Un peu d’histoire
En 1978, V.A. Shiva Ayyadurai, génie de l’informatique alors âgé de 14 ans seulement, est embauché pour l’été dans un laboratoire médical du New Jersey pour rendre tous les échanges papier internes électroniques. Alors qu’il s’attèle à la tâche de répliquer à l’identique les habitudes de communication des secrétaires et des médecins, en particulier les copies carbones cachées ou non (les désormais connus cc et bcc), le jeune adolescent est en fait sans le savoir en train de révolutionner la façon dont le monde communiquera désormais.
Un outil puissant et durable…
En effet, presque 40 ans plus tard, avec 290 milliards d’emails envoyés par jour, l’email fait partie intégrante de notre quotidien. Quotidien personnel mais surtout quotidien professionnel. Selon une étude faite par la Harvard Business Review en 2012, un employé reçoit en moyenne 11 680 emails par an, soit plus de 200 emails par semaine, restant ainsi le moyen de communication privilégié par les entreprises pour échanger informations et documents.
Pourquoi ? Tout d’abord parce que l’email est simple d’utilisation, peu cher voire gratuit et
instantané, que ce soit pour communiquer avec son collègue dans la pièce d’à côté ou avec un
groupe de personnes de l’autre côté du globe. Copié sur un système de messagerie papier
élaboré depuis des années, il ajoute traçabilité et durabilité des informations et des documents,
tout en restant assez flexible pour se laisser organiser selon le gré de chacun.
Tellement puissant que son usage est en train de le dépasser
Cependant, une lassitude et un manque de confiance semblent émerger vis-à-vis
de l’email, poussant certains à vouloir son éradication, comme Thierry Breton, PDG d’Atos. Comment
expliquer ce désamour grandissant pour l’email, pourtant omniprésent dans notre façon de
communiquer ? Tout d’abord parce que l’email a tendance à être envahissant. Conversations personnelles et professionnelles, notifications, prises de rendez-vous, publicités, newsletters et rappels d’événements encombrent nos boîtes et perdent l’utilisateur, l’éloignant du contenu qui compte vraiment. Selon la même étude de la Harvard Business Review, seulement 42% des emails présents dans nos boîtes de réception sont critiques ou essentiels. Le temps passé à gérer les autres emails se transformant alors en temps perdu. Cette lassitude provient aussi du fait que l’email n’a pas beaucoup évolué ces dernières années. Vieilles de quarante ans, ses caractéristiques majeures ont peu connu d’innovations. On utilise finalement toujours le terme cc, hérité des copies carbones datant d’une autre époque. Sur certains clients mail n’ont pas changé d’interface depuis leurs premières versions, signe d’une incapacité de l’email à s’adapter à l’évolution rapide des usages.
Ce manque d’adaptation se ressent encore plus fortement dans le cadre professionnel, pour
lequel l’email est très souvent un outil essentiel du quotidien. Avec des centaines d’emails reçus
par semaine, il devient difficile de retrouver des conversations ou des pièces jointes et
d’organiser sa boîte de réception afin de hiérarchiser le contenu important seulement. Sans
parler des mises en copie et des mises en copies cachées qui peuvent souvent tourner au
fiasco sur des erreurs très simples à réaliser.
Quelles solutions pour remédier à cette lassitude ambiante?
Pour les entreprises, évoluant dans des environnements collaboratifs et devant gérer à la fois
les communications internes et externes, l’enjeu est de taille. Trois possibilités s’offrent alors à elles.
Se replier sur des systèmes de messageries intelligentes, dont l’innovation est menée en tête par Google Apps (dans Gmail). Celles-ci permettent de faire face au trop plein de messages en gérant de manière efficace les spams et en catégorisant automatiquement les messages reçus dans différentes boîtes de réception (important, promotions, réseaux sociaux…) afin que le contenu important ressorte. On gagne alors en productivité et en temps passé sur les emails mais l’aspect collaboratif est encore difficile à atteindre.
Autre possibilité: supprimer l’email, purement et simplement. C’était l’idée de Wave, c’est
aujourd’hui l’idée d’Asana : remplacer l’email par un outil réunissant dans une même application
gestion de projet et communication. C’est une solution qui s’avère très efficace pour la gestion
des projets en interne. Cependant, si on peut pousser ses employés à changer leurs habitudes
en interne, cela devient impossible lorsqu’il s’agit de communications externes à l’entreprise
(clients, fournisseurs, candidats etc.).
Adopter les messageries collaboratives. En effet, alors que l’email a été conçu pour des
interactions d’individu à individu, certains travaillent sur l’intégration de fonctionnalités
collaborative au sein de l’email, évitant ainsi les nombreux transferts d’emails et autres cc et
bcc. C’est par exemple le cas de Front qui a créé un email client et qui a rajouté une couche
collaborative au dessus d’une boîte de réception classique, permettant le travail en équipe.
Une innovation compliquée mais nécessaire
Si les solutions innovantes tardent à voir le jour, c’est avant tout parce que le secteur est
extrêmement exigeant. Les utilisateurs ont des attentes très hautes non seulement en terme de
fonctionnalités et d’expérience utilisateur mais aussi en terme d’accessibilité, de sécurité, de
confidentialité et de multidisciplinarité de l’outil. Innover dans un secteur aussi structurant reste
donc un défi de taille, qu’il reste encore à relever pleinement. Il y a quarante ans, un adolescent
de quatorze ans a réussi.