Basé à Marcq-en-Baroeul près de Lille, le Picom entame sa deuxième décennie avec l’ouverture du Shopping Innovation Lab (SILab), un centre d’innovation dédié au commerce du futur.
Quelle plus belle consécration pour le Picom, qui vient de fêter ses dix ans, que l’inauguration mi-octobre du Shopping Innovation Lab ? Né de l’appel à projets « Plates-Formes Mutualisées d’Innovation » (PFMI) du Programme des investissements d’avenir, le SILab est implanté sur 900 mètres carrés sur deux étages dans le parc d’activités EuraTechnologies à Lille (Nord).
Sa vocation ? Mettre à disposition de l’ensemble des acteurs de la filière, les équipements et les compétences nécessaires pour mener à bien leurs projets innovants centrés usages. Jean-Luc Souflet, président du Picom depuis fin 2013 et président du SILab, le décrivait ainsi le jour de l’inauguration : « Il s’agit d’une véritable fabrique à concevoir, prototyper et produire des services innovants. Je la qualifierais d’usine 3.0 car le numérique y est omniprésent. »
Un million d’euros d’investissement
Le cœur des services proposés par le SILab se compose de trois plateaux technologiques, Home Innovation Services ; Store Innovation Services et Outdoor & Mobility Innovation Services, qui représentent un investissement d’1 million d’euros. Là, les porteurs de projets pourront simuler, scénariser et tester leurs applications dans une démarche de codesign de services associant les utilisateurs. « C’est son orientation vers les services, les usages et le design, davantage que vers la production qui nous distingue des autres PFMI », affirme Jean-Michel Flamant, le directeur du développement.
Quelques jours après son lancement officiel, le SILab avait déjà trouvé ses premiers clients. Un démarrage encourageant quand on sait qu’au terme du soutien apporté par le PIA, les PFMI devront s’appuyer sur un modèle économique autonome. Selon Jean-Michel Flamant, le SILab vise l’autofinancement d’ici à la fin 2018, tant au niveau de sa structure que des investissements complémentaires à consentir pour amener aux clients de nouvelles technologies. « Le SILab nous donne les moyens de ne plus être totalement dépendant de décisions politiques, confie Jean-Luc Souflet, exprimant l’inquiétude suscitée par les velléités de remise en cause du financement des pôles de compétitivité voire de leur nombre. D’autant que les transformations, voire les ruptures de modèles économiques qui attendent notre secteur dans les années à venir impliquent de pouvoir conduire cette stratégie dans la durée et avec un minimum de stabilité dans les moyens à y consacrer collectivement. »
Dans ce fief de la grande distribution et de la vente par correspondance qu’est la région Nord-Pas-de-Calais, la grande force du SILab, qui a bénéficié du soutien financier du conseil régional et de la Métropole européenne de Lille, est d’avoir réussi à fédérer dans sa structure de SAS à capital variable constituée fin 2014 quinze actionnaires émanant de l’ensemble de la filière*.
La plupart ont vu se construire les fondations du Picom et l’ont rejoint dès sa création. Comme le groupe 3SI (ancien 3 Suisses International), dont le porte-parole, Antoine Pernod, décrit avec conviction l’engagement. « C’est notre pôle de compétitivité et nous y mettons en commun les réflexions sur l’évolution de notre métier et les moyens pour répondre aux enjeux d’un secteur en perpétuel mouvement très investi par les pure players, affirme-t-il. Notre implantation territoriale nous engage, par ailleurs, à contribuer à des initiatives comme le SILab pour permettre à la distribution de préparer son avenir, et à la région d’accroître son attractivité pour les PME innovantes et les start-up. » Ou à l’image de la société Wordline, filiale du groupe Atos, spécialisée dans les services de paiement électronique. Jacques Poly, son directeur Innovation et Prospective de la « business unit » Retail et Industrie, fait partie du conseil d’administration du SILab et du conseil de gouvernance du Picom, depuis sa nomination à ce poste en 2012. Seule PME actionnaire du SILab, Keyneosoft, éditeur et intégrateur de solutions de commerce digital pour les enseignes de distribution et les marques, a rejoint le Picom en 2007 dès sa création. « Il nous apporte de la visibilité auprès des enseignes du retail et nous permet de monter des projets d’innovation collaboratifs avec des enseignes et des chercheurs en assurant la mise en relation et une partie de la recherche de financement », déclare son cofondateur Alexandre Mayaud. Keyneosoft, qui a levé 1 million d’euros en mai dernier, a été lauréate du trophée Deloitte Fast 50 en 2013 pour sa croissance de 675 % sur cinq ans. La PME compte parmi ses clients Auchan, Boulanger, Carrefour, Casino et Ikea.
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Près de 100 adhérents au pôle
David Simplot-Ryl, directeur du centre de recherche Inria Lille-Nord Europe, appartient au conseil de gouvernance du Picom et au conseil d’administration du SILab. « Le Picom aide les entreprises à monter en compétences dans les technologies numériques, estime-t-il. C’est essentiel car nous ne sommes pas à l’abri demain d’un Google du commerce ». L’Inria Lille a participé à une douzaine de projets liés à ses compétences dans les domaines des étiquettes RFID et du big data. L’un des derniers en date, Hermès, est un projet de R&D collaboratif de trois ans (2013 à 2016) mené avec une pléiade de partenaires parmi lesquels Auchan, Keyneosoft, Leroy Merlin, Kiabi et l’université de Lille. Soutenu par le Fonds unique interministériel (FUI), il vise à développer un moteur de recommandation d’achat personnalisé proposant sur le canal opportun les offres les mieux adaptées au moment.
