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L’IIOT chez Lauak : une première mondiale !

Les 14 000 capteurs installés sur 14 000 caisses de transport de pièces au sein de l’usine basque Lauak, sous-traitant de l’aéronautique pour les plus grands groupes internationaux, font de cette installation de capteurs LoRa de la société nîmoise Ineo-Sense une première mondiale « indoor » sur un site.

Usine Lauak

Usine Lauak d’Hasparren, commune située au cœur du Pays basque français.

La chose la plus surprenante en visitant l’usine Lauak d’Hasparren, commune située au cœur du Pays basque français, c’est la multitude d’établis individuels tous équipés de leurs outillages et sur lesquels s’affairent autant d’opérateurs (ils sont 600 dans l’usine). A la main, ils façonnent des pièces complexes ou de structure, en aluminium, titane ou Inox… qui intègreront ensuite les avions d’Airbus, Embraer, Dassault et autres.

Sur le site d’Hasparren, ce sont également plus de 14 000 ordres de fabrication (OF) qui transitent en permanence, nécessitant des transferts de pièces multiples et des temps de traitement chronophages… Un opérateur peut perdre jusqu’à dix minutes parfois pour trouver les « bons » éléments à opérer.

Il y a un an, c’est donc ce problème que Cédric Lynam, responsable Transformation digitale et Lean du groupe, cherchait à résoudre afin d’augmenter les capacités de production de l’équipementier dans un contexte de forte croissance (lire encadré). Objectifs : réduire les cycles de livraison, optimiser les flux de fabrication et, au final, améliorer la performance opérationnelle.

Pour y parvenir, Cédric Lynam a fait appel à la start-up nîmoise Ineo-Sense (13 collaborateurs, 2 millions d’euros de chiffre d’affaires prévus en 2020) afin de déployer un réseau IOT haute performance et sa technologie propriétaire « Clover-Core ». Cette suite de briques logicielles embarquées dédiée aux applications industrielles critiques est intégrée dans chaque capteur (8 ans d’autonomie). « C’est une référence unique dans l’univers de l’IOT à l’échelle d’un site industriel, explique Olivier Guilbaud, président-fondateur d’Ineo-Sense. Cette validation de notre technologie est un avantage concurrentiel décisif au moment où nous avançons sur plus de 30 projets potentiels en France et à l’international. »

Etablis individuel équipé, Usine Lauak

Une fois la plateforme sans fil longue portée et basse consommation LoRa installée sur les 15 000 mètres carrés du site avec son partenaire américain Semtech (avec le protocole LoRaWAN), 14 000 capteurs intelligents d’Ineo-Sense équipent désormais les 14 000 caisses de production (1 par OF) des ateliers de l’usine Lauak : ils permettent ainsi aux opérateurs de localiser et d’identifier facilement et en temps réel tous les encours de production sur chacune des 30 zones d’exploitation (répartis dans 7 bâtiments). « Le problème identifié, nous recherchions la bonne technologie pour le résoudre depuis trois ans, raconte Cédric Lynam. Désormais, en début de process, chaque caisse est appairée à un OF (voir photo), afin que l’opérateur la retrouve très facilement grâce au clignotement du capteur », explique-t-il, rappelant les 21 000 références existantes et la variabilité très forte des flux sur des cycles de production de six semaines. Au-delà, Lauak peut réagir rapidement à tout problème d’inventaire et dispose de données pour analyser les goulots d’étranglement, afin d’améliorer en permanence la performance de l’atelier. La localisation intérieure par zone signale immédiatement les articles égarés et le suivi à la demande permet de localiser immédiatement toute pièce, quelle que soit la taille et la complexité du bâtiment, et ce même si la pièce se trouve à l’extérieur.

[bctt tweet= »#IoT – A ce jour, @IneoSense ‏ a déployé environ 70 000 capteurs IoT en France et dans le monde, notamment dans l’usine Toyota d’Onnaing. » username= »Alliancy_lemag »]

Même si le déploiement n’est pas encore achevé, les résultats sont déjà là. « Nous gagnons entre 8 et 10 % de productivité et avons réduit de plus de 20% notre cycle de production, précise Cédric Lynam, qui anticipe un retour sur investissement sur 18 mois ». Pour autant, si le responsable Transformation digitale a voulu commencer par un projet bien identifié de smart manufacturing, « plus nous discutons avec les opérateurs et Ineo-Sense, plus de nouvelles idées émergent, reconnaît-il. Cela va du pointage automatique des opérateurs au blocage des lots défectueux ou à la préparation semi-automatiquedu stock… » Reste qu’il faut encore analyser le ROI pour chaque cas avant de l’industrialiser.

