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Lancement des Trophées Alliancy : un jury varié et attentif aux enjeux cachés du numérique responsable

Trophées alliancy

Mercredi 5 juillet, la rédaction d’Alliancy réunissait pour la première fois ses jurés autour d’un dîner consacré à la première édition des Trophées Alliancy pour un numérique porteur de sens. Une quarantaine de décideurs reconnus de notre écosystème récompenseront en décembre prochain six projets emblématiques qui doivent permettre de répondre à aux défis de responsabilité de nos organisations et de notre société.

A une époque où tout le monde se déclare « responsable » – à commencer par la plupart des professionnels de la Tech – comment séparer le bon grain de l’ivraie ? Comment éviter les chausse-trappes du purpose washing ? Comment récompenser certains porteurs de projets et en écarter d’autres, en conservant le sentiment d’avoir « bien » arbitré ?

En tant que professionnels amenés à sélectionner d’ici fin 2023 des projets numériques porteur de sens, les jurés des Trophées Alliancy sont particulièrement concernés par ces questions. Le 5 juillet dernier, le jury s’est donc prêté à un exercice difficile : réfléchir aux meilleurs critères autour d’un thème aussi subjectif que le « sens » et dresser ensemble une liste des pièges à éviter.

Qu’est-ce qu’un projet qui a vraiment du sens ?

Pour aider les jurés de nos Trophées à entrer dans leur rôle, la rédaction leur a proposé lors du dîner de rencontrer quatre personnalités en léger décalage avec leurs univers habituels. Ces prises de paroles avaient pour objectif de les bousculer dans leurs certitudes et de les inviter à changer de regard.

C’est ainsi que quatre grands témoins ont pu apporter leurs éclairages : Augustin Courtier, co-fondateur de Latitudes, Denis Maillard (Temps commun), à l’initiative de la promotion Social Demain, Camille Morvan, chercheuse en biais cognitifs, cofondatrice de Goshaba et Arthur Vinson (Mailoop), co-président de l’Observatoire de l’Infobésité. Tous avaient la mission de passer quelques conseils structurants à nos jurés.

Denis Maillard a expliqué comment il parvenait à former chaque année une promotion de 50 jeunes de moins de 35 ans sur des projets sociaux. « Comment on les identifie ? En regardant la qualité du projet bien sûr, mais aussi en s’intéressant à leur sens politique, à leur capacité d’exercer le pouvoir. A celle d’être de « bons camarades », également,  car une promotion, c’est une équipe, un équilibre entre plusieurs personnalités différentes. Ce sera la même chose avec vos six lauréats : ils devront former un tout. »

Augustin Courtier, ingénieur de Centrale Supelec, s’efforce d’injecter dans les formations d’ingénieur ce qui lui a manqué durant ses études : une réflexion autour du sens et de la responsabilité. La capacité de réinventer l’imaginaire du numérique. Il a invité les jurés à interroger le « pourquoi » de chaque projet, à l’image de ce qui se pratique dans l‘économie sociale et solidaire. Optimiser son impact, c’est bien. Réduire le périmètre de projets pour définir les contours vraiment pertinents, c’est mieux. Ce n’est d’ailleurs pas parce que quelque chose est possible qu’il y a toujours du sens à le faire. « Qu’est-ce qui ferait que votre projet n’existerait pas ? » : voilà la question qu’il invite chacun à se poser.

Camille Morvan s’est amusée à tester les jurés sur leurs propres biais cognitifs et a porté à leur attention plusieurs de ces biais très répandus : le biais d’optimisme, par exemple. « On se pense plus beau qu’on ne l’est, on croit que le cancer ou le divorce, c’est pour les autres, etc. » a-t-elle mis en garde.

« A notre époque, on croit qu’avec la volonté on peut tout réussir, ce qui est parfaitement faux. Nos comportements, pour la plupart, nous échappent. Et la grande majorité de nos décisions sont rationalisées a posteriori. »

Autre biais, qui concernent directement le travail de juré : « Vous allez écouter quelqu’un qui sort de HEC et qui sait jouer avec tous vos codes culturels. Vous n’êtes pas vacciné contre cela. Attention aussi à l’effet « premier dossier parcouru » et « dernier dossier de la pile ». Et à ceux qui jouent sur l’effet mémorable (le candidat qui arrive avec un raton laveur pour attirer l’attention, comme dans la série Silicon Valley)…

Pour limiter l’effet des biais, prenez des avis externes, a conseillé Camille Morvan. Et posez-vous la question suivante : « Si ça foire, ce sera pour quelle raison ? Qu’est-ce que je n’avais pas vu au départ ? »

Arthur Vinson a pour sa part évoqué l’infobésité : l’un des effets de bord du numérique, aussi imprévu que colossal en termes de risques psycho-sociaux, c’est cette surenchère d’informations qui a envahi notre quotidien, à tel point que beaucoup d’actifs ont le sentiment, entre visioconférences et réponses aux emails, de ne même plus avoir « le temps de réfléchir. »

Pour le spécialiste, il est donc intéressant aussi de regarder ce que nos usages numérique disent de nos processus d’entreprise, souvent à leur corps défendant. « Votre organisation se dit, voire se pense sincèrement, agile ? La réalité des emails échangés, leur nombre, les listes de destinataires en copie, racontent bien souvent une tout autre histoire. » Et en la matière, chaque nouveau projet numérique, même s’il se présente comme ayant du “sens” et étant très “responsable” peut amener avec lui à plus long terme des effets rebonds destructeurs, qu’il faut anticiper. La plupart des clients d’Arthur estiment ainsi que ChatGPT pourrait les sauver de leur masse d’email à traiter, mais lui-même n’est pas aussi convaincu : « Pour l’infobésité, chaque nouvel outil ne fait qu’empirer le problème, en apportant une couche d’informations supplémentaire ».

