Manque de femmes dans l’IA : “Ça va aller en empirant”

 

Le deuxième colloque de la chaire Dauphine-UNESCO Femmes et Science s’est tenu le 11 février. L’occasion de rappeler le manque de mixité dans le domaine de l’IA, ses impacts et les solutions possibles.  

 

Une IA au masculin ? Si la formule surprend, l’intitulé de la conférence pointe pourtant un déséquilibre frappant. D’après le Forum économique mondial (WEF), les femmes représentent seulement 30% des professionnels de l’IA, . À l’occasion de la Journée internationale des femmes dans la science, l’Université Paris Dauphine-PSL a organisé une table ronde autour de cette thématique. Son vice-président, Jamal Atif, alerte sur cette tendance stable depuis plusieurs années : “Si on ne fait rien, ça va aller en empirant”. En effet, ce même pourcentage se retrouve dans les formations post-bac. Selon le ministère de l’Enseignement supérieur, les femmes constituent 33% des étudiants dans le domaine des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM) dans l’UE28. “Pourtant, elles sont 50% aux États-Unis”, ajoute Jamal Atif. Résultat, 88% des algorithmes sont fabriqués par des hommes, d’après une étude de l’Unesco. “Leurs biais sont donc diffusés”, regrette Hélène Deckx van Ruys, codirigeante du think thank “Femmes et IA”. Ces biais posent un problème dans les cas d’usage, comme en 2018 lorsqu’Amazon avait confié à une IA la sélection de candidats à l’emploi. L’algorithme avait systématiquement écarté les CV féminins. 

 

De gauche à droite, les intervenants lors de la table ronde organisée par la chaire Femmes et Sciences. : Marine Rabeyrin, directrice EMEA chez Lenovo, Fatiha Gas, Directrice innovation DataIA à La Poste, Elyès Jouini, dirigeant de la chaire Femmes & Sciences, Hélène Deckx van Ruys, codirigeante du think thank “Femmes et IA”, Medhi Ouas, président de Talan, Aïda Hamdi, déléguée générale de la chaire Femmes et Sciences, Sarah Cohen-Boulakia, directrice adjointe de l’institut DataIA, Jean Rognetta, journaliste et Laure Lucchesi, présidente de Give & Tech

 

Lutter contre les biais 

 

“Il y a 3 facteurs à l’origine de ces biais : les algorithmes, mais surtout les requêtes et les données ”, explique Mehdi Houas, président du groupe Talan. Les prompts émis influencent les modèles auto-apprenants. Le problème ? La plupart des utilisateurs de l’IA sont des hommes. Une étude menée conjointement par des chercheurs de l’université de Chicago et de Copenhague démontre que les femmes sont 20% moins susceptibles d’utiliser l’intelligence artificielle que les hommes dans la même profession. “Les femmes doivent monter dans le train de la révolution numérique”, insiste Hélène Deckx van Ruys. Les données, et notamment leur étiquetage, sont aussi un facteur important. “Une meilleure identification des données pourrait éviter et corriger les biais”, développe Mehdi Houas. Cela passe selon lui par un audit des données. Attirer plus de femmes dans l’IA est évidemment vital. “Pour cela, il faut privilégier les tutorats, les bourses et donner aux jeunes filles des role model”, énonce Sarah Cohen-Boulakia, directrice adjointe de l’Institut DataIA. D’autres initiatives, comme sensibiliser le comité exécutif et les ressources humaines, permettraient de favoriser l’emploi féminin dans le milieu du numérique. Le président de Talan tient tout de même à souligner l’impact positif du sommet à ce sujet. “Grâce à l’annonce présidentielle d’un investissement de 109 milliards d’euros dans l’IA, la France a la chance de porter une troisième voie. L’accent sera mis sur la diversité, la mixité et la confiance”.