L’IA responsable et de confiance attire les grandes entreprises au sein de chaires spécialisées

Que ce soit avec l’École polytechnique ou l’université d’Avignon, de grands groupes comme le Crédit Agricole, la SNCF, Orange, Airbus D&S ou Ingenico nouent des partenariats visant à exploiter les synergies entre chercheurs et opérationnels des entités métiers.

Le numérique responsable est un sujet d’actualité. De multiples études alertent en effet les autorités depuis de nombreuses années sur les impacts environnementaux liés au numérique en France, mais aussi dans le reste du monde. En France, selon les chiffres de l’Ademe, 10 % de la consommation électrique vient des services numériques et 2,5% de l’empreinte carbone nationale est liée au numérique. 

Quant aux chiffres liés à l’intelligence artificielle, ils interpellent eux aussi. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (International Energy Agency), la consommation électrique mondiale des datacenters, de l’IA et de la cryptographie pourrait plus que doubler entre 2022 et 2026, passant de 460 TWh en 2022 à plus de 1 000 TWh d’ici 2026.

IA de confiance et explicabilité pour Crédit Agricole S.A.

Dans ce contexte, plusieurs chaires consacrées à l’IA ont été lancées ces derniers mois. C’est le cas notamment de la Chaire internationale d’enseignement et de recherche sur l’intelligence artificielle de confiance et responsable, dans laquelle Crédit Agricole S.A., l’École polytechnique et la Fondation de l’École polytechnique se sont associés au mois de mars 2024. Soutenu par le DataLab du Crédit Agricole, le programme a comme objectif de contribuer au développement de systèmes éthiques, robustes, sécurisés et durables basés sur l’intelligence artificielle de confiance. 

Le projet de recherche porte d’une part sur de nouvelles pistes d’amélioration pour des systèmes d’IA plus fiables, à travers une approche hybride entre plusieurs disciplines et mettant à contribution différentes communautés de recherche : l’IA symbolique, la recherche opérationnelle, l’IA connexionniste et l’apprentissage automatique. L’intégration dans ces systèmes des raisonnements et des valeurs issus des connaissances métiers des équipes opérationnelles doit permettre la construction de modèles menant à une prise de décision juste et cohérente vis-à-vis des cas d’usage. Pour atteindre une IA de confiance, il s’agit de détecter et corriger les biais présents dans les données d’entrainement et risquant d’être reproduits par l’IA. Un autre point clé sera de développer des modèles dont on puisse facilement interpréter le cheminement, et avec un résultat explicable auprès des utilisateurs.

D’autre part, le projet vise à aboutir à une IA plus responsable d’un point de vue environnemental. Les dernières technologies, comme les récents modèles d’IA générative et les larges modèles de langage, nécessitent de plus en plus de données, de temps de calcul, et de ressources informatiques et énergétiques. Dans ce contexte, le projet a pour ambition de limiter cet impact environnemental, à travers la mise en place d’IA à moindre impact, et la conception d’algorithmes d’IA pour des applications à impact positif, par exemple pour l’optimisation de la consommation énergétique des bâtiments (connectés).

« Cette chaire, lancée avec Crédit Agricole S.A., permettra de créer un groupe de travail pluridisciplinaire réunissant chercheurs académiques et industriels autour des nouveaux enjeux de l’intelligence artificielle. La synergie entre les équipes de notre laboratoire le LIX, nos partenaires académiques et industriels et nos étudiants permettra de développer de nouvelles approches pour exploiter au mieux la puissance des IA tout en prévenant les risques. L’IA bouleverse notre monde, nous ne sommes qu’au début de ces révolutions technologiques qui ne doivent pas être craintes, mais être comprises » déclare Sonia Vanier, chercheuse au Laboratoire d’informatique de l’École polytechnique (LIX), et responsable scientifique de la chaire.

