L’outre-Rhin accélère son programme Industrie 4.0 d’usine intelligente et connectée du futur, pour maintenir son avance technologique et sa compétitivité industrielle à l’horizon 2020-2025.
Lors d’une visite le 27 avril dernier d’une usine d’engrenages de haute précision du groupe Wittenstein à Stuttgart (Bade-Wurtemberg), Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, en a profité pour vanter le plan allemand Industrie 4.0 pour l’usine du futur. « Doté de capteurs, connecté, capable d’une grande flexibilité grâce à une gestion des flux en temps réel, ce type d’usine fortement
Lancé en 2012 par le gouvernement d’outre-Rhin et doté d’un financement public de 200 millions d’euros, le programme Industrie 4.0, dont émergent déjà des usines numériques « pilotes », vise à accompagner les industriels vers leur digitalisation en faisant entrer l’Internet des objets et, plus largement, les TIC, dans les équipements de production pour en faire des usines intelligentes et connectées. Les TIC vont ainsi servir à faire communiquer les machines entre elles, et même à les faire dialoguer avec les produits qu’elles fabriquent.
Une autre manière de concevoir et fabriquer
humaine. Avec, à la clé, des gains de productivité et des réductions de coûts importants. Surtout, cette digitalisation entraînera « une nouvelle manière de concevoir et de fabriquer des produits connectés qui transformera leur vente en une offre de solutions de services et d’usages », selon Jean-Paul Alibert, président de T-Systems France, filiale en services numériques de l’opérateur Deutsche Telecom impliqué dans le plan Industrie 4.0.
« Ce programme est surtout un moyen stratégique pour l’Allemagne de conserver sa compétitivité industrielle d’ici cinq à dix ans, dans un marché mondial très concurrentiel, en maintenant son avance technologique dans les machines de production et dans son offre d’automatisme. Il doit également répondre à un déficit de main-d’œuvre dans le pays attendu à l’horizon 2020, pour maintenir sur son territoire moins d’emplois, mais plus qualifiés », indique Pascal Laurin, responsable Business Development de Bosch France, chargé d’implémenter « l’industrie du futur » en France.
Copiloté justement par Bosch et l’Académie des sciences et de l’ingénierie (Acatech) d’outre-Rhin, le plan Industrie 4.0 a également pour vocation de réfléchir sur l’introduction de l’intelligence numérique dans les équipements de production et sur ses répercussions technologiques, réglementaires et sociales. « Pour cela, l’Etat allemand veut favoriser un travail collaboratif de co-innovations regroupant instituts de recherche, grandes entreprises, PME, start-up, universités et fédérations professionnelles concernées », poursuit Jean-Paul Alibert. « La collaboration est dans l’ADN allemand, même entre concurrents. C’est une différence culturelle majeure avec la France », ajoute Franck Mercier, chargé de mission « digital factory » chez Siemens France. Le groupe a justement créé cette division en octobre dernier, dans le cadre de sa réorganisation interne, pour mieux répondre à cet enjeu.
Nouvelle plate-forme de soutien
Sigmar Gabriel, ministre fédéral de l’Economie et de l’Energie, et Johanna Wanka,
Cette nouvelle plate-forme de soutien au plan Industrie 4.0 remplace en fait l’ancienne, datant de 2013, qui réunissaient déjà plusieurs fédérations industrielles, comme l’Association allemande de l’industrie électrique et électronique (ZVEI), la Fédération des constructeurs de machines et d’installations (VDMA) et l’Association des technologies numériques (Bitkom). Ces dernières avaient travaillé sur certains thèmes liés à l’usine 4.0, et remis un premier rapport. En attendant, la nouvelle plate-forme collaborative vise aussi à ce que les PME allemandes exploitent mieux les opportunités offertes par l’industrie du futur, car le plan allemand se veut clairement orienté vers l’offre des PME ou des grands groupes. Les fournisseurs d’automatisme et les constructeurs de machines s’organisent, en effet, pour développer les technologies de production de demain, afin de fournir l’usine du futur à leurs clients. « S’il y a une telle mobilisation de la part de ces offreurs, c’est parce qu’il y va de leur avenir en tant que premiers fournisseurs mondiaux d’équipements industriels. Ils sont à un moment charnière où leur offre doit prendre en compte le passage au numérique. Ils pèsent d’un tel poids dans la performance industrielle et commerciale allemande qu’on assiste à une véritable mobilisation pour ne pas rater ce virage, sous peine de perdre la prééminence technologique », affirmait récemment Louis Gallois, président du think tank La Fabrique de l’indus
trie à nos confrères de L’Usine Nouvelle. C’est le cas de Siemens ou Bosch, à la fois fournisseurs et utilisateurs de technologie. « Notre rôle dans le plan Industrie 4.0 sera de nous positionner sur l’offre technologique, via nos diverses divisions qui produisent des automatismes, des robots collaboratifs, ou qui éditent des logiciels de maintenance prédictive des machines… tout en utilisant les TIC dans nos propres usines pour gagner en productivité et en flexibilité ; et passer d’une production de masse standardisée à une production de masse de produits personnalisés », confirme Pascal Laurin chez Bosch.
Jung veut rester concurrentiel Le 26 mars, à Schalksmühle en Rhénanie du Nord (Allemagne), le fabricant de systèmes d’éclairage Jung a inauguré son usine 4.0. « Opérationnelles depuis janvier, nos deux nouvelles lignes de production de prises électriques sont entièrement automatisées, depuis l’approvisionnement des pièces détachées en amont jusqu’à la manutention d’emballage et d’étiquetage des cartons en sortie de chaîne », indique Michel Hirschmann, directeur de Jung France. Toute la chaîne d’approvisionnement, de production et de conditionnement des produits est pilotée par un système central SAP qui supervise les automates gérant les deux lignes. « Les machines d’assemblage des divers composants de prises électriques relancent automatiquement les commandes auprès des fournisseurs au bout d’un certain nombre de pièces produites. Le système SAP calcule, lui, les priorités des séries de produits à fabriquer », poursuit-il. L’usine est capable de sortir 152 types de prises électriques, à raison de 40 000 unités fabriquées par jour sur une ligne et 80 000 sur l’autre. « Nous passons à une production de masse personnalisée avec un gain de productivité de 10 à 15 % », souligne le dirigeant. Le nouvel outil a nécessité un investissement de 20 millions d’euros et réduit l’effectif à deux opérateurs (contre une quinzaine qui opérait sur trois anciens sites dédiés). « Pour continuer à fabriquer en Europe des produits de qualité et garder notre compétitivité dans un contexte de marché très concurrentiel, nous sommes obligés de passer à l’automatisation pour baisser nos coûts de main-d’œuvre et de production », explique-t-il. |
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