A Marseille, un grand besoin de former et d’insérer

A l’occasion de notre venue à Marseille, nous avons pu échanger avec l’Adjoint au Maire de Marseille en charge du dynamisme économique, de l’emploi et du tourisme durable. Retour sur les annonces d’Emmanuel Macron pour la Cité phocéenne et ses priorités.

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Laurent Lhardit, Adjoint au Maire de Marseille en charge du dynamisme économique, de lʼemploi et du tourisme durable

Alliancy. Lors de sa venue à Marseille, Emmanuel Macron a parlé de la « création d’un grand pôle français du cinéma », pour permettre les tournages de grands films et séries. Concrètement, que va-t-il se passer ?

Laurent Lhardit. Aujourd’hui, il y a déjà un certain nombre de projets en cours au sein de la Ville de Marseille, en lien avec la Métropole, en particulier sur la dynamisation et le développement des activités liées au cinéma, aux industries culturelles et créatives (ICC) et au numérique au sens large. Mais ce qui est important, c’est notre besoin en formation, par rapport au potentiel de créations d’emplois existantes et à venir. Il faut offrir aux jeunes des moyens de se former pour accéder à ces métiers, dans ces secteurs où l’on trouve tous les niveaux de qualifications. Et, pour cela, nous discutons par exemple avec l’école Tumo* (dont l’objectif est de faire découvrir l’art et la création numérique aux jeunes de 12 à 18 ans, gratuitement) et d’autres. Sur le cinéma et les ICC de manière générale, il faut que l’on raisonne grand, très grand. Il y a vraiment de la place pour tout le monde et l’on doit arriver à travailler avec des villes comme Cannes, Nice, Martigues ou Montpellier… C’est une offre qui doit se vor complémentaire.

Plusieurs écoles de nouvelle génération se sont implantées ces dernières années sur Marseille. Est-ce dans cette logique ?

Laurent Lhardit. Notre rôle en tant que ville est d’assurer la cohésion, la cohérence et la dynamique de l’ensemble de ces projets. Il est important également que ces acteurs soient complémentaires. A nous de les aider à repérer où nous sommes en manque en matière de formation. Par exemple, dans le cadre du projet de « Cité des Transitions » (écologiques, énergétiques et numériques) sur lequel nous travaillons, il y aura un centre de formation des apprentis sur ces sujets… Beaucoup de métiers existent, mais d’autres démarrent… Il faut anticiper. Le projet Theodora de Kevin Polizzi devrait intégrer une école de formation, initiale et continue, dans le domaine de la construction. Notre préoccupation est bien de faire l’analyse de l’offre potentielle qui existe et des besoins afin de bien répondre à toutes les opportunités dans le cinéma, les industries culturelles et créatives et le numérique.

Le Pôle média de la Belle de mai cherche aujourd’hui un second souffle. Comment le voyez-vous évoluer ?

Laurent Lhardit. Nous travaillons sur ce dossier, l’une des solutions serait une rénovation profonde du site car ce lieu a déjà une vingtaine d’années. On pourrait imaginer aussi créer un deuxième pôle média, l’idée étant d’avoir une réflexion multipoints. Par exemple, la Cité des Transitions n’est pas un lieu unique que l’on créera dans Marseille. Elle pourrait se déployer en plusieurs endroits… A nous d’identifier les porteurs de projets et de leur offrir des espaces économiques en centre-ville.

Il y a de la demande de leur part pour rester dans Marseille ?

Laurent Lhardit. Les porteurs de projets s’implantent déjà dans Marseille, mais par de la rénovation et une offre adaptée, on peut leur offrir des lieux spécifiques.

La crise sanitaire qui a favorisé le télétravail et les modes de travail différents a-t-elle été bénéfique à Marseille ?

Laurent Lhardit. Oui, car une partie de son attractivité vient de ces confinements successifs. Des gens qui hésitaient hier à s’implanter à Marseille, tout en vivant à Paris, savent désormais que c’est possible… Ensuite, en termes d’attractivité pour les entreprises, vous avez un prix de l’immobilier et des coûts salariaux moins importants qu’à Paris. Il y a aussi beaucoup d’autoentrepreneurs sur la ville.

Beaucoup d’entrepreneurs locaux se mobilisent pour l’économie marseillaise et provençale au sens large. Comment le voyez-vous ?

Laurent Lhardit. Nous avons un dynamisme économique qui est freiné par des éléments hexogènes à l’économie, c’est la faible qualité des services publics, des écoles, des mobilités, des moyens de transport et de l’environnement qui est pénalisante…. C’est en agissant sur toutes ces questions connexes qui touchent les entreprises et les salariés que l’on permettra le développement économique. D’où l’intérêt de progresser en matière de formation. Dans la réparation navale sur le port, par exemple, pourquoi pas une « université des métiers du port et de la mer »… pour permettre à brève échéance d’avoir des jeunes marseillais formés à ces métiers. Nous avons cette question de la formation qui est fondamentale, comme celle de l’insertion professionnelle pour une part de la jeunesse qui reste éloignée de l’emploi.

Et concernant la fracture numérique ?

Laurent Lhardit. Il est important de réduire cette fracture numérique, notamment par l’accès au haut-débit. A ce jour, seulement 70 % du territoire est couvert par un réseau de fibre optique… A noter que Marseille est classée en tant que « zone très dense » et, de ce fait, nous n’avons aucun contrat qui nous lie aux opérateurs… Mais nous discutons avec eux pour avancer.

Par ailleurs, par manque de formation ou de matériels tout simplement, un certain nombre de gens n’ont pas accès aux pratiques numériques, alors que cela devient quasiment obligatoire en tant que citoyen ou contribuable. On est donc très offensif à ce sujet, car c’est toute une partie de la population qui est exclue de ce mouvement de transformation. Nous soutenons toutes les initiatives en ce sens pour fournir du matériel à moindre prix, former au numérique avec Webforce… Avec toujours le même objectif : mettre en cohérence l’ensemble des acteurs et opérateurs privés et vérifier qu’on couvre tous les besoins.

Etes-vous d’accord avec certains qui estiment qu’il manque un grand nom de l’IT sur Marseille ?

Laurent Lhardit. L’Impulsion donnée depuis quelques années va peut-être donner un tel résultat. Ce serait logique que nous ayons un grand nom de la Tech qui s’implante. Marseille a vocation à devenir une porte à double entrée en étant une base arrière européenne pour aller sur le marché africain. Et il y a aussi de grandes entreprises africaines qui se développent et Marseille pourrait être un premier pas pour elle sur le continent européen. Culturellement, il y a toujours eu traditionnellement des échanges.

 

* Projet hybride à l’intersection de la technologie et du design, l’école Tumo a été fondée en 2011, à Erevan (Arménie), par Sam Simonian, entrepreneur américain en nouvelles technologies, et son épouse Silva.