Christian Pasquetti (MGEFI/VYV) : « Nous avons développé un langage commun entre IT et métiers »

Christian Pasquetti est directeur général de la MGEFI, mutuelle qui gère les risques santé et prévoyance des agents des ministères économiques et financiers et de leurs familles. La MGEFI appartient au groupe VYV, pour lequel Christian Pasquetti a également la responsabilité de directeur coordination de la stratégie des systèmes d’information. Il partage ses préoccupations et priorités sur la question de la perception qu’ont les organisations de leurs équipes informatiques.

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Diriez-vous que le rapport des entreprises avec leurs équipes IT a changé ?

Christian Pasquetti est directeur général de la MGEFI,

Christian Pasquetti, directeur général de la MGEFI,

Christian Pasquetti. Le rapport a pu changer du fait du développement des technologies. Le SaaS et le cloud notamment ont amené dans la boucle de nombreux acteurs extérieurs et cela interroge la maîtrise qu’ont le DSI et les équipes IT du système de l’entreprise, et donc leur rôle exact. Dans les faits, on constate que c’est une relation métiers-DSI étendue qui se met en place. Tout ne se passe plus à l’intérieur de l’entreprise. Le périmètre et la façon de travailler des équipes IT a changé en conséquence, avec quelques questions incontournables : comment gérer ce qui était classé en maitrise d’ouvrage et comment aborder la mise en œuvre ? Comment gérer les nouveaux types de contrats et la relation qui va avec ?

Quel regard portez-vous sur cette relation IT-métiers au niveau de la MGEFI spécifiquement ?

Christian Pasquetti. En prenant la tête de la MGEFI en 2016, j’ai hérité d’une entreprise avec une forte dette technique. Les ambitions de transformation étaient là, mais j’ai dû prêter une attention particulière à la situation réelle des systèmes existants et prendre la mesure des compétences en place et absentes. Face aux nombreux enjeux d’adaptation, la transformation était autant technologique qu’humaine. La difficulté principale se résume en une question : comment parvient-on à se digitaliser tout en réformant des fondations dont l’obsolescence menace la pérennité même de l’entreprise ? En effet, nous avons besoin d’innover sur la partie « front-office », mais l’entreprise dépend de systèmes anciens et d’architectures pensées à une autre époque de l’informatique. Naturellement, cela n’est pas simple à comprendre pour les métiers qui y voient perte d’énergie et de temps… Ce qui peut crisper toute l’entreprise.

Qu’est-ce qui selon vous aide le plus à transformer l’entreprise à ce niveau ?

Christian Pasquetti. Comme tout le monde, nous avons la conviction que pour mieux se digitaliser, il faut s’appuyer d’une façon ou d’une autre sur ce qui existe aujourd’hui en matière de « transformation agile ». Mais on se rend vite compte que ce n’est pas une baguette magique : toute organisation fait aussi face à de forts enjeux de de maintien en conditions opérationnelles de systèmes qui ne sont pas prévus pour l’ouverture et la digitalisation… Il faut donc augmenter très progressivement le plancher minimum d’agilité pour tout le monde, sans laisser personne derrière.

Numérique en pratique guide Des outils logiciels vous aident-ils dans ce cheminement ?

Christian Pasquetti. Les outils de type communautaire et collaboratif joue clairement un rôle sur la capacité à généraliser au sein de l’entreprise le partage entre tous, y compris IT et métiers. Ils créent une transversalité de l’information qui est clé. Nous avons ainsi déployé un outil de gestion de projet commun IT-métiers, basé sur une plateforme web assez ergonomique. Cela nécessite un peu de formation et de changer ses habitudes de part et d’autre. Mais surtout il faut pouvoir s’appuyer sur une volonté partagée de comprendre que les projets à forte adhérence technologique sont des projets métiers qui doivent aujourd’hui être portés par tous et pas seulement par l’IT. Donc les outils seuls ne suffisent pas. C’est pour cela que nous avons aussi mis en place des formations en lean management pour développer un socle de fonctionnement et un langage commun entre IT et métiers. Une des priorités est de s’assurer que l’expression des besoins métiers soit compréhensible rapidement par l’IT. C’est une accélération importante de tous les projets.

