L’entreprise publique, qui a dévoilé hier matin sa « nouvelle » stratégie numérique et le lancement de nombreuses initiatives, tente d’inverser la courbe de ses ventes.
550 millions d’euros*… C’est le montant que la Poste compte investir pour conduire sa transformation numérique dans les trois ans à venir. Philippe Wahl, PDG du groupe, est clair : « La conversion c’est bien, l’accélération c’est mieux ». Le groupe avait enregistré un recul de 17,7 % de son bénéfice net à 513 millions d’euros en 2014. Aussi, si pour le 1er semestre 2015, les objectifs sont tenus grâce notamment au plan stratégique « La Poste 2020 : conquérir l’avenir », il faudra attendre février 2016 pour en savoir un peu plus…
Aujourd’hui, le groupe se définit comme un opérateur universel des échanges, en physique et en numérique. « Nous ne voulons pas une Poste numérique à côté de La Poste, mais nous voulons que La Poste se transforme en profondeur », a insisté Nathalie Collin, directeur général adjoint en charge du numérique et de la communication depuis un peu plus de six mois.
« Le groupe vit une double digitalisation, celle de la continuité et celle de la rupture. Notre métier est menacé d’ubérisation avec l’arrivée de nouveaux entrants », a poursuivi Paul-Marie Chavanne, directeur général adjoint et président de Geopost. Aussi, d’ici à quelques semaines, La Poste devrait annoncer l’acquisition d’une « start-up du monde digital », capable de l’aider à contrer la concurrence… « A nous d’aller à la conquête de ses marchés nouveaux partout en Europe », a-t-il ajouté. On n’en saura pas plus.
Passer d’un réseau « passage obligé » aux lieux « choisis par nos clients »
Mais des projets, ce n’est pas ce qu’il manque ! Et la liste présentée ce matin est longue (voir encadrés), autant en termes de digitalisation des activités au sens large que dans le réseau des « points de contacts » (guichetiers équipés de Smarteo ; 13 000 automates dont 6 000 connectés aux comptes clients la poste.fr ; 200 consignes Pickup installées ; tablettes en libre-service…) et dans le réseau de la Banque Postale, également en pleine mutation (Plan « CAP client 3.0 » de 120 millions d’euros ; expérimentation Beacon dans 20 bureaux de poste en zone urbaine ; conseillers en ligne sur Facebook ; Twittoriels…).
Fin 2015, 95 000 facteurs seront ainsi équipés d’un smartphone Facteo ! Un équipement « minimal » pour permettre au groupe de développer au plus vite l’offre de nouveaux services et améliorer la fluidité du suivi des lettres et des colis.
La logistique urbaine : un sujet majeur
Désormais, le client peut ne plus se déplacer jusqu’à l’un des 17 000 « points de contact » (oublié le mot « bureaux ») de La Poste, mais il peut choisir le jour et le lieu de la livraison de ses colis en ligne (service Predict). Surtout, il pourra sous peu expédier un colis depuis « sa propre boîte aux lettres », toujours en ligne et ce, sans coût supplémentaire.
Idem pour les retours colis : vous laissez le colis dans votre boîte aux lettres (en France, 75 % des boîtes sont aux normes et le permettent), vous le signifiez en ligne à votre facteur et le tour est joué ! Une option qui devrait plaire aux accrocs des achats en ligne (et des retours à l’expéditeur) comme aux sites marchands à qui cette nouveauté cela pourrait bien faciliter le commerce… « La Poste établit là une véritable nouvelle relation aux clients, qui n’est plus un destinataire, mais un Client », précise Philippe Dorge, directeur général adjoint, en charge de la branche Services Courrier-Colis.
Par ailleurs, le 2 octobre, La Poste, en partenariat avec la Métropole de Lyon, a inauguré son premier « espace logistique urbain » (ELU) en France, pour un investissement de 300 000 euros. Ce centre de 5 500 mètres carrés, situé en plein cœur de la capitale rhônalpine, permet de rationaliser la livraison des colis en améliorant le taux de remplissage des véhicules sur le dernier kilomètre. Objectif, au-delà de l’aspect écologique évident : faire gagner du temps et de l’espace aux différents prestataires logisticiens. Après Angers, La Poste teste actuellement à Lyon un service de livraison des colis par des postiers le soir en semaine. Un projet qui sera déployé dans d’autres villes comme Paris et Bordeaux dès 2016.
