Olivier Daniel est directeur général délégué en charge des systèmes d’information au sein du comité exécutif du Groupe Henner. Il décrit les changements qu’a vécu la DSI du courtier en assurances, pour aller vers plus « d’intimité business » et le travail d’explications qu’il a fallu mener pour faire bouger les lignes au sein de l’entreprise.
Article initialement publié le 28 janvier 2020
> Découvrez l’actualité de la rubrique du Numérique en Pratique et les nouvelles priorités des DSI.
Alliancy. La perception qu’ont les salariés de la direction informatique d’Henner a-t-elle changé depuis votre prise de fonction en 2016 ?
Olivier Daniel. L’ensemble du comex et les collaborateurs du Groupe constate tous les jours la criticité du système d’information qui est aujourd’hui un des piliers/garants de la qualité de service de notre Groupe vis à vis de nos clients : il est au cœur de l’entreprise. Mais dans les métiers du tertiaire comme le nôtre, l’informatique est presque devenue une business unit comme les autres ces dernières années. Par exemple, nous contribuons à une majorité des appels d’offre et il n’y a quasiment aucun projet d’Entreprise que nous n’accompagnons pas. Cette évolution s’est notamment traduite par ma présence au comex du Groupe Henner, pour positionner la DSI au même niveau que l’ensemble des autres business units et fonctions supports. Il est donc essentiel que la relation entre les équipes techniques et les équipes métiers soit la meilleure, la plus fluide et la plus efficace possible. L’objectif est d’être plus qu’un simple « business partenaire » terminologie qui est presque galvaudée aujourd’hui : nous voulons être au-delà cad atteindre une véritable « business intimacy ».
Comment atteint-on cette intimité ?
Olivier Daniel. Pour parvenir à cette intimité, la DSI doit s’impliquer dans la comitologie avec les métiers, et participer à un copilotage de tous les instants de chaque projet. Chaque projet en cours doit trouver au sein du comex son sponsor métier et son sponsor IT. Et à partir de là, il faut travailler à partager le sens de ce que l’on fait encore et encore. Pour la DSI, avant même de parler de ce que l’on met dans la roadmap, il faut que la philosophie de celle-ci soit comprise par chacun. Je crois qu’en 2020 nous n’en sommes plus aux faux débat qui veulent voir s’opposer des DSI et des CDO autour de la transformation numérique. En revanche, nous sommes devant un énorme enjeu de communication qui est encore sous-estimé après toutes ces années. Au delà des projets, la DSI doit s’attacher à s’intégrer dans les processus métiers et comprendre les problématiques de chaque Direction. L’objectif est de se positionner véritablement en partenaire, facilitateur au day-to-day.
Quelles illustrations avez-vous de cet enjeu chez Henner ?
Olivier Daniel. Dans notre transformation, nous sommes souvent amenés à donner des libellés très synthétiques à des projets structurants, pour en faciliter l’appellation et l’usage. Cela ne doit pas nous faire oublier qu’il faut derrière cela être très précis sur tous les détails de ce qui va être concrètement mis en place. Il faut visibiliser les changements sans se cacher derrière du jargon ou des périphrases. La DSI dans sa communication institutionnelle doit rester extrêmement simple et concrète. Elle doit sortir de sa tentation d’être autiste vis-à-vis du reste de l’entreprise, sous prétexte que ses sujets sont très techniques. Nous menons ces derniers mois un travail profond d’urbanisation du système d’information chez Henner. Les montants investis sont très importants et le sujet est par nature complexe/technique. Or, il est vital que tout le monde comprenne ce que nous sommes en train de faire et pourquoi. La DSI doit donc passer autant de temps que de besoin pour clarifier, expliquer, détailler… Avec une vigilance particulière sur son vocabulaire. Même le terme « urbaniser » n’a pas grand sens quand on sort d’une vision IT. C’est néanmoins un véritable enjeu pour intégrer nos métiers à cette transformation et aux nouveaux usages qui en découlent.
