Alliancy

Le risque de faire du numérique le futur parent pauvre des territoires 

Numérique territoire

Le numérique payera-t-il les pots cassés de la cure d’austérité souhaitée par Matignon ? Compte tenu des difficultés budgétaires actuelles, la question se pose. Les élus risquent de devoir réduire la voilure des initiatives déjà engagées dans ce domaine pourtant porteur d’une meilleure efficience des services publics.

Les collectivités territoriales, petites, moyennes ou grandes, sont convaincues de l’utilité du numérique. Et elles ne se contentent pas de surfer sur les thématiques à la mode, comme celle de l’IA générative. Les initiatives pour construire un numérique responsable à la fois sur ses volets environnemental et social font florès. Des intercommunalités mutualisent des serveurs pour plus de sobriété et faire des économies. Des métropoles et des villes prennent garde à ce que personne ne reste sur le bord de la route en matière d’accès au digital (avec par exemples des lieux de médiations numériques à Nantes). De même, les cercles de partage de réflexions entre élus et citoyens sur le numérique (comme un « Conseil citoyen du numérique responsable » à Rennes) se développent. Certains sujets restent techniques pour la plupart des administrés et bien des élus et agents, donc des efforts de formation sont entrepris comme dans la ville de Thiais où des élus ont, entre autres, appris l’art des prompts. 

A la recherche des bons partenaires

Enfin, le numérique reste un sujet politique fortement lié aux questions de souveraineté. La digitalisation de la vie publique nécessite ainsi de ne pas être naïf et de choisir ses partenaires en toute connaissance de cause. Pour son projet de smart city, Angers Loire Métropole a choisi un tiers de confiance pour héberger ses données. Docaposte, pour ne pas le nommer.

Cependant, être prudent ne veut pas dire pour autant rester dans l’attentisme. Des opérateurs publics et des villes tentent ainsi l’aventure du jumeau numérique pour résoudre leurs problèmes d’aménagement urbain. La ville de Meudon, par exemple, se fait accompagner par Dassault Systèmes pour tenter de venir à bout de ses îlot de chaleur urbain. Le GPIS-GIE, qui fournit des services de sécurité à plusieurs bailleurs de Paris et de la petite couronne, s’est, lui, doté d’un centre des opérations et de supervision (COS) qui s’appuie sur une stratégie data de pointe qui lui a permis de moderniser ses systèmes d’information et d’optimiser sa performance d’intervention. 

L’argent, le nerf de la guerre numérique

Mais le digital tiendra-t-il encore la même place dans les budgets des collectivités territoriales en 2025-2026 ? Pas sûr qu’un coup de rabot ne soit pas infligé aux enveloppes dédiées aux chantiers de transformation esquissés dans les bleus budgétaires des années précédentes. 

D’après le projet de loi de finances présenté le 10 octobre dernier par Michel Barnier en conseil des ministres, le serrage de ceinture promet d’être rude pour les territoires. Parmi les axes de réduction des ressources figurent, notamment, un prélèvement de 3 milliards d’euros sur les recettes des plus grandes collectivités, le gel du produit de la part de TVA destinée aux entités locales, la réduction de 800 millions d’euros du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Au total, le gouvernement attend 5 milliards d’euros d’économies des mesures dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. 

Catherine Vautrin, passée en un éclair du ministère du Travail, de la santé et des solidarités au ministère du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, marche sur des œufs. « Concernant l’effort demandé aux collectivités territoriales, le Premier ministre a fixé un objectif. Je souhaite que nous puissions l’atteindre. Comment ? Des propositions sont sur la table, elles ne sont pas figées, je suis là pour les discuter », affichait-elle sur son compte X après s’être rendue à la 34e convention d’Intercommunalités de France qui s’est tenue du 16 au 18 octobre au Havre, fief d’Edouard Philippe. L’ancien locataire de Matignon et candidat au prochain scrutin présidentiel n’a pas caché ses craintes de voir l’endettement des collectivités locales grimper et leurs investissements baisser par la même occasion…

Transformer l’action publique avec l’IA est toujours au programme

Les projets en matière d’IA et de numérique au sens large sont-ils menacés ? Clara Chappaz, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, chargée de l’intelligence artificielle et du numérique, et son collègue Guillaume Kasbarian, ministre de la Fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique, affirment le contraire. Ils veulent déployer le numérique et l’Intelligence artificielle dans les services publics avec un objectif clair : « réduire les délais et simplifier l’accès aux services publics pour tous les Français. Moins de paperasse, plus d’efficacité », comme le proclame haut et fort Guillaume Kasbarian sur son compte X également. Mais derrière cet affichage de bon aloi, certaines réalités pointent potentiellement dans une tout autre direction.

Des jeunes pousses innovantes fragilisées ?

Les startup françaises sont apporteuses de solutions aux collectivités, au même titre que les grandes ESN aux reins plus solides. Si leur présence n’a jamais été le cœur du Salon des Maires qui réunira dans un contexte tendu les collectivités en novembre, les verra-t-on cependant encore pavoiser en masse aux Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas démontrant la force d’innovation issue notamment de la French Tech ? Visiblement, cela risque d’être un tantinet plus compliqué d’y parvenir, si certaines mesures prévues dans le projet de loi de finances (PLF 2025) et le projet de loi de finances et de sécurité sociale (PLFSS 2025) passent au travers des fourches caudines des parlementaires. 

Le Crédit d’Impôt Innovation (CII), qui demeure actif jusqu’au 31 décembre 2024, n’est pas mentionné dans le PLF 2025. Une non-reconduction signerait sans doute son arrêt de mort. « Mais les parlementaires peuvent encore s’opposer à une telle décision », souligne F.initiatives, cabinet de conseil en stratégies de financements publics dans son analyse Budget 2025 et financement public de l’innovation en France (1). 

Par ailleurs, le PLFSS prévoit pour le dispositif Jeune Entreprise Innovante (JEI) une rationalisation du dispositif et son recentrage sur son volet fiscal. « Cela reviendrait à impacter à nouveau ce dispositif qui a déjà fait l’objet d’une modification lors du PLF 2024 puisque les exonérations d’impôt attachées au bénéfice de ce dispositif ont été supprimées pour les JEI créées à partir du 1er janvier 2024 », fait aussi remarquer F.initiatives dans son décryptage. 

Quitter la version mobile