Des critères ambitieux pour récompenser les projets…

Les échanges de la soirée se sont ensuite poursuivis en petits groupes, avec des discussions très libres entre les jurés, afin de préciser leurs attentes vis à vis des Trophées et de leur rôle. Denis Maillard avait pris soin de préciser qu’il ne faut pas « laisser croire qu’il existe une formule mathématique permettant de sélectionner à la fin le projet parfait. » Il appartiendra aux jurés d’assumer leur subjectivité. Echanger collectivement sur le sujet était donc un premier pas en ce sens.

Alors, sur quels critères conviendra-t-il de s’appuyer ?

Parmi les pistes évoquées, des « classiques », toujours valables, comme la création de valeur, le degré d’innovation (technologique, organisationnelle, de processus…), la possibilité de passer à l’échelle, de dupliquer les projets, ou la capacité d’entraînement et de fédération à l’intérieur de l’entreprise.

D’autres critères peuvent être considérés de façons très différentes, selon le point de vue. Par exemple, la pérennité d’un projet. « Si vous venez pour résoudre un problème, et que vous existez toujours 10 ans plus tard, cette pérennité n’est pas forcément bon signe : cela veut dire que vous avez échoué » a plaisanté (à moitié) un participant.

Autres aspects intéressants : la grande variété des parties prenantes au projet et leur capacité à coopérer (« On trouve rarement la solution tout seul ! »). Mais aussi le fait de ne pas être « élitiste » : pour avoir véritablement du sens, il s’agit aussi d’avoir un impact sur des personnes plus éloignées du numérique. Autre point qui sera très regardé par le jury : la capacité des porteurs de projet d’être transparent sur l’information, les indicateurs calculables, la réalité de l’impact. Les jurés sont unanimes, ils ne sont pas là pour seulement récompenser « une bonne idée ». Alors, le budget consacré au projet est-il sérieux pour espérer un passage à l’échelle ? Le critère de capacité de mise en œuvre est un point important qui sera finement observé.

Plus généralement, les jurés veulent éviter le piège qui associe aujourd’hui systématiquement le numérique responsable aux seuls enjeux écologiques. La question de l’impact social sera un autre questionnement intéressant. Le projet contribue-t-il à créer de l’emploi ? A améliorer l’employabilité des salariés, partenaires et/ou clients ? C’est un point essentiel à l’heure où l’on oppose trop souvent le numérique et l’humain, le numérique et l’emploi.

… et des pièges à éviter

Parmi les pièges, les jurés s’accordent sur le fait d’éviter les grandes idées, les combats de valeur (pour privilégier les actions concrètes). Ils ont bien écouté Camille Morvan puisqu’ils sont unanimes sur le biais de présentation : « Evitons de nous laisser embarquer par un super discours ou des éléments avec un effet « wahou ». Nous ne sommes pas là pour élire le meilleur commercial. » Cela veut donc dire pour eux, apprendre à garder le regard ouvert sur ceux qui retiennent moins l’attention au départ.

Les jurés ont affirmé leur volonté de récompenser des faiseurs, au-delà du proof of concept. De même, il ne sera pas seulement question d’entreprises qui offrent un service/produit au marché : les organisations qui se transforment en interne pourraient faire de très beaux lauréats.

Enfin, il semble évident pour tous que, bien que chaque projet s’inscrive dans l‘une des trois catégories des Trophées Alliancy (Impact environnemental, Responsabilité sociale/Inclusion, Confiance) il est aussi essentiel qu’il réponde aussi aux attentes des deux autres : les projets aux impacts les plus globaux sont les plus appréciés. Mais surtout, en un mot comme en cent : le jury des Trophées Alliancy souhaite être surpris par l’originalité de ce qui lui sera présenté. Un bien bel aventure commence !

Les Trophées Alliancy en 5 points :

Après avoir mis en 2022 un coup de projecteur sur 100 personnalités engagées, qui donnent du sens au numérique en France, notre média organise des Trophées pour récompenser des initiatives nouvelles, concrètes et vertueuses.

  • Nous voulons prouver que des projets déjà engagés réussissent à faire bouger les lignes dans notre pays en inspirant les organisations à s’en emparer pour les développer, les dupliquer, les industrialiser.
  • Les projets sont répartis en trois catégories (avec 2 lauréats par catégorie) : Confiance Numérique • Impact Environnemental • Inclusion.
  • Seront récompensés aussi bien le « Good IT » que « l’IT for Good » : la place du numérique est un facteur important, mais qui peut être abordé de différentes façons.
  • Vous pouvez candidater en tant qu’entreprise, direction d’une entreprise, start-upper, chef de projet… ou même groupement d’organisations.
  • Date limite des candidatures le 16 octobre. Remise des prix le 11 décembre.

Les candidatures sont ouvertes

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