De plus en plus d’acteurs français s’imposent comme référence dans le domaine des machines et objets communicants. Petit tour d’horizon d’un écosystème bouillonnant.
Détecteurs de fumée, compteurs à eau ou à gaz, mais aussi montres, lunettes, chaussures ou pèse-personnes… Le marché mondial des objets connectés mobiles va exploser auprès du grand public et connaître une croissance de 41% par an en moyenne, annonce le cabinet ABI Research. Au total, 485 millions d’objets pourraient être vendus par an, dès 2018.
Ce dynamisme se retrouve également dans le secteur du Machine to Machine (M2M), qui concerne la communication entre machines, sans intervention humaine. Le cabinet Machina Research* prévoit qu’à lui seul, ce marché pourra peser 714 milliards d’euros en 2020 (+ 685 % par rapport à 2010). Surtout, selon le bureau d’études Idate, l’Europe en est le principal acteur et ce jusqu’en 2015 au minimum. Pourtant, « le M2M n’est qu’un bout du moteur dans le cadre plus large de l’Internet des objets », précise Jean- Louis Frechin, fondateur et directeur de l’agence NoDesign, spécialisée dans le design numérique. Et c’est dans l’Internet des objets dans son ensemble que le designer et architecte voit de grandes opportunités industrielles pour la France.
L’Hexagone pourrait donc se tenir en bonne place sur ces deux sujets qui mobilisent de nombreux acteurs, opérateurs, constructeurs, éditeurs de logiciels ou designers… « Nous voyons autour de nous un écosystème riche et vivant », se félicite Thomas Nicholls, IoT Evangelist and Business Developer chez Sigfox, opérateur de télécommunications toulousain. Gestionnaire de son propre réseau cellulaire bas débit consacré au M2M, c’est l’un des acteurs français à profiter pleinement de cette vague.
Créée en 2009 et après avoir couvert tout l’Hexagone, Sigfox veut désormais s’internationaliser. La PME, qui entend doubler le nombre de ses salariés (une trentaine actuellement), vise un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros en 2014. Elle a récemment signé un partenariat avec Silicon Labs, une entreprise américaine spécialisée dans les émetteurs sans fil. Pour Sigfox, les acteurs français doivent saisir leur chance : « La France est bien placée dans toute la chaîne de valeur autour du M2M. Il est simple et peu onéreux de se lancer dans les objets connectés. Il n’y a pas de blocage ! » se réjouit Thomas Nicholls.
Cela tombe bien. Au-delà du M2M, la France compte aussi de jeunes pousses prometteuses dans l’univers de l’Internet des objets. Withings, fondé en 2008 et résolument tourné vers le grand public, propose tensiomètres, baby phones et balances connectés. Autour de ses produits primés de nombreuses fois, la société tisse des partenariats avec des géants comme Google ou Microsoft, dans l’e-santé. « Sur les douze best-sellers des objets connectés à l’iPhone, cinq sont français », précise Jean-Louis Frechin. Parrot, spécialiste parisien des terminaux connectés sans fil, s’est ainsi imposé parmi les leaders mondiaux du kit mains libres. Il a aussi prouvé sa capacité à se diversifier. Lors du dernier Consumer Electronics Show de Las Vegas, aux États-Unis, en janvier, grand-messe annuelle de la haute technologie, le français a dévoilé Parrot Flower Power, un capteur qui aide à soigner les plantes. Il avait auparavant profité des éditions 2010 et 2012 pour montrer son Parrot AR.Drone, un quadrirotor piloté depuis iPhone.
Les drones, versions militaire ou civile, sont d’ ailleurs parmi les objets connectés les plus médiatiques. Delta Drone, start-up grenobloise, de moins de trois ans, ambitionne de briguer rapidement la place de leader du drone civil. Entrée en phase de production industrielle, elle entend aujourd’hui fabriquer cinq cents de ces appareils volants par an d’ici à 2014. Ils serviront autant à la surveillance du réseau ERDF, avec qui elle vient de signer un contrat, qu’à celle de la station de ski de l’Alpe-d’Huez.
Fournisseurs contre gourous
Alors la France, championne du M2M, puis de l’Internet des objets ? Beaucoup de sujets restent encore à traiter. « Sur une technologie sans contact comme le NFC, nous n’en sommes pas encore à l’illumination », constatent Jean-Michel Gadrat et Pierre Métivier, respectivement président et délégué général du Forum des services mobiles sans contact. « Les acteurs sont nombreux, avec les grands d’un côté et les petits de l’autre… Ce contexte complexe pose des problèmes de coordination et d’interopérabilité », soulignent-ils. En tant que brique du M2M, le retard pris par la diffusion à grande échelle de la technologie NFC est représentative des difficultés d’un écosystème qui oscille entre acteurs traditionnels en recomposition et nouveaux entrants.
« Nous avons montré qu’il y a beaucoup d’intelligence et de talents au top niveau en France pour les machines communicantes. Il suffit de voir ce qui se fait en aéronautique », affirme pour sa part Yves Clisson, PDG de Telelogos, spécialiste depuis 1982 de la synchronisation de données, du Mobile Device Management (MDM, gestion des terminaux mobiles) et du M2M. « Mais la descente vers le consommateur lui-même n’est pas du tout au niveau de ce que l’on peut trouver dans certains pays asiatiques ou aux États-Unis. Nous avons du mal à aller vers l’usage quotidien et le grand volume… », regrette-t-il.
La France a semble-t-il beaucoup hérité de la culture industrielle et BtoB des grands acteurs de l’électronique de la fin du XXe siècle. Cette culture positionne naturellement nos acteurs comme des « fournisseurs », et non pas comme des gourous, tel Apple et son célèbre iPhone sur le marché des smartphones. « Pour autant, les frontières disparaissent entre un M2M orienté BtoB et un Internet des objets orienté BtoC, estime Thomas Nicholls. La technologie devient meilleur marché et rapproche les univers. Il est beaucoup plus simple de s’adresser au grand public sur ces sujets en 2013, qu’il y a trois ou quatre ans. » Les start-up ont donc toutes les cartes en mains pour porter la « French Touch » sur l’Internet des objets.
* Report – M2M Global Forecast and Analysis 2011-22, par Jim Morrish, Emma Buckland et Matt Hatton.
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Photo : Delta Drone
Cet article est extrait du n°3 d’Alliancy le mag – Découvrir l’intégralité du magazine