L’année du doublement pour Dataiku

Après une levée de fonds de 28 millions de dollars en 2017, Dataiku, société leader en data science et machine learning, a réalisé fin 2018 un tour de table de 101 millions de dollars*. Rencontre avec Florian Douetteau, CEO de Dataiku et Léo Dreyfus-Schimdt, Lead Scientist à Dataiku Lab.

La plateforme unique de Dataiku permet à toute entreprise, de tout secteur, de repenser son activité grâce à l'IA et de répondre à différentes problématiques métiers (marketing, maintenance prédictive, détection de fraudes…).

La plateforme unique de Dataiku permet à toute entreprise, de tout secteur, de repenser son activité grâce à l’IA et de répondre à différentes problématiques métiers (marketing, maintenance prédictive, détection de fraudes…).

Après cette grosse levée de fonds fin 2018, quels sont vos objectifs cette année ?

Florian Douetteau. Cet apport d’argent va nous permettre de continuer le développement de la société à l’international. Notamment aux Etats-Unis où nous réalisons la moitié de notre chiffre d’affaires, mais également en Asie. Cette année, nous souhaitons doubler à la fois l’effectif et le chiffre d’affaires [sur lequel l’entreprise ne communique pas, NDLR]. Et, à terme, avoir des ventes équilibrées entre les différents continents.

En matière de data, certains secteurs sont-ils plus dynamiques que d’autres ?

Florian Douetteau. Il y a de l’appétence sur le sujet data dans tous les secteurs, notamment dans ceux qui disposent de grandes masses de données comme la banque et l’assurance. Il y a aussi de grandes tendances de fond de transformation des entreprises auxquelles on se rattache, comme la manière de penser les opérations de marketing ou le digital… En reprendre le contrôle passe par le fait d’avoir des équipes en interne capables de traiter les données, de comprendre les comportements, de gérer les campagnes… De même, dans le monde industriel, on digitalisait au départ la chaîne de fabrication ou logistique, alors qu’aujourd’hui on optimise le pricing, le choix des pièces, on crée des services à valeur ajoutée au-dessus des métiers… Toutes ces évolutions correspondent à des développements analytiques.

Comment les entreprises se saisissent-elles de ces technologies ?

Léo Dreyfus-Schimdt. On se rend compte qu’il y a une vraie démocratisation de ces outils dont l’accès se fait de plus en plus facilement, y compris en ligne. Ce qui n’était réservé auparavant qu’aux experts et spécialistes… Au travers de notre plateforme DSS par exemple, nous proposons aux professionnels des données de collaborer au sein d’un même environnement, que ce soit pour le traitement analytique des données comme pour le développement de nouvelles solutions. Ensemble, ils peuvent explorer, développer et produire leurs propres produits data plus efficacement. Ces outils s’ouvrent aux experts métiers, dont les data scientists ne peuvent se passer pour analyser et comprendre un jeu de données…

Comment ces équipes s’organisent-elles ?

Léo Dreyfus-Schimdt. On voit différents modes de fonctionnement de par cette coréalisation indispensable. On voit le besoin de monter en compétences en interne. Les entreprises souhaitent que les experts métiers puissent intégrer ces nouvelles technologies et se former à la data science plus largement. C’est pourquoi nous avons aussi une forte activité de formation, y compris chez nos partenaires technologiques. La demande est de plus en plus forte. Tout se joue à l’échelle des individus et de leur capacité à s’approprier ces technologies… Nous travaillons dans ce sens depuis le début. Certains grands groupes peuvent certes recruter des data scientists, mais c’est surtout en interne qu’elles font monter les compétences avant d’utiliser les outils du marché.

Vous avez récemment lancé à Paris votre « Enterprise AI Lab » (EAI), de quoi s’agit-il ?

Florian Douetteau, CEO de Dataiku

Florian Douetteau, CEO de Dataiku

Florian Douetteau. Ce lab doit nous permettre de disposer de solutions en IA qu’on n’imagine même pas encore… Sur une partie de notre marché, des outils existent et se démocratisent, c’est évident. Mais dans le domaine de l’IA appliquée aux entreprises, tout reste encore très ouvert. Il y a un gouffre entre ce que l’on imagine et la réalité terrain…

Léo Dreyfus-Schimdt. Pour se démarquer des autres labs, nous n’avons pas vocation à faire de la recherche fondamentale. Pour autant, avec ce Data Lab, nous dépassons le cadre habituel de ce que nous faisons avec notre plateforme, en étudiant les nouvelles techniques d’intelligence artificielle appliquées dans un contexte business très précis pour débloquer certaines situations. Nous explorons déjà des projets ambitieux avec des entreprises, mais nous voulons travailler aussi avec des organisations à but non lucratif, des établissements d’enseignement supérieur ou des laboratoires de recherche comme la Nasa ou Inria… Notre objectif étant toujours d’améliorer les processus métier en utilisant l’IA afin de se consacrer aux tâches les plus créatives. C’est une façon d’être toujours au plus près des besoins de l’entreprise, mais en y réfléchissant différemment.

Ce lab est-il d’ores et déjà opérationnel ?

Léo Dreyfus-Schimdt. Tout à fait. Avec une équipe dédiée de 6 personnes et l’apport d’autres experts si besoin, nous avons commencé à y réfléchir début 2018, mais il existe réellement depuis octobre dernier avec différents projets, dont celui de Santiane qui avait un problème de tri de ses courriers, papier et électronique, à régler. Ce côté générique et universel nous a convaincu de voir comment appliquer les techniques d’intelligence artificielle pour aider à classifier automatiquement cette masse aussi diverse de façon à l’orienter directement vers les bonnes équipes au sein de l’organisation. Notre projet est finalisé et est en cours de production chez le client…

Qui sont aujourd’hui vos interlocuteurs dans l’entreprise ?

Florian Douetteau. Ce sont les Chief Data Officers, les directeurs analytiques qui sont rattachés à chaque business line… Eux-mêmes ayant la DSI comme interlocuteur en interne pour les aspects technologiques et support, entrepôt de données, etc. La data est un métier en soi, cela semble clair pour tous, et ce n’est pas le métier de la DSI.

[bctt tweet= »Florian Douetteau, CEO de @dataiku « Notre stratégie est de construire et fournir la plateforme opérationnelle sur laquelle l’entreprise construit elle-même les #IA qui résoudront ses problèmes métiers. »  » username= »Alliancy_lemag »]

Parmi vos projets, vous avez aussi un déménagement programmé…

Nous nous installerons l’été prochain près de la Gare de Lyon, dans des locaux équivalents à trois fois notre site actuel dans le Sentier. Nous recrutons sans cesse, d’où l’obligation de bouger. L’effectif passera à la fin de l’année de 200 à 400 personnes… entre notre siège de New York, nos bureaux à Paris et Londres, ainsi que Sydney et Singapour.

Quels types de profils recrutez-vous ?

Nous recrutons partout des data scientists, des développeurs, des spécialistes du commercial et du marketing… Mais c’est toujours difficile de recruter, y compris en France, car l’enjeu est de recruter les meilleurs talents.

* mené par Iconiq Capital et soutenu par Alven Capital, Battery Ventures, Dawn Capital, et FirstMark Capital. Aujourd’hui, Dataiku compte plus de 200 clients dans le monde dans la santé, le retail, la banque-assurance, l’industrie, le transport, le secteur public… Parmi eux : General Electric, Sephora, Unilever, Kuka, Fox, BNP Paribas… comme de nombreuses start-up.