Cool, geek et branché. Si vous n’aimez pas l’enthousiasme technophile californien libertaire, dont le magazine américain Wired est le parangon, ce livre n’est pas pour vous. Dans le cas contraire, n’hésitez pas. Lisez-le vite ! Il est passionnant. Makers, la nouvelle révolution industrielle est le dernier opus du rédacteur en chef de Wired, justement, et déjà auteur à succès avec, en particulier, La Longue Traîne. En bon journaliste, Chris Anderson met le doigt sur un sujet hyperchaud, l’histoire des « Makers » et des « imprimantes 3D ». Mais il va beaucoup plus loin que ce phénomène déjà connu. Il brosse, à partir de là, un tableau prospectif – « sa » troisième révolution industrielle – où l’affaire des Makers, enrichie d’une panoplie de récentes avancées du monde numérique, prend une tout autre dimension. Les Makers, c’est une communauté hyperactive qui utilise des machines (des imprimantes 3D) pour réaliser des pièces en dur. Il suffit de concevoir sur écran une pièce en 3D (ou de télécharger un fichier) et de cliquer sur print. Comme une banale imprimante, la machine crée alors la pièce réelle. Cela se pratique de longue date dans l’industrie. Ici, la nouveauté tient au fait que ces « imprimantes », qui coûtaient plusieurs dizaines de milliers d’euros, sont désormais disponibles pour à peine plus de 1 000 euros. Tout le monde a donc accès à la production de pièces. De là à voir dans cette fabrication personnelle un phénomène identique dans la production, à celui que la micro-informatique avait créé dans le traitement de l’information, il n’y a qu’un pas… que je n’hésite pas à franchir.
Une vraie innovation
Où l’affaire devient vraiment intéressante toutefois, c’est quand Chris Anderson y ajoute : primo, l’existence de sites de production hyperéquipés et dédiés au grand public. Secundo, la possibilité non seulement d’imprimer à domicile, mais aussi, grâce au numérique, de faire fabriquer d’un simple clic votre produit n’importe où dans le monde par des entreprises spécialisées. Tertio, la disponibilité de briques matériel en open source pour construire des produits complexes. Enfin celle d’entreprises spécialisées dans le crowdfunding (financement collaboratif), comme Kickstarter, pour faire financer votre produit par le grand public avant qu’il n’existe. Le mérite de Chris Anderson est d’articuler cela en un tout cohérent. Il est d’autant mieux placé qu’il a créé, avec succès, sa propre entreprise, très profitable, en faisant appel à toute cette infrastructure qu’il connaît parfaitement. Au final : un livre qui décrit un phénomène très important, indispensable à connaître. Une troisième révolution industrielle ? Peut-être pas. Pas au sens où la fabrication individuelle mettrait à bas l’industrie telle qu’on la connaît. Parfois Anderson pousse un peu le bouchon. Mais son enthousiasme est si rafraîchissant et communicatif qu’on lui pardonne. Et puis, il est difficile de prévoir… surtout l’avenir.
« Makers, la nouvelle révolution industrielle«
Chris Anderson
(éd. Pearson)
Cet article est extrait du n°2 d’Alliancy le mag – Découvrir l’intégralité du magazine