La transformation data a été accélérée par la direction de Technip Energies au travers d’un plan et de la création d’un Data Office. Nommée en 2022, sa CDO mène des actions sur les fondamentaux (plateforme, culture, gouvernance) en collaboration avec le business et la DSI.
La data fait-elle partie des ambitions de Technip Energies ?
Marie Gepel : L’équipe de direction a pris la décision de mettre la data au cœur de l’entreprise. A cette fin, un plan d’accélération data a été formalisé. Sa finalité était de déployer rapidement les fondamentaux. Lors de mon arrivée en février en tant que CDO, ce plan était déjà bien engagé.
A présent, nous avons les fondations, dont une data plateforme dans le cloud. Nous disposons de tout pour enclencher une stratégie. Restait à fixer nos priorités. Pour y répondre, nous avons réalisé un travail approfondi durant l’été avec les métiers autour de trois axes stratégiques : la data comme moteur de création de nouveaux services pour les clients, la performance opérationnelle et le développement durable.
Quelles ont été vos principales actions depuis la création de votre poste de chief data officer ?
Nous avons notamment mis en place un programme axé sur la culture avec de l’upskilling d’une vingtaine de data scientists. Sur la gouvernance, nous avons découpé l’organisation en 13 domaines de données et défini pour chacune de ces fonctions une feuille de route. Le choix d’un catalogue de données a été arrêté. Notre objectif est de l’ouvrir à tous et de le compléter progressivement.
Avez-vous identifié des cas d’usage potentiels de la data au service du développement durable ?
Dans le cadre d’un projet d’infrastructure énergétique, nous sommes confrontés à des challenges logistiques et environnementaux. Les données peuvent par exemple intervenir dans l’optimisation du fret pour acheminer nos équipements. L’optimisation des trajets des navires et de leur chargement peut être source de gains économiques et environnementaux. La réduction de l’empreinte carbone est une ambition majeure pour l’entreprise sur les trois scopes.
Et qu’en est-il du développement de nouvelles offres aux clients ?
Grâce à notre connaissance des sites de production de nos clients et de leurs équipements, nous sommes en capacité de délivrer des services tels que de la maintenance prédictive. Les usines sont la propriété de nos clients. Nous ne possédons pas les données des opérations.
Des discussions sont donc menées avec nos clients pour développer une logique d’écosystème afin de mettre en commun des données pour créer ensemble de la valeur. Mon exemple dans ce domaine, c’est Skywise d’Airbus. C’est cette orientation que nous souhaitons prendre.
Cette approche basée sur la mutualisation est aussi vertueuse sur les enjeux de sustainability. Tous les acteurs de l’industrie sont aujourd’hui confrontés à la même problématique. La régulation se renforce et il est dans l’intérêt de tous de s’entendre, sur des standards et des échanges de données notamment. Les initiatives dans ce domaine sont encore exploratoires. Mais il nous semble que l’avenir réside en grande partie dans le développement d’écosystèmes Data.
Vous avez pris votre poste de CDO en début d’année. Quelles sont vos priorités et missions à court et moyen terme ?
Sur la transformation Data, il est essentiel d’embarquer au maximum les métiers. Par ailleurs, la Data fait le pivot entre le métier et l’IT. Le début de mon activité a donc consisté à rencontrer et discuter beaucoup en interne pour comprendre les métiers et leurs besoins.
Cette étape était un préalable à la définition de la stratégie et à la V2 des fondations Data du plan d’accélération, ainsi que pour identifier les premiers cas d’usage sur lesquels nous allons travailler. J’ai dans le même temps mis sur pied le Data Office, qui va continuer de grandir.
Quelles sont les fondations sur lesquelles l’entreprise a travaillé ?
Il s’agit de la plateforme de données, de la gouvernance et de la data culture. En matière de culture, nous avons par exemple mis en place un programme de montée en compétence. Celui-ci vise à former 20 collaborateurs pour en faire des data scientists.
L’enjeu ensuite sera de définir les moyens d’activer ces nouvelles compétences, c’est-à-dire de les nourrir en termes de data. Cela passe par la mise en place d’un modèle opérationnel groupe afin de mobiliser tous les talents data dont nous disposons partout dans le monde.
Quelle organisation Data avez-vous mis en place ?
Le Data Office est une entité pilotée en central. Je dispose de personnes dédiées pour la culture et la gouvernance. Un profil proxy product owner a été créé afin de fédérer les projets au sein des différents domaines et, à terme, de fonctionner en mode squads intégrées. Ces équipes pluridisciplinaires comprennent des représentants du business, du data engineering et de l’analytics. L’objectif est de partager un backlog commun.
En octobre, nous avons accueilli une personne supplémentaire au sein du Data Office. Elle nous rejoint pour remplir un rôle de data product manager pour installer une approche produit.
A ce stade, le Data Office est encore modeste et centralisé. Il fonctionne donc en collaboration, dans une véritable logique de partenariat, avec les business owners et avec l’IT.
Où sont situés les data scientists dans cette organisation ?
Ils sont rattachés à des divisions dans des pays du groupe. Il faut souligner que ce métier intéresse énormément en interne. Lorsque nous avons ouvert l’appel à candidatures pour rejoindre le programme d’upskilling, nous avons reçu plus de 270 propositions pour un total de 20 places disponibles.
Mais cette opération, nous a permis d’identifier des personnes qui disposaient déjà des compétences leur permettant de prétendre au statut de data scientists. Nous leur avons donc proposé de devenir mentor de notre première promotion de data scientists. Les data scientists sont chez Technip Energies une population répartie de manière très hétérogène. Nous tenons d’ailleurs à ce qu’ils restent dans leur métier, dont ils ont une parfaite connaissance. Cette communauté existe donc aujourd’hui et est animée.
Quels sont les chantiers prioritaires à mener par le Data Office ?
Ils sont multiples et divers. Nous avons notamment pour objectif de travailler à la digitalisation des processus internes. Il s’agit aussi de s’attaquer aux Excel derrière les PowerBI pour disposer de KPI automatisés dans les tableaux de bord et construits sur les bonnes sources de données et de qualité.
Nous souhaitons en outre avancer sur le nombre de sources de données ingérées par la data plateforme. Ces sources doivent être de qualité, cataloguées et exposées au reste de l’entreprise. Ces différents chantiers participeront au désilotage et à l’amélioration de l’efficacité opérationnelle.
Et quid de la gouvernance des données ?
Le catalogue a été sélectionné. Nous travaillons à présent à un plan d’adoption et de déploiement. Un travail préalable sur Excel a été réalisé avec les data stewards, notamment de définition des objets métiers. Ce sera à eux d’insérer les informations dans le catalogue, ce qui leur permettra d’en prendre possession. Nous avons la chance d’avoir une bonne culture MDM dans l’entreprise.
Quels rôles et échelons sont impliqués dans la gouvernance ?
Nous avons créé 13 domaines de données, qui correspondent aux fonctions principales dans le cycle de vie d’un projet. Il s’agit par exemple de l’ingénierie, des achats, de la finance, des RH. L’ESG, transversal par nature, constitue un domaine à part entière. Des fonctions manquent encore, comme les projets.
En termes de rôles, nous disposons de data domain owners, situés à un haut niveau hiérarchique dans l’organisation et nommés par la direction. Ce sont ensuite les owners qui ont identifié dans leurs équipes des data stewards capables de rentrer dans le détail des objets métiers.