Déjà, le duo industriel compte dupliquer la même solution d’ici à février 2020 sur l’usine portugaise à bas-coûts du groupe (10 000 capteurs) et les choses ne devraient pas s’arrêter là… « Grâce à LoRa, il y a aussi la possibilité d’imaginer un réseau international entre usines, y compris en associant donneurs d’ordres et partenaires », ajoute Olivier Guilbaud, pour qui l’IIOT est à la base d’une chaîne de création de valeur.

Dans l’usine de Lauak, les opérateurs façonnent des pièces complexes qui intégreront ensuite les avions d’Airbus, Embraer, Dassault et autres.

Ce projet concret d’utilisation de l’IoT, appelé « Tracking OF en temps réel », d’un coût d’environ 500 000 euros, s’intègre dans un plan de transformation plus large du groupe (appelé Lauak 4.0) qui vise à améliorer sa productivité, d’un montant de 1,7 million d’euros sur 2019-2021. « Ce projet nous permet surtout de commencer la digitalisation de nos process et la collecte des données pour la construction de notre data lake, poursuit Cédric Lynam. Le big data nous permettra ensuite d’avoir des outils d’aide à la décision et même une vision prédictive de nos flux dans le but d’améliorer nos performances opérationnelles ».

Lauak 4.0, un projet sur plusieurs années

Les données remontées par les capteurs d’Ineo-Sense sont en effet poussées sur un serveur installé chez Lauak, qui travaille par ailleurs sur le cloud Microsoft Azure. Le groupe regarde d’ores et déjà de nombreuses autres solutions : « D’ici au printemps 2020, nous voulons identifier tous nos produits sur le site en temps réel, comme disposer du taux d’utilisation de nos machines pour faire de la maintenance prédictive, ou mettre en place des AGV avec la start-up bordelaise AeroSpline… »

Cédric Lynam appaire un OF et une caisse

Le groupe finalise également ses fiches d’instruction numériques et regarde du côté de la réalité augmentée avec la start-up Diota, même s’il considère le coût NRC de cette technologie encore trop élevé…

Pour conclure, Cédric Lynam tient à souligner l’importance d’impliquer les opérateurs dès le début de la réflexion autour d’un tel projet qui touche l’ensemble de l’usine. « La participation et l’adhésion des équipes sont primordiales, estime-t-il. La conduite du changement est donc passée par des réunions au sein des différentes équipes de production, la préparation d’un livret et la sensibilisation durant deux mois.

« D’ici à 2020, Lauak cherche à recruter entre 70 et 90 personnes, cols blancs et cols bleus. Un tel projet impacte aussi notre marque employeur », conclut Cédric Lynam.

Une stratégie de niches

Mikel Charriton, directeur général du groupe familial aéronautique basque Lauak, vient d’annoncer également un investissement de 5 millions d’euros cette année sur son usine de L’Isle-Jourdain (150 salariés), avec pour objectif d’en doubler la capacité de production d’ici à 2022. Spécialisée dans l’usinage de pièces, ce site gersois est à la base de la nouvelle société commune que Lauak vient de créer avec l’Indien CIM Tools, ce qui lui permettra à terme de réaliser 30 % des pièces de série en France et 70 % en Inde afin de maintenir des prix compétitifs. Fin 2018, le sous-traitant avait déjà acquis l’activité tuyauterie du groupe Bombardier au Canada (qui sera couplé avec une usine au Mexique) et repris Nimitech Composites (innovation) à Bagnères-de-Bigorre. Au total, Lauak compte 11 sites de production dans le monde (France, Portugal, Canada, Mexique et bientôt l’Inde). Basé à Ayherre (Pyrénées-Atlantiques), il emploie plus de 1 800 salariés, dont un millier en France. Il a réalisé 165 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier, prévoit 200 millions pour 2019 (25 % à l’export) et 350 millions en 2022 (dont 40 % à l’export). Le groupe souhaite monter dans la chaîne de valeur via l’innovation et une stratégie « Produits », pour à terme devenir équipementier.

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