Alliancy

Le Rapport Draghi réclame une souveraineté numérique pour l’Europe. Vraiment ?

Italian former prime minister and economist Mario Draghi speaks during a press conference about the future of European competitiveness at the EU headquarters in Brussels on September 9, 2024. (Photo by Nicolas TUCAT / AFP)

[Billet d’humeur] Si le rapport intitulé “L’avenir de la compétitivité européenne” et piloté par Mario Draghi, insiste sur le besoin de renforcer la productivité européenne sous peine de déclin irrémédiable sur le théâtre mondial, on s’étonne de ne pas y voir préconisées des offres cloud européennes à 100% ou un un développement de l’open source, 

Le rapport intitulé “L’avenir de la compétitivité européenne” piloté par Mario Draghi, ex-président de la Banque centrale européenne, a été rendu public le 10 septembre dernier. Ses rédacteurs ont largement insisté sur la nécessité de revoir et renforcer la productivité européenne sous peine de déclin irrémédiable sur le théâtre mondial. Si sa teneur a invoqué plusieurs facteurs, comme le coût du travail, le numérique y a occupé une large place. Pour Mario Draghi, « les entreprises numériques innovantes ne parviennent généralement pas à se développer en Europe et à attirer des financements, ce qui se traduit par un écart considérable entre l’UE et les États-Unis en matière de financement à un stade ultérieur ». Le rapport a particulièrement souligné la faiblesse européenne dans le domaine du cloud et des puces. Et a, tout à fait logiquement, abouti à la conclusion : l’Europe a besoin de souveraineté dans le domaine numérique. Cette dépendance s’illustre d’abord et surtout avec les Gafam et, plus largement avec les constructeurs et éditeurs américains. Association regroupant le trois quarts du CAC 40 , du SBF 120 et des administrations, le Cigref dénonce depuis des années le déséquilibre dans le rapport client-fournisseur, en d’autres mots avec les Gafam, à l’exception d’un acteur européen à savoir SAP. Un ancien président du Cigref, Bernard Duverneuil, dressait il y a quelques années un constat sans appel : « Les (ces) fournisseurs captent la valeur ajoutée de nos entreprises ». Un sujet toujours brûlant aujourd’hui.

Ne pas s’arrêter à des voeux pieux

Le Cigref en appelle régulièrement à l’Europe pour rééquilibrer ce rapport client-fournisseur. Dernière démarche en cours, il dénonce « les comportements inacceptables de Broadcom au sein de l’Union européenne concernant les produits VMware ». Broadcom pourrait ponctionner 15 milliards d’euros sur l’économie européenne au cours des 24 prochains mois. Au vu de cet état des lieux, il semble légitime de se demander pourquoi le rapport Draghi, au lieu de s’arrêter à des vœux pieux, d’insister sur l’innovation ou de clamer la nécessité de créer des champions européens n’insiste-t-il pas plus sur le développement d’un marché numérique local et sur les moyens juridiques de le protéger ? En d’autres mots, pourquoi ne préconise-t-il pas de choisir des offres cloud européennes à 100%, un développement de l’open source, facteur incontestable d’innovation, ou encore un Small Bussiness Act attribuant prioritairement les marchés publics à des PME européennes ? L’Europe ne manque pourtant pas d’informaticiens ni d’acteurs locaux… Il semble également étrange que le rapport Draghi n’aille pas dans ce sens ni qu’aucun Règlement européen ne protège pas plus les entreprises locales contre le Cloud Act… Irréaliste ? Bien sûr diront certains …Pendant ce temps, les Américains, certainement face à la montée en puissance de la Chine, ont formalisé des approches très claires comme par exemple, « Invent it here, make it here ». Cette politique stipule que tout projet ayant bénéficié de fonds fédéraux pour la R&D devra être industrialisé prioritairement aux États-Unis. Restons optimistes, certains responsables pourraient y trouver matière à réflexion…

Quitter la version mobile