Vous évoquez aussi une approche culturelle pour favoriser l’évolution de la relation IT/Métiers ?

Christian Pasquetti. Nous avons pris le taureau par les cornes, avec une démarche d’accompagnement du changement culturel. Il ne s’agit pas seulement pour chacun d’intégrer des processus ou de nouvelles manières de faire. Il faut développer le sens du collectif et du travailler ensemble entre IT et métiers. Nous avons pris le parti de travailler à partir d’outils mnémotechniques et visuels. Dans cette méthode, chaque image est un symbole de ce que peut être une relation entre des collaborateurs ou des équipes, avec l’objectif de faire réagir et d’interroger les réflexes de chacun. Un exemple qui a très bien fonctionné : l’image d’une route qui va vers l’horizon, et dont la ligne blanche centrale est peinte au-dessus d’un pneu qui s’est retrouvé au milieu du chemin. C’est l’incarnation d’une posture « Ce n’est pas mon travail, donc je n’ai pas agis ou je ne me suis pas posé de question ». Et cela interroge beaucoup les collaborateurs. A l’inverse, certaines images évoquent l’empathie, le « mets-toi dans mes chaussures même si tu ne fais pas mon métier ». Entre ateliers, évènements et autre communication, nous voulons faire infuser de nouvelles postures de travail dans toute l’entreprise, encore et encore. C’est essentiel, car l’un de nos principaux challenges en tant qu’entreprise est de savoir s’approprier collectivement ce que nous permet de faire la technologie aujourd’hui. On ne peut plus rester au niveau 0 d’une colloque sur l’IA qui se contente de faire de la sensibilisation, sans que derrière les personnes des métiers et de l’IT dépassent leurs habitudes pour dire : qu’est-ce que cela change pour nous ? Pas chacun de notre côté, mais ensemble ?

Les enjeux sont-ils identiques au niveau du groupe Vyv ?

Christian Pasquetti. Chez Vyv, la direction de la coordination SI n’a été créée qu’en juillet 2019, mais il existait une direction du numérique, qui intégrait à la fois le data protection officer et la vision de la stratégie data globale. L’objectif était de penser la privacy et les usages data de demain de façon transverse, alors que le groupe , à ce stade pour l’IT, est une fédération d’entités qui portent essentiellement pour leur propre compte les responsabilités SI… La création de la nouvelle direction a donc pour but de mieux coordonner l’exécution de la stratégie, traduite par les SI. Nous évitons ainsi d’avoir une « direction digitale » hors-sol et coupée des réalités des systèmes d’information. C’est à cette fin que nous avons structuré une nouvelle gouvernance pour construire des processus de travail communs entre le groupe, sa direction du numérique et toutes les entités SI et services métiers… qui puisse intégrer aussi les comités data, privacy, architecture et SI. La gouvernance traduit ainsi cette nouvelle relation IT-métiers au sein du Groupe VYV dans son ensemble.

Quel est l’impact au quotidien sur les équipes IT ?

Christian Pasquetti. Pour les équipes IT, préparer demain, cela veut dire être dans une vraie dynamique d’ouverture. Aujourd’hui, avec le projet stratégique Force VYV nous menons 21 projets majeurs qui constituent notre plan de transformation. Tout le monde est concerné. Dans le collectif IT que j’anime, nous partageons une vision de la trajectoire d’harmonisation et identifions les sujets de convergence potentielle… Par exemple, sur des sujets comme l’APIsation des systèmes qui est au centre de notre volonté d’interopérer nos systèmes pour délivrer plus de valeur adhérents, les équipes IT doivent avoir une compréhension des usages métiers bien plus profondes qu’elles n’avaient. La vision ne doit pas être celle d’un lien technique entre une entité A et une entité B, mais celle de la définition des appairages de services métiers et des chaines intégrées de services pour nos adhérents.