Le Conseil National des Barreaux et Lefebvre Dalloz Compétences lancent une formation gratuite et digitale pour aider les avocats à maîtriser l’intelligence artificielle, avec un focus sur ses concepts fondamentaux et son application dans la pratique professionnelle. Cette initiative fait écho à la stratégie de Lefebvre Dalloz sur l’IA, qui vise à accompagner la profession dans sa transition numérique, tout en respectant déontologie et principes éthiques.
Est-ce la fin de la profession d’avocat ? Quid des responsabilités ? À quoi ressemblera le quotidien d’un cabinet ? Toutes ces questions émergent face à la puissance croissante de l’intelligence artificielle. Pour y répondre, le Conseil national des barreaux de Paris s’allie avec Lefebvre Dalloz, maison d’édition française spécialisée dans le droit et l’actualité juridique, pour créer une plateforme de formation gratuite destinée aux 78 000 avocats et 375 000 élèves-avocats en France. Accessible en ligne et jusqu’au 31 décembre 2027, cette formation aborde les enjeux fondamentaux de l’IA, ses usages dans la pratique professionnelle et dans ses implications juridiques et déontologiques, le tout, en respectant les principes éthiques et d’obligations envers les clients. Une initiative ambitieuse qui vise à faire de l’IA un levier d’émancipation plutôt qu’un substitut.
L’IA, un outil, pas une menace
Chez Lefebvre Dalloz, l’IA n’est pas perçue comme un danger, mais comme une opportunité de transformation. Au-delà de l’accord sur la formation des professionnels du Droit, la plateforme genIA-L for Search développée par l’éditeur s’inscrit dans une stratégie à deux axes. En interne, d’abord, son rôle est clair : “vu la masse d’information, c’est permettre aux praticiens de trouver la bonne information de manière très pertinente le plus rapidement possible”, explique Anne Grèze, directrice de la stratégie et des partenariats de l’entreprise. Les équipes éditoriales du groupe ont ainsi intégré l’IA générative pour renforcer la pertinence des recherches, tout en conservant un contrôle strict sur les données utilisées. De plus, la même logique s’applique pour les services fournis aux clients, qui sont aussi accompagnés grâce à cet outil. En effet, l’IA est pensée comme un outil d’augmentation, pas de remplacement et très vite, les rédactions juridiques ont pris conscience de la valeur du contenu produit pour l’IA : “ce n’est pas une opposition, c’est vraiment une augmentation”.
Une IA éthique, européenne et sécurisée…
Le projet de Lefebvre Dalloz s’inscrit plus largement dans une démarche éthique et souveraine où l’origine des données et leur traitement sont au cœur des préoccupations. “Nous sommes dans un groupe français et qui a une implantation européenne, le fait que ce développement soit plutôt européen et dirigé au niveau européen nous paraît un élément de sécurité supplémentaire” souligne la directrice stratégique. Pour l’éditeur, pas question d’adopter des modèles d’IA entraînés sur des systèmes juridiques étrangers, comme la common law anglo-saxonne, inadaptés à l’environnement français. L’objectif est clair : “il faut travailler et avoir des discussions au niveau européen et se protéger par rapport à des opérateurs plus larges,”, souligne Anne Grèze. Elle fait sur le sujet référence aux recommandations de l’ancien commissaire européen Thierry Breton. Lors d’une soirée organisée fin mars par Lefebvre Dalloz pour parler de l’avenir du droit face à l’IA, ce dernier a en effet défendu une intelligence artificielle juridique “souveraine”, ancrée en Europe et fondée sur des normes locales pour protéger les données et le droit avec des outils transparents, responsables et adaptés aux spécificités juridiques du continent.
… mais surtout fiable et de confiance
Toutes les données utilisées par la plateforme genIA-L for Search proviennent uniquement du groupe Lefebvre Dalloz : “On est certain que notre base de données est mise à jour par nos rédactions et nos auteurs. On est sûr de l’excellence de nos contenus, on sait ce qu’il y a dedans, et en plus, on sait qu’ils sont actualisés.” explique Anne Grèze. En effet, le groupe travaille avec ses 270 juristes et des retours directs de ceux-ci et de la clientèle, permettant ainsi d’adapter rapidement les prompts, les fonctionnalités et les usages. “Un LLM, si vous le nourrissez de contenus qui ne sont pas pertinents, il ne vous fera rien de pertinent” rappelle-t-elle. C’est pourquoi tous les collaborateurs du groupe ont été sensibilisés à la question : “Il y a deux ans, on a formé les 1200 collaborateurs de Lefebvre Dalloz, la rédaction, mais aussi les équipes marketing, autant à l’IA en général qu’à l’IA juridique.” De plus, la confidentialité reste un engagement majeur pour l’entreprise, puisque les affaires traitent en majorités des données sensibles : “Nous ne stockons aucune requête.”
Vers une profession augmentée
Dans la vision de Lefebvre Dalloz, loin de menacer les avocats, l’IA peut les libérer en les affranchissant des tâches les plus chronophages. De quoi leur permettre de se concentrer sur ce qui fait la valeur de leur métier : le raisonnement juridique, la stratégie, la relation client. “Il faut l’avouer, la partie “recherche” du métier est intéressante, mais elle prend quand même beaucoup de temps.” illustre la directrice de la stratégie. Grâce à l’IA, les professionnels pourront se concentrer de manière plus pointilleuse sur des détails, faire une analyse plus fine et avoir un éventail plus large de solutions. Cependant, comme Anne Grèze le rappelle, si l’IA peut nourrir la réflexion, elle ne remplacera jamais l’avocat, elle peut suggérer, accompagner, mais en aucun cas décider. Elle cite la plaidoirie comme exemple, un exercice qu’aucune technologie ne peut faire comme l’humain. Et résume : “L’intelligence artificielle aidera, nourrira et renforcera l’avocat dans sa pratique, mais tout le raisonnement viendra de l’humain.”