Récemment nommé DRH de l’ESN française SCC, Hervé Rémaud détaille comment son organisation s’adapte en matière de nouveaux modes de travail et de recrutement d’experts, alors que la guerre des talents fait rage entre les entreprises.
| Cet article fait partie du dossier « Ressources Humaines : les fondamentaux bousculés »
SCC accompagne la transformation des entreprises ; mais à quel point le numérique vous pousse-t-il à transformer votre propre organisation ?
Hervé Rémaud. Le numérique a un impact à la fois sur nos métiers et notre organisation. Par exemple, la digitalisation des processus va changer notre façon d’appréhender les tâches du quotidien, et il faudra faire la part des choses entre les gains amenés par l’automatisation et l’augmentation de la qualité et du niveau des actions réalisées par nos collaborateurs. Nous devons en conséquence absolument faire monter en compétences nos collaborateurs en profitant de la dynamique numérique. Cela implique des changements au niveau des outils autant que des comportements.
Quel nouvel outil vous parait représentatif de cette évolution de vos métiers ?
Hervé Rémaud. Nous avons lancé à la fois une refonte de notre système d’informations et une évolution du rôle de nos managers, les deux étant profondément liés. En effet les managers sont le reflet de notre politique RH vis-à-vis de leur équipe. Ces derniers auront bientôt à disposition des tableaux de bord RH pour piloter leur activité. Jusqu’ici, ce genre de pratiques n’existait pas. Elles sont pourtant clés pour changer nos façons de recruter et de gérer les talents. Un manager pourra ainsi suivre en temps réel ses recrutements et réagir si un CV particulièrement intéressant répond à l’un de ses besoins.
Ces changements ne concernent-ils que les managers ?
Hervé Rémaud. Toutes les fonctions supports se transforment également. Avec un tel système, on entre dans un monde d’actions immédiates, où la part des reportings baisse considérablement, pour laisser la priorité à la gestion de situations opérationnelles. Cela augmente la capacité de prévision et permet donc d’anticiper notamment les formations et les recrutements qui sont nécessaires pour répondre aux chantiers et marchés en cours. L’esprit, c’est d’avoir plus de réactivité, de souplesse… et surtout beaucoup plus d’échanges immédiats et concrets autour de la vie réelle et des projets de l’entreprise.
Qu’entendez-vous par des échanges immédiats ?
Hervé Rémaud. Paradoxalement, cela passe à nos yeux par le fait de sortir du « tout mail » qui prévaut aujourd’hui dans beaucoup d’entreprises, dont la nôtre. Nous voulons remettre du lien humain et de l’oralité, qui vont permettre des échanges qualitatifs plutôt que de rentrer dans des routines asynchrones et multiplier les aller-retours par voie numérique… Quand on travaille ainsi, on crée un cercle vertueux. Si j’accepte de me digitaliser, c’est pour mieux collaborer, pour donner plus de sens à mon métier. Et cette nouvelle approche à la fois humaine et technologique fait aujourd’hui partie intégrante de la marque employeur, le management doit modifier ses comportements vers plus de collaboratif. Les jeunes talents se renseignent énormément et pour les séduire, nous devons proposer une approche cohérente autour de toutes les nouvelles façons de travailler. Si je dois attirer des talents précieux, je ne dois pas vouloir les coincer : ni dans un bureau, ni avec du papier !
Quelle est la politique de SCC en termes de travail à distance ?
Hervé Rémaud. Nous sommes en train de finaliser un accord de télétravail avec nos organisations syndicales. Je pense que c’est une étape extrêmement importante pour une entreprise. Il est nécessaire de formaliser les conditions du télétravail pour sortir du « télétravail gris », qui est facteur de risques et de mal-être chez les collaborateurs. Cela existe dans toutes les grandes organisations, tant qu’il n’y a pas une politique RH claire sur le sujet, avec un engagement de la part du management. Penser le télétravail, c’est penser aux conditions de la qualité du travail, et par extension aux outils digitaux qui le permettent. Cela implique de mettre au clair les équilibres de vie qu’il faut garantir à un salarié, en passant par son droit à la connexion et à la déconnexion.
Dans cette évolution, quel est votre principal défi ?
Hervé Rémaud. Le problème des transformations rapides que nous vivons est que chaque sujet en appelle un autre. Si l’on prend les projets Cloud que nous menons auprès des entreprises, ils intègrent évidemment des dimensions de sécurité et de mobilité, qui sont des métiers en pleine transformation eux-mêmes. Sur chacun de ces sujets, il est difficile de recruter. Heureusement, les écoles s’adaptent et je pense qu’il est plus que jamais nécessaire aujourd’hui de renforcer nos partenariats avec elles. Chez SCC nous voulons avoir 200 alternants parmi nous dès 2020. L’alternance est une solution à cette guerre concurrentielle des talents. C’est un fort moyen de fidélisation pour une entreprise.
Quels sont vos principaux arguments pour remporter cette guerre des talents ?
Hervé Rémaud. Le principal atout de SCC est d’être une entreprise familiale. Malgré la belle croissance du groupe dans le monde et notamment en France, avec respectivement 5000 et 2400 collaborateurs, SCC a su garder une culture d’entreprise familiale et entrepreneuriale. Cela s’explique aussi par le fait que nous ne soyons pas cotés en bourse.
Par ailleurs, il est plus facile de créer un vrai sentiment d’appartenance à l’entreprise, en donnant une vision cohérente de l’avenir. De plus nous privilégions la mobilité interne ; nombre de nos collaborateurs ont pu évoluer au sein de filières d’expertise ou changer de métier. Nous proposons, nous encourageons, nous donnons confiance, nous donnons aussi le droit à l’erreur et la possibilité de revenir en arrière si besoin. L’ancienneté moyenne chez SCC est de 10 ans, contre 3 ou 4 ans pour les autres ESN. C’est assez révélateur.