Livre : La seconde moitié de l’échiquier

Franck Barnu, journaliste

Franck Barnu, journaliste

Comment se fait-il qu’aux États-Unis, la reprise économique ne s’accompagne pas d’une reprise équivalente des embauches ? Comment se fait-il que, alors que la richesse globale du pays a progressé lors de la dernière décennie, le revenu médian des Américains soit en forte baisse ? Comment se fait-il, enfin, comme dirait Louis de Funès-Don Salluste, que les riches sont encore plus riches et les pauvres encore plus pauvres ? Les économistes donnent diverses réponses. Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee, du Massachusetts Institute of Technology, ont la leur. Ils la présentent dans un très intéressant livre, paru il y a quelque temps déjà, mais plus que jamais d’actualité : Race Against the Machine.

Leur explication : la révolution numérique est responsable de cette situation. Soulignée par le long sous-titre de leur court ouvrage : « How the digital revolution is accelerating innovation, driving productivity, and irreversibly transforming employment and the economy. » Tout est dit, ou presque.

Leur idée est que le développement du numérique – avec l’automatisation et la productivité qui en résulte – a rendu et rend de très nombreux emplois non qualifiés inutiles et substitue le capital au travail. Bref, qu’on se passe de plus en plus des gens qui ne sont pas très qualifiés et, bientôt, de beaucoup d’autres aussi…

Vers l’explosion
Ce point de vue sur l’impact de l’automatisation n’est peut-être pas très original. En revanche, ce qu’affirment les auteurs est plutôt effrayant. Car, selon eux, le phénomène ne peut que s’accélérer et chaque avancée technologique (comme le doublement de la puissance informatique tous les dix-huit mois) aura un impact encore bien plus fort que tout ce qui a pu se produire jusque-là. Bref, on n’a encore rien vu !

Pour expliciter leur thèse, ils reprennent la fameuse histoire de l’échiquier. On met un grain de riz sur la première case, deux sur la seconde, quatre sur la troisième et ainsi de suite, en doublant à chaque case. On sait qu’à la case 64, il y aura des quantités phénoménales de riz : un Everest en grains de riz ! Mais à la case 32, soit quelque 4 milliards de grains de riz, le phénomène reste dans des proportions raisonnables. C’est à partir de là – la seconde moitié de l’échiquier – que les nombres se mettent à exploser.

Or, pour eux, cette « case 32 » est justement celle sur laquelle on se trouve aujourd’hui en termes de technologies de l’information. Tout nouveau progrès des technologies numériques aura désormais des effets explosifs !

L’emploi n’est donc pas près de repartir rapidement… Ce qui n’empêche pas les deux auteurs d’esquisser quelques pistes pour en sortir. Et surtout de penser qu’à long terme, la troisième révolution industrielle, celle du numérique, se révélera une formidable corne d’abondance. « Nous ne sommes ni dans une grande récession ni dans une grande stagnation, mais au cœur d’une grande restructuration », affirment-ils. Comme on dit là-bas : « It’s going to get worse before it gets better »

Livre : Race Against The Machine

 


Race Against The Machine,
Erik Brynjolfsson et
Andrew McAfee
(en anglais)
(
éd. Digital Frontier Press)

76 pages, 10 €

 

Cet article est extrait du n°3 d’Alliancy le mag – Découvrir l’intégralité du magazine