Smart-cities aussi…
Aujourd’hui, le groupe dispose de la 1ère flotte propre au monde (6 278 véhicules), et compte atteindre les 10 000 véhicules à terme (de 1ère et de 2ème générations). Il travaille également sur des camions « propres », comme sur la livraison par drone qu’il expérimente en ce moment dans le Var (20 km de croisière et 3 KG transportés). « Mais le drone, c’est compliqué, a reconnu Philippe Wahl… Il va falloir encore quelques temps avant d’y parvenir. » D’où sa retenue – pour l’instant – à tester la voiture autonome. Chaque chose en son temps…
Au total, le groupe compte réaliser 1 milliard de chiffre d’affaires en 2018 dans le numérique, la « branche numérique » jouant le rôle de centre d’expertise au service de toutes les autres branches.
* auquel s’ajoute un plan de 450 millions d’euros pour la formation (généraliste et numérique) du personnel.
« LOGGIN La Poste » Il s’agit d’un identifiant unique numérique permettant l’accès à l’ensemble des services postaux digitalisés*, aux offres d’e-gestion de sa vie personnelle et administrative (1,5 million de personnes l’utilisent déjà) et à la plateforme de centralisation de la gestion des objets connectés (programme French IOT). Cette « identité numérique » de La Poste vient, par ailleurs, d’être retenue pour le programme France Connect (dès le 21 octobre), après l’administration fiscale, pour permettre de se connecter avec ce seul identifiant à tous les services publics. * dont le Digiposte Pass : cette application mobile est un « coffre-fort numérique sécurisé », dans lequel le client peut archiver tous types de documents (administratifs ou personnels) et les rendre accessibles à tout moment à l’administration ou à des personnes de son choix. |
La Poste plonge dans le Big Data Cet été, la branche Services Courrier Colis (BSCC) du groupe La Poste est entrée en phase opérationnelle de son « projet data », piloté par Kais Soltane, un ingénieur « tombé depuis toujours dans la BI ». Soit quelques mois seulement après avoir démarré sa réflexion ! Techniquement, la BSCC a adopté la solution Open Source packagée Cloudera**/Appliance big data Oracle : « Tout ceci pour se concentrer sur la valeur d’usages et aller vite », explique-t-il. Cette activité, qui regroupe le business historique de La Poste (courrier et colis) et Colissimo (livraison de colis aux particuliers), doit faire face à une équation quelque peu « classique » pour un tel groupe : des machines de tri dans 40 centres nationaux qui traitent des millions de données*, des clients de plus en plus exigeants et aux usages de plus en plus divers, face à une concurrence de plus en plus active sur tous ses métiers avec l’arrivée de nouveaux entrants (UberRush, Instacart…)…. Tout en s’appuyant sur la data, la BSCC voulait donc réagir dans plusieurs directions – le développement commercial, la fraude, l’expérience opérationnelle et le développement de nouveaux services… C’est désormais chose faite. Depuis début septembre, la plateforme big data tourne. Et, en un seul mois, les premiers résultats sont là : « Sur l’activité courrier par exemple, et ceci grâce à l’historique de data depuis 2013 dont nous disposons, nous avons très rapidement détecté des cas de fraudes, notamment sur l’affranchissement. En terme d’excellence opérationnelle, certains process métiers ont été améliorés et nous allons obtenir une vision client détaillée en temps réel, avec des data dont on ne disposait pas auparavant ». Sur l’activité colis, en phase de test actuellement, des fraudes sur le poids auraient aussi été repérées… * 70 milliards d’événements courrier et 5 milliards d’événements colis générés chaque année ; 15 millions de foyers enrichis de plus de 115 critères sociodémographiques et comportementaux. ** spécialiste de la gestion des données analytiques d’entreprise sur la base d’Apache Hadoop |