Stéphane Rousseau est le DSI du groupe Eiffage et vice-président du Cigref. Il explique en quoi la question de la relation avec les métiers est « l’essence même » de la mission d’un DSI, identifie les principaux challenges qu’il voit sur la table pour 2020 et revient sur la notion d’impératif de transparence pour les services IT.
Quelle perception avez-vous de l’évolution de la relation IT-métier durant cette dernière décennie ?

Stéphane Rousseau, DSI du groupe Eiffage et vice-président du Cigref
Stéphane Rousseau. C’est un sujet majeur, qui m’occupe l’esprit tous les jours. Mieux, je dirais même que c’est en quelque sorte l’essence même de ma mission en tant que DSI. Chaque aspect de la relation IT-Métier est partie intégrante du quotidien d’une entreprise, à travers ses bons et mauvais côtés. L’impact est significatif à la fois d’un point de vue opérationnel et parfois jusqu’aux aspects stratégiques. Il y a 10 ans on parlait déjà de cette relation bien sûr, mais la principale différence était que le sujet était abordé sous un angle qui était beaucoup plus normé et procédurier. Nous étions beaucoup moins à observer le caractère organique, humain et business, de ces échanges.
En quoi est-ce un challenge ?
Qu’est-ce qui vous fait dire que la nature de la relation a pu changer ces dernières années chez Eiffage ?
Stéphane Rousseau. Il y a de nombreux exemples différents, mais une bonne illustration est celle du « shadow IT ». Je l’ai vu diminuer fortement chez Eiffage, en grande partie grâce à la capacité croissante de la DSI à se positionner différemment vis-à-vis des métiers et à leur apporter une valeur nouvelle, sur des sujets pour lesquels les acteurs business ne seraient pas passés par nous par le passé. Dans notre métier de promotion immobilière, on voit clairement aujourd’hui une attente d’avis, de conseil de la DSI, pour aider à s’y retrouver dans un monde numérique, que ce soit dans la sélection des outils ou des nouvelles méthodes de travail. On est loin de l’époque du déploiement des grands ERP où tout était normé et très inconfortable pour les métiers qui avaient l’impression de subir. Les modes de communications sont devenus plus horizontaux, la relation plus directe, et nous sommes sollicités pour des besoins dont on ignorait tout la veille ! C’est un challenge extrêmement positif !
Stéphane Rousseau. Cette relation plus directe est extrêmement appréciée par les personnes de l’IT car elle est associée à une reconnaissance de leur travail. Mais ce n’est pas parce que cette attente est valorisante que mécaniquement les équipes vont pouvoir y répondre avec succès. Aujourd’hui, il y a clairement une envie des équipes IT d’être proche des métiers, mais cela demande de développer de tout nouveaux panels de compétences, de savoir-faire et de savoir-être. En particulier, les soft skills prennent une place complètement nouvelle et cela ne s’improvise pas. Et en parallèle, au niveau de l’entreprise dans son ensemble, il faut que l’organisation de l’IT devienne beaucoup plus lisible du point de vue du métier. Il a fallu arrêter avec les noms de services et de directions que seuls les IT comprenaient !
Quels vous paraissent être les impératifs pour mieux éclairer « l’état de santé » de la relation IT-Métiers dans une entreprise ?
Quels indicateurs objectifs suivez-vous en priorité pour mesurer ces changements ?
Stéphane Rousseau. La sollicitation croissante des métiers est en soi une validation. Les retours positifs des métiers restent toujours un indicateur extrêmement fiable : les mails de félicitations des utilisateurs sont comme ceux des clients, ils sont un signe extrêmement positifs. Un autre aspect est le taux d’adoption réel des outils par les utilisateurs. C’est pour cela que nous mesurons systématiquement les taux d’usage pour les applications « non obligatoires », sous-entendu, celles qui génèrent une large adhésion par leur seule valeur intrinsèque. Un autre indicateur objectif très important est l’augmentation des budgets des projets. En effet, les augmentations des budgets dits de « run » ne sont pas forcément représentatives d’un point de vue qualitatif, car cela peut être seulement une conséquence de la croissance de l’entreprise. En revanche, au niveau d’un projet, on peut accéder à un véritable indicateur de la valorisation de l’IT par l’entreprise, qui est le signe d’une relation saine entre l’IT et les métiers