Créé il y a 30 ans, Stelliant est aujourd’hui le leader, en France, des services à l’assurance pour les particuliers, les professionnels et les entreprises. Après avoir intégré l’entreprise en 2018, Christel Loitron poursuit la transformation de la DSI du groupe, forte d’une centaine de collaborateurs et prestataires et de 15 millions d’euros de budget. Elle revient sur ses recettes pour créer une culture de la coopération dans une entreprise de 2500 personnes en profonde mutation.
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L’amélioration de la relation avec les métiers est-elle encore un combat d’actualité pour une DSI ?
Christel Loitron. C’est un sujet sur lequel je me bats depuis des années ! Et c’est encore aujourd’hui le sens que je donne à la mission d’un DSI. Après 35 ans d’expérience dans les systèmes d’information dans de multiples secteurs d’activité, dont 5 en tant que manager de transition, j’ai pu constater de nombreuses évolutions sur le sujet. Si je prends l’exemple de Stelliant en 2020, ce combat doit être contextualisé : l’entreprise change à grande vitesse. Je l’ai rejointe voilà deux ans et j’ai intégré depuis le comex, avec pour ambition que le SI soit un véritable contributeur au métier.
Quels sont pour vous les facteurs de tension les plus déterminants entre l’IT et les métiers ?
Christel Loitron. Une entreprise qui veut devenir une « entreprise numérique » n’a pas le choix et doit développer une excellente relation et réaliser un travail de partenariat avec les métiers : c’est un prérequis à la réussite de la transformation. Mais une fois qu’on a dit cela, les sujets de tension ne manquent pas. Quand le système d’information se retrouve être au cœur de tous les sujets business, la question devient naturellement : « qui pilote le système » ? Le métier ou l’IT ? Cela a pu provoquer un schisme, à une époque où la DSI a abusé de sa position incontournable, comme par exemple sur les outils de reportings. En réponse, les métiers ont quelquefois cherché à se passer de la DSI – cela a été un véritable retour de bâton. Pour simplifier, le facteur de tension principal est souvent la vision en « pré carré » des différentes directions de l’entreprise. Quand le travail d’équipe prévaut et qu’il s’appuie sur une approche processus, c’est très différent.
Qu’est-ce qui permet de généraliser cette culture de la coopération selon vous ?
Christel Loitron. J’identifie plusieurs facteurs. D’abord, le fait que l’entreprise positionne la direction finance, les business units métiers et la DSI au même niveau, au sein du comex. Ensuite, que l’entreprise mette en place une démarche agile. Cette dernière est récente chez Stelliant, mais nous percevons déjà les résultats. Et je ne parle pas seulement d’une « DSI agile » qui, seule, ne servira pas à grand-chose. L’implication des métiers permettra de faire le vrai pivot : amener une vue transversale, plutôt qu’application par application, et gérer les priorités par les délais, afin de synchroniser tous les développements. Pour s’assurer de l’engagement des métiers, la DSI doit faire preuve d’une certaine humilité. Il faut les faire parler, les interviewer, réaliser des synthèses et amener le « plus » qui va faire la différence par rapport à nos concurrents. En arrivant chez Stelliant, j’entendais quelquefois de la part des équipes IT « c’est au métier de me dire ce qu’il veut ». Or, c’est aussi aux équipes IT d’être proactives, d’aller au-delà des demandes. Ne pas faire ce que dit l’utilisateur au sens strict, mais répondre à son besoin en traitant les demandes avec une projection à l’échelle de toute l’entreprise. Pour cela, il faut que les équipes comprennent la stratégie des métiers, d’où l’importance que des représentants de ces derniers viennent pitcher régulièrement auprès de l’IT.
A quel point faut-il formaliser ce mode relationnel ?
Christel Loitron. L’agilité constitue déjà un premier axe de formalisation. Au-delà, je pense que chaque projet métier lancé doit faire l’objet d’une « charte projet » rédigée en commun. La formalisation de l’organisation, des enjeux, des coûts, et du calcul du ROI doit être coconstruite. De même pour la définition des KPI de mesure de résultats. L’implication de la DSI est clé, car les métiers ont rarement une idée exacte de l’impact et du coût IT sur un projet. C’est, de manière générale, ce qui permet de rationaliser la relation, de ne pas être dans une évaluation subjective de ce qui fonctionne ou non, et de dépasser les traditionnelles enquêtes de satisfaction. En partageant ainsi les enjeux et les indicateurs validés en commun, on est capable de mesurer objectivement le résultat. Sortir aussi de la posture stérile qui prétend dire « en tant qu’acteur métier, tu ne peux pas comprendre ce que je fais à l’IT » en contribuant à démocratiser la technique, et à rendre plus simple et accessible ce qui peut être complexe dans un monde numérique.