Avec son plan stratégique, le groupe La Poste veut accélérer ses projets de transformation sur la data et l’IA. Mais ces projets constituent également un relais de croissance grâce à l’acquisition d’Openvalue et la création d’un nouveau pôle data/IA.
L’intelligence artificielle s’inscrit comme un des piliers du plan stratégique « La Poste 2030 ». Le groupe public souhaite accélérer sa propre transformation Data & IA, mais aussi en faire un véritable relais de croissance. Et pour y contribuer, La Poste a réalisé une seconde acquisition dans ce secteur. Après Probayes en 2016, elle a procédé en avril au rachat d’Openvalue, un cabinet de conseil et d’intégration spécialiste de l’IA et du Big Data.
La Poste constitue ainsi un nouveau pôle Data/IA regroupant à la fois ses propres compétences internes dans ce domaine et les experts, dont les data scientists et data ingénieurs, de Probayes et Openvalue. Ces derniers, s’ils pourront participer à des projets de l’entreprise, seront toutefois principalement tournés vers une clientèle externe, grands groupes et administrations.
Des compétences sur toute la chaine de valeur de l’IA
La Poste compte en effet sur la complémentarité, en termes de couverture du marché et de compétences, entre Probayes et Openvalue pour proposer une offre portant sur l’ensemble de la chaine de valeur des projets d’IA. Probayes est ainsi déjà présent sur l’industrie et en particulier l’automobile. Openvalue bénéficie quant à elle d’un ancrage sur la banque-assurance et les médias notamment.
En ce qui concerne les expertises, La Poste s’appuyait pour l’IA sur Probayes. Pour parvenir à l’industrialisation, cette « expertise est nécessaire, mais pas suffisante. Openvalue complète cette expertise, mais en apporte une supplémentaire sur l’aval, c’est-à-dire la construction des plateformes, la data ingénierie, la préparation des données, et en amont sur la data visualisation et l’exposition des données auprès des utilisateurs », souligne Pierre-Etienne Bardin, CDO du Groupe La Poste et président du nouveau pôle data/IA.
L’entité interviendra ainsi sur toutes les étapes du cycle de vie de la Data et de l’IA, de la conception à l’industrialisation. Et la contribution d’Openvalue à la mise en production porte aussi sur l’apport de profils rares, les ML Engineers. « Les ressources clés, c’est bien entendu des bons data scientists et data analysts, mais sur l’ingénierie, ce sont ceux qui savent mettre en production en continu et en temps réel. C’est dans ce domaine que réside le talent des Gafa », déclare son fondateur, Guillaume Leboucher.
Avec Openvalue, La Poste renforce donc son expertise sur l’industrialisation et le passage à l’échelle des modèles d’IA les plus créateurs de valeur. Et pour le groupe, l’objectif est de dégager de nouvelles sources de revenus. L’entreprise ne précise pas, à ce stade, de cible en termes de chiffre d’affaires.
Sa trajectoire : « capter des parts de marché dans les grands groupes et les administrations. Nous nous devons de capter au moins la croissance du marché, voire plus », ajoute Pierre-Etienne Bardin. Et pour y parvenir, La Poste, qui se positionne comme un tiers de confiance, met notamment en avant l’éthique et la souveraineté. Ces arguments gagnent en importance sur le marché, en particulier auprès du secteur public.
Un besoin fort de passage à l’échelle sur l’IA
Sur ce marché, Guillaume Leboucher juge ainsi « énorme » le besoin de passage à l’échelle. « Nous sentons une appétence forte du gouvernement, des ministères et des administrations pour qui le machine learning intégrera le quotidien à l’avenir. » Ces utilisateurs de l’IA sont eux aussi concernés par les grandes familles de cas d’usage de l’intelligence artificielle que sont : la connaissance client, la performance opérationnelle et l’amélioration des systèmes, par exemple dans le cadre de la transition écologique.
Le marché de l’IA intéresse cependant aussi les géants du numérique, fournisseurs de services cloud que sont AWS, Microsoft et Google. Pour se démarquer, La Poste insiste donc sur l’éthique et la souveraineté. En ce qui concerne l’éthique, l’entreprise dispose déjà depuis 2016 de sa charte Data, et à présent aussi d’une charte IA éthique, inspirée des travaux de la Commission européenne. Cette charte sera publiée et déployée au cours des prochaines semaines, nous confie le CDO.
Ces principes ne suffisent pas cependant à garantir l’application opérationnelle de l’éthique dans les projets d’IA. « Nous allons nous doter, notamment en les construisant nous-mêmes, d’outils et de contrôles pour la vérification de la prise en compte des principes éthiques, ce au plus tôt au travers d’une approche ethic by design », précise Pierre-Etienne Bardin. La Poste pourra d’ailleurs s’appuyer sur son partenariat avec Inria sur l’innovation numérique responsable.
Le groupe met par ailleurs en place actuellement une gouvernance IA éthique, « dans le même état d’esprit que pour le déploiement du RGPD ». Et La Poste entend capitaliser sur ce travail en interne sur l’éthique auprès de ses clients entreprises et administrations afin de mettre en place des contrôles des algorithmes. Guillaume Leboucher le confirme, ce besoin d’éthique est croissant dans les projets. A noter qu’elle englobe la question de l’explicabilité des algorithmes, encore complexe sur le Deep Learning.
Une cinquantaine de projets IA en production à La Poste
Outre ce développement commercial, La Poste poursuit sa propre transformation Data/IA. Son plan stratégique comporte ainsi cinq projets d’accélération, dont un dédié à l’intelligence artificielle, porté donc par le président et le Comex. Pour accélérer, le groupe pourra s’appuyer sur son existant, dont des plateformes Big Data en production depuis plus de cinq ans, dont un data lake par domaine métier.
« Nous ne partons pas d’une feuille blanche sur l’IA. Nous disposons des fondations qui nous permettent à présent d’assurer un projet d’accélération groupe », souligne le chief data officer. Celui-ci revendique ainsi une cinquantaine de projets d’IA en production. Avant l’accélération, la feuille de route portait sur la mise en production de 20 à 30 projets par an (et environ quatre fois plus sur le Big Data). Grâce à des améliorations sur l’industrialisation et l’automatisation, et à des moyens supplémentaires, La Poste devrait parvenir à livrer un nombre accru de projets d’IA.
L’accélération porte aussi sur la formation à l’IA. Le président, Philippe Wahl, a fixé des objectifs ambitieux. La Poste prévoit notamment de former 40 000 managers et commerciaux à l’utilisation de l’IA. D’ici à 2025, elle souhaite en outre disposer de 5 000 experts de la data, dont des data analysts et des data stewards. Pour ces besoins, un programme de centre de formation est en cours de mise en œuvre. Et Probayes et Openvalue devraient également contribuer à compléter l’offre de formation. Le pôle data/IA envisage enfin d’ouvrir ce centre de formation à d’autres entreprises ou de participer à la mise en place de programmes de formation pour des clients.