Promulguée le 15 novembre 2021, la loi REEN vise à maîtriser l’impact environnemental des acteurs du numérique, mais aussi des utilisateurs. Gros plan sur sa mise en œuvre au sein de Bpifrance Digital, avec le témoignage de son directeur technique.
Promulguée le 15 novembre 2021, la loi REEN (Réduction de l’empreinte environnementale du numérique) s’inspire des préconisations du rapport de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique, mise en place fin 2019 par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. Selon cette mission, si rien n’est fait, le numérique sera à l’origine de 24 millions de tonnes équivalent carbone, soit environ 7 % des émissions de la France, à l’horizon 2040.
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Dans la plupart des entreprises, les directions générales et les DSI n’ont pas encore pris la mesure de ce que cette loi impliquait. Dans certaines autres, plus rares, les directions informatiques n’ont pas attendu que la loi soit promulguée pour agir. C’est le cas de Bpifrance, la banque publique d’investissement française.
« Le sujet est très important pour nous, car nous sommes un acteur clé de la politique économique française. Nous avons d’ailleurs lancé la Banque pour le climat qui accompagne les entreprises dans leur transition énergétique. Elle propose aux entrepreneurs, au sein de leur compte en ligne, un cockpit climat qui leur fournit des indicateurs liés à cette transition », déclare Sébastien Monchamps, Directeur technique de Bpifrance Digital.
Dès 2020, Bpifrance a par ailleurs mis en œuvre une architecture IT frugale basée sur de nombreux micro-services. Cette architecture cherche à minimiser l’utilisation des serveurs et le nombre d’appels vers les systèmes. « Dans la façon dont nous avons conçu nos applications, nous avons pris en compte, par défaut, et sans même parfois nous en apercevoir, des standards écoresponsables. Nous n’avons donc pas attendu la loi mais nous sommes très heureux de son arrivée, car elle met les pieds dans le plat », témoigne Sébastien Monchamps.
Cinq objectifs pour la loi REEN
Le texte de loi s’articule autour de cinq objectifs. Le premier est de faire prendre conscience de l’impact environnemental du numérique à travers notamment une formation à la sobriété numérique dès le plus jeune âge à l’école ainsi qu’à l’entrée à l’université à partir de la rentrée 2022, un module sur l’écoconception des services numériques pour les formations d’ingénieur en informatique, et la création d’un observatoire des impacts environnementaux du numérique, placé auprès de l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et de l’autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).
Le deuxième objectif de la loi REEN est de limiter le renouvellement des appareils numériques
La fabrication des terminaux numériques (smartphones, tablettes, ordinateurs …) représente 70 % de l’empreinte carbone du numérique en France. Pour allonger la durée de vie des produits, il est prévu par exemple de rendre plus opérationnel le délit d’obsolescence programmée, de renforcer la lutte contre l’obsolescence logicielle et d’informer le consommateur des caractéristiques essentielles de chaque mise à jour de son appareil numérique.
« Dans les matériels qu’utilisent les collaborateurs, les écrans arrivent en première position en termes d’impact environnemental. Chez nous, très peu de collaborateurs disposent d’un écran fixe. Presque tous sont équipés de PC portables par défaut. Nous maîtrisons donc au maximum ces impacts-là », note Sébastien Monchamps.
Un référentiel général d’écoconception des services numériques pour 2024
Le troisième objectif de la loi REEN est de favoriser des usages numériques écologiquement vertueux. La loi prévoit pour cela un référentiel général d’écoconception des services numériques, fixant des critères de conception durable des sites web à partir de 2024.
« Pour les applications que nous produisons, nous sommes particulièrement attentifs aux flux de données entre l’utilisateur du site et le serveur. Nous évitons autant que possible le déclenchement automatique des vidéos ou la présence de vidéos en arrière-plan. Nous réfléchissons aussi à la génération en elle-même d’usages. Quel est le bon équilibre entre le fait d’inciter nos clients à se rendre sur nos plateformes, générer des revenus et faire attention à ne pas tomber dans l’excès ? C’est le thème le plus profond et le plus complexe à traiter », précise Sébastien Monchamps.
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Le quatrième objectif de la loi est de promouvoir des datacenters et des réseaux moins énergivores. Dans le contexte du déploiement de la 5G, le texte renforce les conditionnalités environnementales qui s’appliqueront, à compter de 2022, au tarif réduit de la taxe intérieure de consommation finale d’électricité (TICFE) applicable aux datacenters. Sur amendement du gouvernement, les opérateurs de communications électroniques devront par ailleurs publier des indicateurs clés récapitulant leurs engagements en faveur de la transition écologique.
« Ce dernier point va nous impacter car, en tant qu’utilisateurs, nous allons exiger d’obtenir ces indicateurs. Ils nous serviront pour la mesure de notre politique RSE. Ce dispositif s’appliquera à toutes les entreprises et, par effet de bord, tout le monde finira par être piloté par la RSE. Nous aurons à notre disposition des données systématiques, comparables entre les fournisseurs de cloud », ajoute Sébastien Monchamps.
Enfin, le texte a pour ambition de promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires. Un chapitre de la loi, introduit par les sénateurs, traite des stratégies numériques responsables dans les territoires. Les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) devront intégrer l’enjeu de la récupération de chaleur des centres de données. À partir de 2025, les communes et leurs intercommunalités de plus de 50 000 habitants devront élaborer une stratégie numérique responsable.