SNCF : optimiser les réseaux de transport et encourager le recours aux mobilités plus durables

Au mois de septembre 2024, Sonia Vanier s’est vu confier la responsabilité d’une autre chaire en lien direct avec l’IA : la « Chaire d’enseignement et de recherche sur l’intelligence artificielle et l’optimisation pour les mobilités ». Cette fois-ci, c’est le groupe SNCF qui s’est associé à l’École polytechnique et à sa Fondation. La chaire financera le recrutement et la formation de chercheurs, doctorants, postdoctorants et ingénieurs dont les travaux porteront sur deux domaines principaux : l’intelligence artificielle et l’optimisation des réseaux de transport. 

L’objectif est de développer des technologies innovantes basées sur l’IA pour améliorer la qualité de service des transports publics, optimiser le transport de marchandises et encourager le recours aux mobilités plus durables. Cela inclut l’optimisation de la gestion des infrastructures de transport, la fiabilité des matériels roulants grâce à la maintenance prédictive, la planification des tâches de maintenance des voiries, la prévision des dates de travaux pour minimiser leur impact sur le trafic, ainsi que la prédiction des retards et de leurs répercussions pour améliorer l’information des voyageurs.

« Ce partenariat permet à la SNCF de collaborer avec une institution de recherche de premier plan pour bénéficier de l’expertise académique de ses étudiants-chercheurs afin de renforcer ses compétences internes, notamment en matière d’IA, ce qui est essentiel pour améliorer les services de mobilité et rester compétitif dans un secteur en rapide évolution. Cette collaboration permet aussi un échange de connaissances et de savoir-faire entre les chercheurs de l’École Polytechnique et les professionnels de la SNCF, enrichissant ainsi les deux parties. Chaque projet de recherche mené au sein de la chaire vise à produire des solutions tangibles et immédiatement applicables contribuant ainsi à l’amélioration continue de nos services et à la satisfaction de nos clients », déclarait Julien Nicolas, Directeur numérique groupe de la SNCF, sur Alliancy début septembre.

Chaire LIAvignon : s’intéresser à l’humain à travers les technologies du langage

Enfin, la chaire LIAvignon a été fondée par le Laboratoire informatique d’Avignon (LIA) et plusieurs industriels : Orange AI, Airbus D&S, Ingenico Group, Bertin IT, LNE, Validsoft, Orkis et le Groupe Cerco. Elle s’appuie sur le Centre d’enseignement et de recherche en informatique (CERI) et son master en informatique dédié à l’intelligence artificielle. Elle s’intéresse à l’humain vu à travers les technologies du langage, avec un accent sur les trois axes que sont le locuteur, la voix et la parole.

La chaire repose sur cinq piliers fondateurs. Les trois premiers visent à renforcer la confiance dans les applications IA et à améliorer la sécurité des décideurs en leur proposant des éléments clairs de compréhension des enjeux éthiques liés à l’IA pour les technologies du langage : science ouverte (promouvoir la transparence et le partage), éthique (IA citoyenne et responsable) et explicabilité / interprétabilité (des décisions IA comprises par tous). 

Les deux derniers piliers visent à faciliter la mise en œuvre et la pénétration des technologies du langage en rapprochant le « laboratoire » du « monde réel » : pragmatisme et respect de l’expertise métier (une IA proche du terrain, à l’écoute et au service des professionnels), et fiabilité / évaluation de la performance (une IA privilégiant le service rendu aux effets d’annonce).

Quant au programme scientifique de la chaire LIAvignon, il vise à obtenir des innovations de rupture à moyen terme, avec des avancées à la fois scientifiques, industrielles et sociétales. Il s’intéresse notamment à l’authentification vocale, à la reconnaissance de la parole, à la traduction automatique, à la reconnaissance de la langue, à l’extraction d’informations sémantiques, à l’anonymisation différenciée de la voix, à la caractérisation ou encore à la détection d’états psycho-physio-pathologiques dans la voix. Il est mis en œuvre à travers des éléments transversaux, comme la préservation des informations personnelles et la définition d’une représentation neuronale unifiée de la parole, permettant à la fois de travailler en mode « plurilangues » et sur des corpus d’entraînement de petite taille ou peu documentés.