Depuis deux ans, pas une entreprise ne peut échapper à la transformation numérique. Dans les médias, les salons professionnels ou les séminaires, l’expression et la volonté d’innovation qu’elle véhicule sont tendance. Pourtant, malgré une réelle volonté des dirigeants d’assurer l’avenir de leur entreprise à l’ère du numérique, le bilan reste mitigé.
Selon une étude publiée en 2014 par le cabinet Mc Kinsey, la France occupait en 2013 la 8ème place sur 13 pour ce qui est de la part du numérique dans son économie, avec 5,5% du PIB ; soit la même place qu’en 2010, légèrement en-dessous de la moyenne, et loin des pays leaders.
Sur le terrain, la situation se traduit par la multiplication d’initiatives, qui restent souvent cantonnées aux seuls projets technologiques. Pour être bénéfique, la transformation numérique ne doit pas être une révision des outils de production mais une refonte profonde des modèles métiers. Il s’agit de repenser les usages pour permettre à chaque collaborateur d’être plus efficace dans sa productivité individuelle et son apport à l’entreprise. En effet, un commercial itinérant, un employé sédentaire ou un directeur informatique requièrent des moyens de production différents pour accomplir leur mission au mieux. Le nouvel environnement de travail doit refléter ces différences. C’est ce que l’on appelle le digital workspace.
Mesurer la valeur des investissements autrement
Le digital workspace est une réponse à l’évolution des modes de travail impulsée par les employés, qui présente également de nombreux avantages pour les dirigeants eux-mêmes, qui voient la productivité, l’innovation et l’attractivité de leur entreprise monter en flèche. On pourrait donc parier sur une adoption généralisée dans les mois à venir. Mais encore faut-il pouvoir adresser les défis humains, liés notamment à la conduite du changement à tous les niveaux de l’entreprise.
L’adhésion des employés est essentielle, mais aussi celle des dirigeants. Selon le Gartner[1], ¾ des dirigeants affirment avoir compris où mènera la transformation numérique et les besoins de changements nécessaires dans l’approche que l’on doit en avoir, mais cela ne signifie en rien qu’ils s’y sont attelés.
En réalité, beaucoup de dirigeants et de comités exécutifs ne se rendent pas compte de l’enjeu. Leur compétitivité future dépend peut-être de leur capacité à se transformer, mais tant que la menace est prospective, elle n’est pas une priorité.
Derrière cette vision à court terme se cache le frein réel : l’exigence de ROI. Lorsque l’on investit massivement dans un projet de digital workspace, lorsque l’on engage son entreprise dans un processus de transformation long et lourd, il est normal d’exiger un retour sur investissement clair. Mais les retours d’expérience sont encore trop rares pour que les dirigeants se projettent avec succès.
En conséquence, on transforme un enjeu stratégique en une considération technique. On attend de la DSI qu’elle fasse des arbitrages et qu’elle finance sa transformation. Sinon, cette tâche incombe au fameux ‘responsable du digital’, qui ne dispose lui-même pas toujours d’un budget et doit se rapprocher des divisions métiers. La transformation est perçue comme une finalité éloignée, que l’on planifie sur 24, voire 36 mois. C’est la recette d’un échec assuré.
Pour donner des résultats satisfaisants, la transformation digitale ne doit pas être abordée comme un tout insurmontable. Il s’agit en fait d’une succession de projets, qui ont chacun leurs propres objectifs, leur propre calendrier. Au vu de la rapidité des évolutions technologiques, un plan de transformation devrait s’étaler au maximum sur une année pour la définition stratégique, un semestre pour la déclinaison tactique, et un trimestre pour les mises en place opérationnelles. Les risques restent réels, mais largement diminués et n’engagent pas l’entreprise dans son ensemble.
Aujourd’hui, le peu d’entreprises qui s’en sortent le mieux sont celles qui ont la chance d’avoir des dirigeants visionnaires et charismatiques à leur tête. Au niveau international, on pourrait prendre pour exemples les GAFA, qui n’hésitent pas à prendre des risques et investir, dans le but de rester dans la course. Ce n’est pas non plus un hasard que certaines des entreprises les plus avancées soient issues de secteurs où les marges sont sous pression, comme celui de l’industrie.
Le retard pris par les entreprises françaises en matière de transformation numérique n’est cependant pas insurmontable si elles savent se faire accompagner par des spécialistes capables d’industrialiser leur démarche. Au cours des années à venir, la montée en puissance de nouvelles économies portées par l’impression 3D, l’intelligence artificielle ou l’Internet des objets vont rebattre les cartes de la concurrence, ouvrant de nouvelles opportunités à qui veut les saisir.
[1] Etude “State of digital business transformation in 2016” .