pour réaliser l’objectif commun.

Qu’est-ce que l’avenir réserve encore aux CIO selon vous ?  

La période où la direction du SI était considérée comme un centre de coût, dans laquelle des ingénieurs réalisaient ce que le business avait imaginé, est d’un autre siècle. Aujourd’hui, le DSI est un partenaire qui se tient au centre de la table, et qui doit garantir l’infusion du digital sur l’ensemble des activités. Son plus grand enjeu à l’avenir est donc d’identifier la valeur digitale en mettant les bons investissements au bon endroit, car il ne pourra toujours pas tout faire en même temps et investir partout. Tous nos métiers vont être percutés par des innovations toujours plus fortes et plus disruptives : il va falloir faire des arbitrages, tout en réussissant à maximiser la valeur pour l’ensemble des métiers de l’entreprise. Ces mêmes innovations sont aussi un enjeu majeur pour notre propre métier d’informaticiens et pour les collaborateurs des DSI. Tout cela fait que l’avenir des CIO sera encore riche en transformations passionnantes.