De par son implantation régionale très marquée, le Picom a mis du temps à étendre sa notoriété au plan national : la majorité de sa centaine d’adhérents a son siège social dans le Nord-Pas-de-Calais et Arnaud Mulliez, son président pendant huit ans, a aussi été, de 2003 à 2014, le très emblématique président d’Auchan France. L’accélération depuis deux ans de la transformation digitale du secteur du commerce aidant, sa réputation dépasse, aujourd’hui, largement les frontières du Nord-Pasde-Calais et le pôle de compétitivité est toujours plus sollicité pour participer à des événements liés à l’économie numérique. Le pôle travaille à accroître la part d’enseignes adhérentes non originaires de sa région. Et, comme 70 % de ses adhérents PME sont également nés dans le Nord-Pas-de-Calais, le Picom dispose encore d’une large marge de manœuvre auprès des jeunes pousses innovantes dans le commerce connecté.
En dix ans, le Picom a mené plus de 130 projets de R&D ou d’innovation d’usage. Son activité est à présent structurée autour des cinq marques de services : SILab, Innovative Shopping Booster, Shopping Foresights, New Shopping Experience et Distrib Invest. Cœur de son métier, l’Innovative Shopping Booster recouvre une démarche d’ingénierie de projets ayant pour vocation de susciter et d’organiser les collaborations entre grandes entreprises, PME et laboratoires de recherche dans le cadre des
projets d’innovation. Tandis que la marque Shopping Foresights, créée voilà environ quatre ans, fédère un ensemble d’outils de veille tournés vers la prospective.
Dix démonstrateurs au Conext de Lille
De la marque New Shopping Expérience, lancée en 2010, le Picom a fait sa vitrine technologique afin de valoriser le savoir-faire de ses PME adhérentes. Chaque année, les projets d’une dizaine d’entre elles sont sélectionnés et développés en lien avec des enseignes de distribution pour ensuite participer collectivement à des manifestations, nationales ou internationales. Dans le cadre de la NSE 6, dix démonstrateurs ont été conçus et exposés au Conext de Lille en octobre dernier.
Dans ce contexte, la start-up lilloise Phoceis a développé pour Eram un prototype de chaussure connectée (#choose), qui change de couleur, via une application mobile, pour s’accorder aux différentes tenues vestimentaires. « Eram est leader du marché de la chaussure en centreville et dans les centres commerciaux et se doit d’avoir un temps d’avance dans l’innovation, affirme Renaud Montin, son directeur marketing et digital. Il était normal de s’intéresser au Picom, seul pôle de compétitivité du commerce, que nous avons rejoint l’année dernière. »
Déposée il y a cinq ans, la marque de services Distrib Invest avait, de son côté, pour fondement de faciliter la prise de participation des enseignes de distribution dans de jeunes PME innovantes. « Elle s’appuyait sur le dispositif de défiscalisation ISF mais jugeant celui-ci trop étroit, nous l’avons mise en sommeil », explique Patrick Brunier, délégué général du Picom. Un statu quo temporaire… Distrib Invest doit renaître dans le cadre du projet d’accélérateur de start-up Retail Boost, annoncé le jour de l’inauguration du SILab. « C’est l’une des marques avec lesquelles nous allons développer l’accompagnement financier des entreprises en leur apportant des solutions plus diversifiées », confie Patrick Brunier. Le Picom compte déposer un dossier de labellisation French Tech en début d’année.
* Le Picom, 3SI, Auchan, HTM Groupe, IDGroup, Leroy Merlin, Easy Comptage, Keyneosoft, Worldline, l’Inria, l’Université de Lille 1, le groupe IRD, Résalliance, la CCI Grand Lille et Pictanovo.
Un dynamisme régional notoireL’attractivité du Nord-Pas-de-Calais pour les entreprises liées au commerce ne se dément pas, en témoigne encore l’actualité. Le Canadien CGI a choisi Lille pour implanter son centre d’excellence mondiale pour le commerce et les services aux consommateurs, inauguré en avril 2015. En juin, l’ESN Capgemini a annoncé qu’elle prévoyait l’embauche de 750 nouveaux collaborateurs sur trois ans sur son site d’EuraTechnologies à Lille. GFI Informatique Nord, qui a recruté 200 nouveaux talents en 2015, vient d’inaugurer en octobre de nouveaux locaux plus vastes à Lille. Enfin, Showroomprive. com via son partenaire Dispeo, a choisi récemment Roubaix pour étendre son activité, s’appuyant sur le projet Blanchemaille, une antenne d’EuraTechnologies qui compte fédérer tout un écosystème autour d’entreprises et start-up du e-commerce. Outre l’arrivée de Showroomprive.com qui génèrera la création de 125 emplois d’ici à la fin 2018, La Redoute, OVH, Cylande et Altima sont aussi annoncés… |