Quels liens entre les dynamiques d’innovation d’un assureur et celles d’un laboratoire d’électronique médicale ? L’IoT. Plus précisément, la capacité à adapter leur processus d’innovation en cohérence avec les contraintes de l’Internet des objets.
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Assureur, laboratoire d’électronique médical, PME du marché musical ou encore institution de l’univers carcéral… autant d’organisations qui font face ces derniers mois à un nouveau défi : intégrer les objets connectés dans leur stratégie d’innovation. « Les méthodologies modernes d’innovation se sont bien diffusées dans les organisations. Elles permettent d’avoir un cycle qui part de l’idéation – design thinking – passe par le prototypage – grâce aux méthodes agiles – puis théoriquement va jusqu’à la mise à l’échelle, en s’appuyant par exemple sur les acquis du DevOps pour les équipes IT », décrit Sergio Werner, directeur de la stratégie et de l’innovation chez SCC en France, avant de préciser : « Mais quand on y regarde de plus près, ces usages sont très liés au monde software et le bât blesse quand les entreprises tentent d’intégrer l’IoT dans la boucle. » La dimension « physique » supplémentaire de l’Internet des objets pose de multiples questions.
Un exemple dans l’assurance
En 2018, les applications de prévention d’un assureur vont ainsi pouvoir s’appuyer sur les données récupérées grâce à l’IoT, notamment les nombreuses constantes utiles des patients : le nombre de pas effectués, les variations de température du corps, etc. Les capteurs connectés vont servir à remonter ces informations et à les centraliser dans une application, où elles seront analysées grâce à du machine learning.
Or, si le prototype d’une telle innovation est prometteur, il n’a bien sûr pu être réalisé qu’auprès de moins d’une centaine d’utilisateurs. « Le prototype va faire remonter quelques problèmes liés aux capteurs comme des cas de déconnexion ou des soucis de mise à jour généralisée… Ce qui est naturel dans une démarche d’innovation basée sur l’itération permanente. Mais qu’en sera-t-il lors de la mise à l’échelle ? », pointe Sergio Werner. Il est facile d’imaginer que sur une cinquantaine d’utilisateurs du prototype, un ou deux aient eu à faire face à de tels problèmes. Ramené à l’échelle globale d’une telle initiative IoT, cela signifie cependant que plusieurs milliers de patients seront affectés au final. Inenvisageable.
Mais pourquoi les méthodes qui ont fait leur preuve pour éviter – au maximum – ce genre de situation dans l’univers du software ne servent-elles pas mieux quand il est question d’IoT ? « Au sein des organisations, il y a une sorte de dichotomie perçue entre l’agilité et la rapidité déployées pour innover avec le digital et les logiciels, et l’implication d’assets industriels rendue obligatoire par l’IoT », reconnaît Sergio Werner. Si elles ne voient pas l’innovation IoT comme un investissement industriel, les entreprises ne parviendront donc pas à passer le cap de la simple expérimentation. Pour Sergio Werner, cette prise de conscience passe par le fait de répondre à plusieurs questions. « Il faut mettre en place la chaîne de services, internes ou externes, intégrée et complète qui va de l’IoT jusqu’au cloud pour l’entreprise. Cela revient à savoir quel item connecté appartient à qui, d’en connaître les raisons, d’avoir une vision claire des systèmes auxquels sont reliés chaque capteur et de la façon dont ils sont fournis à l’utilisateur… L’IoT implique d’avoir un processus de monitoring extrêmement poussé, avec une véritable expertise logistique », précise le directeur de la stratégie et de l’innovation de SCC France. Cet effort sur les processus et la logistique industrielle est trop souvent laissé de côté dans le cadre des démarches d’innovation IoT : les entreprises ont tendance à ne s’intéresser qu’au seul périmètre applicatif, sans aligner leur suivi dans le « monde physique ».
De même, « la réflexion sur l’expérience utilisateur (UX) doit aller bien au-delà du sens qu’on lui donne dans l’innovation software, pour être étendu au cycle de vie complet du produit. Le design thinking doit aider à appréhender des sujets comme la livraison, la manipulation, mais aussi le churn (attrition)… au coeur de l’IoT ! », insiste le spécialiste.
Dans le monde de l’innovation digitale, le DevOps a été l’un des principaux leviers pour industrialiser plus efficacement les pratiques agiles. Mais quand il s’agit d’IoT, ce parti pris organisationnel ne peut s’arrêter à la question des développeurs et de la production IT. Sergio Werner met en garde : « Si l’on veut réussir à innover durablement avec l’IoT, qui lie software et hardware, il faut que les logiques DevOps soient étendues aux questions logistiques, aux impératifs d’évolution des devices eux-mêmes tout au long de leur cycle de vie. Ce sont donc les productions et opérations côté métier qui doivent profiter du DevOps. »
Assurer la compatibilité des systèmes
L’innovation IoT se conçoit elle aussi comme un cycle d’amélioration continue. Pourquoi en serait- il autrement ? « Ce n’est pas parce que l’on est parvenu à faire émerger un prototype dans une logique de production grande échelle que la partie est finie : de nouvelles fonctionnalités vont devoir être gérée à travers des cycles de mise à jour rapides, même quand on parle d’un simple thermomètre connecté ! », souligne Sergio Werner.
L’entreprise doit mettre en place les processus pour gérer les impacts des mises à jour à la fois sur l’application, sur les flux de données et sur l’objet connecté lui-même. Cela implique de s’interroger sur la pérennité des choix réalisés. Avec un produit en milieu de cycle de vie, que se passe-t-il si l’entreprise a besoin de changer de constructeur hardware ? La compatibilité des systèmes va-telle être assurée ? En la matière, les expertises déjà existantes sur le marché, en termes d’industrialisation de l’infogérance peuvent s’avérer précieuses. Celles-ci impliquent de prendre en compte processus, indicateurs, enjeux métiers, lors des changements opérés par les entreprises. Autant de points qui peuvent faire la différence pour dépasser le cap des expérimentations et faire vivre sa vision IoT dans le temps.
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