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La France de 2030 du Medef sera-t-elle numérique ?

Image de header de l'édito du 25 novembre

« Vivre et travailler en 2030. » C’était le titre d’un numéro spécial (désormais collector) publié par Alliancy il y a presque une décennie. Nous avions alors laissé la parole à des contributeurs variés de la sphère sociale et économique, en leur demandant tout simplement de nous raconter comment ils imaginaient le quotidien des Français en 2030. Cet effort d’anticipation n’était pas un exercice facile, mais une convergence était visible : le numérique serait le facteur de changement principal. L’horizon 2030, lui, avait l’avantage de faire réfléchir et de donner une perspective de moyen terme qui ne propulse pas dans la science-fiction. Le président de la République, Emmanuel Macron, n’a-t-il pas utilisé lui-même la même logique, en lançant en 2021 le plan d’investissement France 2030 ? L’objectif était bien, là aussi, de flécher les sujets d’avenir très concrets, susceptibles de transformer en profondeur le pays en moins de 10 ans.

Nous arrivons à l’orée de 2025 : l’échéance se rapproche. Et c’est au tour du Medef de jouer sa carte « 2030 », en annonçant, jeudi 24 octobre, ce que l’organisation patronale a nommé un « front économique ». Patrick Martin, son président, en avait esquissé l’ambition lors de la grande rencontre de rentrée du mouvement, « La REF ». Son objectif est de ramener de la perspective stratégique dans l’économie, alors que le moral des entrepreneurs souffre des débats politiques court-termistes, cristallisés par la crise budgétaire. Ces réflexions peuvent-elles se concrétiser en cinq ans à peine ?

L’initiative compte y parvenir en fédérant une centaine de cerveaux : à la fois des chefs d’entreprises, y compris d’anciens capitaines de fleurons industriels français, et des penseurs, économistes ou analystes issus de divers think tanks. On compte parmi ses membres des noms prestigieux comme Philippe Aghion, du Collège de France, ou Philippe Varin, l’ancien président de PSA. Patrick Martin a également fait part de son souhait d’associer les organisations syndicales à la réflexion, même si celles-ci n’avaient pas été consultées lors de la présentation à la presse de l’initiative.

L’été 2025 devrait ainsi voir le Medef publier les travaux issus de ce « front économique », avec l’ambition d’en faire une large communication auprès du grand public : en filigrane, on y lit la volonté de faire apparaître le « futur français » imaginé par le mouvement. Les thèmes des groupes de travail sont à ce titre très larges : « produire et innover », « réussir », « échanger », « travailler et rémunérer », « investir et décarboner », « développer les entreprises » et « recentrer l’action publique ».

À y regarder de plus près toutefois, le mouvement semble surtout vouloir peser sur les prochaines élections. A priori, il pourrait s’agir des municipales de 2026 puis de la présidentielle de 2027. Mais si de nouvelles élections législatives anticipées devaient se produire, Patrick Martin admet que le front devra accélérer ses travaux. Le résultat de ce grand écart entre « pensée stratégique de long terme » et nécessité de peser sur le politique, est pour le moment un flou important sur le périmètre exact des recommandations qui pourraient émerger de l’initiative.

Plus encore, on peut s’interroger sur la place que prendra une vision d’avenir du numérique dans l’équation. On sait d’ores et déjà que le Medef veut parler de croissance, de fiscalité, de dépense publique et d’innovation… Mais jusqu’où ira-t-il conceptuellement alors que l’écart ne cesse de se creuser entre les capacités numériques françaises et celles des États-Unis ? Difficile par exemple de parler d’enjeux de réindustrialisation sans se retrouver confronté au sujet des dépendances technologiques dans lesquelles toute l’Europe s’est liée (pieds et poings). On ne peut qu’espérer que les économistes invités à contribuer prendront bien en compte le fait que l’économie numérique portera dans les années à venir une part toujours plus décisive du destin du pays. Et que s’il est peut-être un peu tard pour que tout change d’ici 2030, des perspectives à plus long terme devront également être données.

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