Il y a depuis plusieurs années des appels récurrents aux DSI pour développer leur propre marketing…
Olivier Daniel. Je considère que la DSI doit communiquer / s’exprimer régulièrement tant sur son actualité, ses indicateurs -s’ils sont business-, les projets et pour donner du sens aux orientations et aux travaux en cours. Il faut veiller à sortir d’une communication uniquement liée à des incidents. C’est en ce sens que nous pouvons effectivement parler de « marketing » de la DSI. Il faut que cette communication soit régulière et accessible au plus grand nombre. Il serait par exemple très utile, d’avoir un glossaire en ligne de tous les projets que l’on mène, qui soit un véritable catalogue explicatif auquel chaque salarié pourrait se référer. voire de commenter car l’on devrait être en mesure d’adresser la façon dont tel ou tel projet est perçu et y répondre. Cela s’apparente à une stratégie de marque, qui vient en complément naturelle d’une relation IT-métiers saine.
Faut-il s’équiper d’autres types d’outils pour faciliter cette relation ?
Olivier Daniel. Il y a des outils qui peuvent jouer sur ou faciliter la qualité de la collaboration dans une entreprise, c’est certain. Notamment les outils collaboratifs, comme Teams ou Service Now, ou tous les outils fluidifiants la communication. Mais je n’attends pas le grand soir d’un outil ! En phase projet, il est intéressant de s’équiper d’outils collaboratifs pour surtout quand les équipes sont plusieurs sites. Mais sur de nombreux autres sujets, la communication avec nos métier passe par mail ou intranet– ce n’est pas un problème. Au-delà de la question des outils eux-mêmes, la façon dont la DSI s’approprie ces missions de liens avec les métiers est très importante. J’ai ainsi créé des « client managers » au sein de la DSI pour m’en assurer. Au niveau IT, ces rôles de « commerciaux » ou ambassadeurs ont spécifiquement en charge l’animation de la relation formelle ou informelle avec les acteurs métiers. Et en retour, ils sont des ambassadeurs métiers au sein de l’IT. Ils ont tous un lien hiérarchique direct avec moi, ce qui permet de mailler ces échanges jusqu’au niveau comex, au-delà des strates existantes du management du groupe.
Que pensez-vous des méthodes d’agilité à l’échelle dont on a de plus en plus entendu parlé ces dernières années ?
Olivier Daniel. L’entreprise compte 1500 collaborateurs, notre taille et notre culture nous permet de rester véritablement agile, avec un vrai sens de la proximité. Plus sérieusement, à date, nous n’avons pas chercher à déployer à l’échelle du Groupe une méthode agile. Nous déployons et avec grand succès en revanche, une méthode agile sur tous les projets pour lesquels cela est adapté et apportera de la valeur et de l’efficience. Nous acculturons ainsi progressivement toute l’Entreprise sur les composantes qui en font le succès : MVP, sprints, plateau… Mais n’oublions jamais que ce n’est qu’une méthode et que la valeur d’un projet vient d’une définition détaillée et partagée du contenu fonctionnel et du modèle opérationnel qui en découle et d’un parfait alignement IT/Métier.
Qu’est-ce qui vous parait être dans une entreprise le signe d’une bonne relation entre l’IT et les métiers ?
Olivier Daniel. La façon dont se passe les moments clés de la vie d’une entreprise, budgets et roadmap IT par exemple, ou encore la façon dont une entreprise fait face à des problèmes informatiques sont symptomatiques du niveau de relation. Quand des dirigeants ou acteurs métiers prennent le relais de l’IT dans une discussion, pour expliquer et assumer collectivement avec la DSI d’éventuels problèmes qui ont pu être rencontrés par l’entreprise au niveau informatique, alors il est évident que la relation est bonne. Pour une entreprise en croissance comme Henner, c’est la preuve que les parties prenantes de la transformation ont dépassé les mauvais réflexes qui consistent à se rejeter la faute au moindre accroc. Mais je suis très attentif aussi aux comportements des uns et des autres lors des rencontres quotidiennes que ce soit du comité exécutif ou avec nos métiers lors des différents comités. Ainsi sur les petits arbitrages, le suivi des projets. Il faut toujours veiller à l’existence d’une réelle bienveillance et solidarité entre tous les acteurs, ce qui n’exclut aucunement la capacité et le besoin de se dire les choses sans filtre !