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Marine Dubois (Legal Place) : « Pour éviter de rompre les contrats de travail, le chômage partiel est la seule option envisageable »

Le 25 mars dernier, un nouveau décret a rendu nécessaire la consultation du comité social économique pour les entreprises d’au moins onze salariés qui souhaitent recourir à l’activité partielle. Il vient compléter la loi d’urgence face au Covid-19 adopté le 22 mars et vient complexifier les démarches administratives laissées aux entreprises pour amortir les effets de la crise. Alliancy s’est entretenu avec Marine Dubois, Directrice de l’offre juridique Droit social chez LegalPlace et ancienne avocate, pour décrypter les mesures RH que peuvent dès à présent engager les entreprises.

Marine Dubois, Directrice de l’offre juridique Droit social chez LegalPlace.

Alliancy. Que vient changer le décret du 25 mars dans les processus d’accession au chômage partiel prévu par le gouvernement ? 

Marine Dubois. Le décret du 25 mars vient largement remodeler le dispositif d’activité partielle pour permettre aux entreprises de surmonter la crise, en élargissant les bénéficiaires et en revalorisant le montant de l’allocation versée par l’Etat à l’employeur. Mais attention, il vient ajouter une condition d’entrée dans le dispositif qui n’existait pas jusqu’alors : les entreprises d’au moins onze salariés doivent justifier de la consultation de leur comité social et économique (CSE) pour bénéficier du dispositif d’activité partielle. Elle doivent ainsi communiquer à l’administration le PV de consultation au plus tard dans les deux mois de la demande en ligne. En pratique, c’est une formalité aisément réalisable pour les entreprises qui ont déjà un CSE en place, ce qui n’est pas forcément le cas des plus petites sociétés ETI. Ces dernières doivent faire ces élections du CSE au plus vite si elles ne veulent pas subir des sanctions comme la suspension ou le refus d’indemnisation. C’est pourquoi chez Legal Place, nous proposons une assistance à ces acteurs en process des élections de CSE 100% digitalisées intégrant une solution de vote électronique, qui permettrait d’élire son CSE dans les meilleurs délais.

Le chômage partiel est-il indispensable pour les entreprises ?   

Marine Dubois. Depuis le début de la crise nous recevons beaucoup de demandes concernant l’activité partielle. Il y a des entreprises qui sont aujourd’hui sous le joug de la fermeture administrative. Et pour éviter de rompre les contrats de travail, le chômage partiel est la seule option envisageable (à condition d’avoir un CSE élu en place). Il y a également toutes les entreprises, et elles sont nombreuses, qui ont subi une baisse avérée d’activité depuis le début du confinement et qui peuvent recourir au dispositif d’activité partielle pour réduire la durée de travail de tout ou partie de leurs salariés voire suspendre une partie de leurs activités.

Sous 48 heures, l’entreprise obtiendra une réponse de l’administration. En cas d’accord (tacite ou exprès), ses collaborateurs pourront obtenir une allocation représentant 84% de leur salaire horaire net pour chaque heure chômée. Mais il faut faire attention aux abus : la mise en place de l’activité partielle signifie bien une absence de travail des collaborateurs concernés pour les heures déclarées chômées. Des contrôles ont d’ailleurs été annoncés pour vérifier que cela soit bien respecté.

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Parallèlement, il y a également une partie des entreprises qui a aussi besoin d’aménagements légaux mais cette fois pour faire face au surplus d’activité. Cela concerne les entreprises ayant des activités considérées comme nécessaires pour assurer la continuité de l’activité économique et sociale du pays (santé, commerces alimentaires, etc.). Elles doivent aujourd’hui respecter des règles sanitaires très strictes comme le respect des gestes barrières au titre de leur obligation de sécurité de résultat en qualité d’employeur. A défaut, elles peuvent se voir opposer le droit de retrait de la part de salariés et pourraient voir, le cas échéant, leur faute inexcusable engagée, en cas de reconnaissance de maladie professionnelle suite à une contamination COVID 19. Elles bénéficient aussi de dérogations temporaires en matière de durée du travail pour pouvoir absorber cette hausse importante d’activité.

Quelles sont les priorités pour les entreprises après la crise ?

Marine Dubois. Après la crise, l’importance des mesures de santé et de sécurité de l’employeur va prendre de l’ampleur et le CSE aura alors un rôle essentiel à jouer s’il veut s’en saisir. Car la santé des salariés et la survie de l’entreprise sont intimement liées. Nous assisterons sûrement à des arrêts maladie qui perdurent suite aux effets physiques de la contamination mais également aux conséquences psychologiques post traumatiques dues à cette période d’isolement personnel et professionnel.

Au niveau RH, il sera nécessaire de recréer le lien qui s’est parfois distendu entre collègues ou entre le manager et son équipe pendant ces semaines de confinement. Nul doute que certains salariés auront pris gout à l’autonomie acquise dans la gestion de leur emploi du temps. Certains auront subi le télétravail mais d’autres l’auront sûrement apprécié et voudront le pérenniser. Tout cela obligera les employeurs à reconsidérer la culture du « présentéisme » et à accompagner le besoin de flexibilité des salariés, certainement en généralisant la mise en place de chartes ou d’accord de télétravail.  

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Mais l’autonomie et la flexibilité devra aussi s’accompagner d’une réflexion sur l’organisation de la durée du travail. Et il existe d’ores et déjà des réponses pragmatiques apportées par le droit du travail comme la mise en place du forfait jours par accord d’entreprise. Le modèle classique du 35 heures hebdomadaires sur la base d’horaires collectifs à respecter colle de moins en moins à la réalité. Nous allons nous en rendre en compte d’autant plus après cette crise que les salariés auront produit des résultats probants en trouvant leur propre équilibre vie privée et professionnelle. Le forfait jours serait alors une solution bénéfique tant pour l’employeur que pour ses salariés autonomes.

L’entreprise aura aussi pour mission de trouver des axes de « re »motivation de ses salariés, après des semaines très éprouvantes. Et cela vaudra tant pour les salariés qui auront travaillé plus que de mesure que pour ceux qui ont subi une période d’activité partielle. Pour les entreprises dont la trésorerie le permettrait, des réflexions devront s’engager autour de la mise en place de mécanismes d’épargne salariale (intéressement notamment) et le recours à la prime de pouvoir d’achat défiscalisée qui a été reconduite en 2020.  

Existe-t-il encore des zones de flou dans le droit du travail ?

Marine Dubois. Des doutes subsistent notamment autour de la prise en compte des périodes de suspension du contrat de travail (activité partielle notamment) par les organismes de prévoyance. De la même manière, comment sera pris en charge par la prévoyance la part complémentaire aux indemnités journalières de sécurité sociale pour les salariés bénéficiant d’arrêts maladies exceptionnels pour s’occuper de leurs enfants déscolarisés ? Beaucoup d’entreprises vont analyser des clauses de leurs contrats de prévoyance qu’elles ne considéraient pas jusqu’alors. Il devrait alors y avoir une vague de renégociation de ces contrats de prévoyance et mutuelle dans les mois à venir pour tenir compte de ces nouvelles exigences. Car malheureusement la probabilité de voir ce type de crises sanitaires se reproduire à l’avenir n’est pas nulle. 

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