Le secteur public, un territoire d’expérimentation pour les développeurs en début de carrière

 

Face aux tensions sur le marché du recrutement IT, toute fonctions confondues, les acteurs du public ont de multiples atouts à faire valoir mais ils doivent aussi innover en diversifiant leur approche des viviers d’embauche existants comme le milieu universitaire notamment.

 

Cet article fait partie de l’enquête spéciale d’Alliancy
« Pour préparer le monde de demain, le secteur public sait-il séduire les développeurs ? »
réalisée en amont de l’édition 2025 du Master Dev France, dont Alliancy est partenaire. Vous souhaitez témoigner de votre expérience sur la question ?
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En 2023, selon Numeum, principal syndicat professionnel français de l’industrie du numérique, plus de deux millions de personnes travaillaient dans le secteur IT, dont 900 000 dans le seul secteur du conseil IT. « En 2024, 16% des offres d’emploi en France portaient sur des postes de développeurs », précise Marie Kata, responsable de la division Marchés publics au sein du cabinet de recrutement Hays. Dans son étude des rémunérations pour 2025, le cabinet RH explique que si les métiers traditionnels, comme les développeurs et les administrateurs systèmes, restent essentiels, ils n’ont pas connu de transformation majeure en termes de compétences. Les développeurs, très recherchés au cours des 10 dernières années et plus particulièrement depuis la pandémie, ont été légèrement moins contactés par les recruteurs en 2024.


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« Il n’y a pas de statistiques spécifiques facilement disponibles concernant la sphère publique,
fait remarquer Marie Kata, mais on a pu noter une forte demande aux alentours des années 2019-2020 en lien avec le déploiement de politiques publiques (Plan de relance, programme Action publique 2022, etc.). Après le lancement d’une vague de projets de modernisation tous azimuts, cette dynamique est en train de se stabiliser ». Les arguments de fidélisation incluent notamment la formation. « Après avoir attiré des profils avec des projets, les acteurs de la sphère publique, que doivent aussi retravailler leur marque employeur, mettent l’accent sur les propositions d’évolution en matière de compétences », indique la spécialiste.

 

 

Figure 1 – Grilles de rémunération dans les secteurs public et parapublic (Source : Etude de rémunération 2025 Hays France)

 

Figure 2 – Grilles de rémunération dans le secteur du « technology consulting » exprimé en TJM en euros HT (Source : Etude de rémunération 2025 Hays France)

 

Le secteur public : pas forcément le premier choix d’un candidat…

 

Quand Alison Donadieu, directrice générale du cabinet de recrutement IT, digital et électronique Silkhom demande aux candidats, notamment ceux venus du privé, quelles sont leurs aspirations, ils ne lui disent jamais « je veux absolument travailler dans le public ». Néanmoins, quand Silkhom leur présente ses clients dans cet univers et les atouts qu’ils peuvent leur offrir sur certains plans, ces derniers peuvent vite changer d’avis. Depuis deux à trois ans environ, l’entreprise a vu progresser son nombre de clients dans le secteur public. « Il y a une véritable accélération car ces entités publiques et parapubliques sont en train de prendre le virage de la digitalisation de leurs processus métiers », note la dirigeante.

Les acteurs publics, sachant que leur fourchette salariale moyenne est plus basse que celle du marché, dopé par les niveaux de rémunération proposés par les entreprises privées, s’ouvrent assez facilement à des profils juniors avec deux à trois d’expérience. Le vivier de recrutement s’élargit aussi. La Direction interministérielle du numérique (DINUM), consciente que les process RH dans le public sont trop longs et font rater des embauches intéressantes aux services de l’Etat notamment, a lancé en 2024 une expérimentation de simplification drastique des démarches de recrutement. En lien avec la direction des services administratifs et financiers des services du Premier ministre (DSAF) et la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), la DINUM a ainsi travaillé sur la facilitation d’embauche d’autoentrepreneurs au sein de l’État. Un pas comme un autre vers plus d’agilité et d’ouverture à la diversité des profils.

 

Figure 3 – Les métiers du développement informatique par catégorie (Source : Etude Apec Salaires des cadres dans 111 familles de métiers)

 

…mais des atouts qui gagnent à être découverts

 

Les générations changent et la vision du travail avec. Sans tomber dans la caricature de mauvais aloi, la sphère publique permet de bénéficier d’un équilibre entre vie professionnelle et vie privée plus important. « Dans les organismes publics, le personnel a souvent plus de jours de congés et RTT ainsi que des horaires un peu plus flexibles et moins lourds que dans le privé. Cela peut compter aux yeux de jeunes mamans, qui ont besoin de plus de temps pour gérer leurs obligations familiales ou bien pour des personnes qui peuvent avoir besoin de plus de temps libre pour s’adonner à une passion sportive », ajoute Alison Donadieu.

Autre atout non négligeable du public, les projets sur lesquels sont recrutés ces juniors sont généralement d’envergure et peuvent leur donner l’opportunité de se frotter à de vrais défis techniques. Toute le monde se souvient du développement de l’application StopCovid bouclé en pleine crise sanitaire, par exemple. « Nous comptons la CPAM parmi nos clients. Il ne s’agit pas de s’occuper d’un SI d’une start-up de 3 personnes.  Les enjeux sur le plan logiciel sont importants et c’est une structure d’utilité publique. Un point qui fait mouche aussi auprès de bien des personnes », relève l’experte.

 

Le secteur public doit travailler son image et recruter autrement

 

Les besoins en recrutement mêmes des acteurs publics et parapublics portent souvent sur des profils existants déjà sur le marché comme des développeurs PHP, des ingénieurs système et réseau et des chefs de projets applicatifs, etc. Il n’en reste pas moins que le marché RH reste tendu avec plus de demandes que de candidats, que l’on regarde le public ou le privé.

« Auparavant, les développeurs se faisaient recruter sur des profils BAC+2/3, or, aujourd’hui, il y a une plus grande appétences des recruteurs pour des Bac+5 mieux armés pour gérer la complexité et plus intégrés dans le reste de l’écosystème », met en avant Jean-Christophe Chamayou, directeur général du cabinet de conseil Lafayette Associés (groupe Alpha). Pour répondre à cette évolution, l’offre de formation a évolué, explique ce dernier, avec d’une part « une offre classique et historique type Epita/Epitech, Epsi et une offre qui s’est construite sur des modèles plus courts et moins académiques comme Simplon, Le Wagon ou l’Ecole 42. Sans oublier les anciennes licences pro IUT devenues les Bachelor Universitaire de Technologie (BUT) ». D’autres pistes de recrutement doivent être explorées par les acteurs publics : au premier rang desquelles figure l’apprentissage, mais aussi le renforcement de la relation avec le monde universitaire, notamment sous l’angle de l’innovation avec les chaires de recherche. « Les organismes publics gagneraient à participer à ces projets pour faire évoluer l’image qu’ils renvoient. L’innovation, c’est aussi dans le public », rappelle le spécialiste.