Certains d’entre nous savent peut-être déjà qu’il n’est pas possible d’utiliser n’importe quelle onde radioélectrique (onde hertzienne) pour faire transiter de la donnée dans l’espace. En effet, l’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes) est l’organe de l’État chargé de déterminer quelles fréquences radioélectriques (parmi celles qui lui sont affectées et en harmonisation avec les organismes internationaux) sont soumises à une autorisation individuelle préalable et lesquelles sont au contraire des « bandes libres ».
D’une façon générale, les « bandes libres » apportent plus de souplesse que les « bandes licenciées » :
Utilisation des « bandes libres »
– Pas de demande d’autorisation
– Gratuité d’utilisation des fréquences
– Droit collectif d’utilisation
– Sans garantie de protection
Utilisation des « bandes licensiées »
– Autorisation individuelle préalable
– Redevance d’utilisation des fréquences
– Droit exclusif d’utilisation
– Garantie de protection
Mais cette souplesse s’accompagne aussi de contraintes techniques plus fortes. Ainsi, la puissance d’émission utilisée dans les bandes de fréquences libres est nettement plus limitée (allant de 10mW à 500mW), limitant soit la portée à de faible distance, soit la bande passante à un faible débit. Il existe d’autres contraintes et en particulier le temps maximum d’émission. Il peut être limité à 10% voire 1% par heure. En effet, c’est avec de telles caractéristiques d’usage que la probabilité de brouillage mutuel est considérée comme réduite, voire inexistante, permettant ainsi d’en libéraliser son utilisation.
Il existe à ce jour six « bandes libres » aussi appelées bandes ISM (Industriel Scientific Médical).
A titre d’exemples, la bande de fréquence 434MHz est utilisée pour les commandes sans fil (radiocommande de porte de garage, casque sans fil, etc.). La bande de fréquence 868MHz est utilisé pour le RFID-UHF, les équipements domotiques (comme Z-wave) ou les réseaux M2M (Sigfox ou LoRa). La bande de fréquence de 2,4GHz est utilisé pour le Wi-Fi et le Bluetooth. La bande de fréquences de 5GHz est, elle aussi, utilisée par le Wi-Fi mais également pour des liaisons point-à-point.
A l’inverse, les fréquences mobiles utilisées par les quatre opérateurs grand public ne sont pas dans les « bandes libres ». Ainsi, afin de pouvoir commercialiser leurs offres 4G, les opérateurs ont dû acheter à l’État un droit exclusif d’utilisation d’une ou plusieurs fréquences pour une somme dépassant les 3,6 milliards d’euros au total, cela accompagné d’une obligation de couverture.
On comprend alors aisément que si nous pouvions fournir ces mêmes services en s’appuyant sur une bande de fréquences libres, donc sans redevance, les prix de vente du service seraient nettement plus bas ou le bénéfice serait nettement plus important.
Demain, de nouvelles technologies, de nouveaux protocoles comme le LWA (LTE Wi-Fi Link Aggregation) ou le LAA(Licensed Assisted Access) permettront aux opérateurs ayant déjà un service 4G sur bandes licenciées de déborder sur une infrastructure Wi-Fi propre ou sur une infrastructure LTE propre fonctionnant sur une bande de fréquences libres, agrégeant ainsi leur capacités existantes (débit et couverture) sur bandes licenciées avec celle offerte par la bande libre.
Sans attendre le futur, les opérateurs grand public s’appuient déjà sur les bandes de fréquences libres pour étendre leurs services. On a ainsi vu apparaitre cette année le Wi-Fi Calling, permettant aux opérateurs de faire passer des appels à partir d’un terminal mobile au travers d’une infrastructure Wi-Fi ne leur appartenant pas, tout en conservant le numéro du mobile de l’utilisateur.
Cela étant dit, ces nouvelles technologies et ces nouveaux protocoles ne favorisent pas que les opérateurs mobiles existant puisque le MuLTEFire, en cours de développement par Qualcomm, permettra de faire, à partir de 2019-2020, de la 4G en n’utilisant que des fréquences libres en 5GHz, tout en prenant en compte l’existence d’autres protocoles dans cette bande de fréquence. Peut-être pourrons-nous voir à cette occasion éclore de nouveaux opérateurs. Ils auront cependant une contrainte très forte : ne pas être les seuls à utiliser la bande de fréquences les empêchant par conséquent de faire de la garantie de service !
Cela étant dit, nous voyons déjà apparaitre ces dernières années de nouveaux opérateurs s’appuyant sur les « bandes libres » pour offrir de nouveaux services. Ces opérateurs orientés B2B fournissent des services autour de l’IoT (Internet of Thing – Internet des Objets) en se différenciant des autres par une couverture longue portée (10 à 15km en campagne) limitant ainsi les coûts d’infrastructure, mais avec un débit nettement plus faible pour ne remonter que des informations métiers ponctuelles.
Indépendamment de ces aspects de services, c’est au travers des bandes libres que sont venues et continueront de venir les innovations. En effet, la liberté d’utilisation de ces fréquences permet de tester de nouvelles technologies, de nouveaux protocoles et potentiellement de nouveaux services, sans contrainte financière forte. Le rapport de Joelle Toledano remis à Axelle Lemaire en 2014 allait en ce sens car il recommandait une meilleure gouvernance du spectre au service de l’innovation. Le rapport préconisait notamment un recours accru à des solutions de partage de fréquences, une plus grande latitude laissée à l’expérimentation, et une gestion plus souple des fréquences, apportant les garanties nécessaires pour limiter les risques de brouillages.
Même si les fréquences licenciées garderont une place prédominante pour la fourniture de services mobiles (seule possibilité d’offrir une garantie de service), nous pouvons affirmer que les bandes libres continueront de jouer un rôle important dans le futur. Il est cependant difficile d’anticiper le domaine dans lequel elles pèseront le plus : la démocratisation des services de télécommunication ou son rôle d’écosystème permettant des avancées technologiques.