Gilles Bertaux, co-fondateur et CEO de Livestorm, décrypte les raisons de l’engouement autour du metaverse et aborde sa transposition au secteur de la visioconférence et les obstacles à son intégration au monde professionnel.
Depuis la création d’internet, la technologie n’a cessé de faire évoluer nos modes de travail, de consommation et finalement, nos modes de vie. De la bulle spéculative des années 2000 à l’essor des géants de la tech, la digitalisation a révolutionné les sociétés modernes et représenté des opportunités considérables pour les entreprises et les particuliers.
Récemment, c’est le Web 3.0 qui incarne cette tendance avec en tête de gondole les crypto-monnaie et les NFT (non fungible token), qui représentent à eux seuls des milliards de dollars. Si l’engouement des particuliers est déjà acquis, l’application de ces secteurs au monde professionnel reste plus incertaine. Ainsi, il est intéressant de s’attarder sur l’exemple du metaverse via le prisme du secteur de la visioconférence.
A lire aussi : [Chronique] Intelligence digitale : A quoi ressemble l’enseignement supérieur dans le métavers ?
Metaverse : les raisons de l’engouement
Bien que le terme ait été inventé en 1992 par Neal Stephenson, le metaverse a vu sa popularité véritablement décuplée à la suite de l’engouement des géants du web pour celui-ci. Parmi eux, des entreprises telles Microsoft, Google ou Facebook. Le réseau social qui s’est rebaptisé Meta, souhaite d’ailleurs devenir le leader du secteur. Le seul intérêt de ces entreprises pour ce monde virtuel à suffit à enflammer le grand public pour une technologie qui n’en est encore qu’à ses prémices.
Si les GAFAM lui ont conféré une forte notoriété, l’intérêt pour le métaverse s’explique aussi par la théorie des vases communicants. En effet, l’idée d’un monde entièrement virtuel représente une opportunité non négligeable pour des secteurs spéculatifs comme la crypto-monnaie ou les NFTs. Outre la volonté d’investir dans une œuvre d’art digitale ou de faire fructifier son capital au travers du Bitcoin, le metaverse donne également une utilité relativeà ces secteurs, avec la perspective de pouvoir payer des items ou services avec ces monnaies ou de personnaliser son avatar avec des NFTs (chaussures de luxe, personnages, etc.). Le secteur représente donc un réseau d’applications, d’appareils, de produits, d’outils et d’infrastructures interconnectés spéculatifs encore nouveau et où, comme aux débuts d’internet, tout semble possible.
Ajoutons que le concept d’un monde immersif trouve une résonance particulière dans une période inédite où la pandémie du COVID-19 et des confinements successifs ont démocratisé le travail à distance.
Metaverse/visioconférence : quels usages concrets ?
Si l’on peut d’ores et déjà lui trouver des usages concrets, il apparaît cependant peu probable (en l’état du moins) que le métaverse se transpose de manière intégrale à la sphère professionnelle et devienne le futur de la visioconférence. Passant outre le fait que la technologie reste en grande partie à développer, la promesse d’une réalité virtuelle, notamment grâce aux casques RV/RA, semble plus se prédestiner à l’industrie du divertissement et des jeux vidéo qu’au monde de l’entreprise. Le côté immersif et récréatif attire d’ailleurs de plus en plus d’investissements de la part de grands acteurs de ces secteurs comme Roblox, Decentraland ou The Sandbox qui investissent des centaines de millions de dollars afin de développer cette technologie.
Côté entreprise, le metaverse n’est pas pour autant dénué d’intérêt mais il convient de relativiser et de mettre en perspective les usages qui pourraient lui être attribués. Bien que certains géants de la tech travaillent et promeuvent un futur fait de salons et de bureaux virtuels, il semble dans la pratique peu probable que cela devienne la norme. Les entreprises pourraient se tourner vers le metaverse pour des évènements ponctuels, en souhaitant proposer une expérience hors du commun aux participants par exemple. L’utilisation du metaverse comme outil marketing est également un usage concret de cette technologie, qui se répand de plus en plus. On a ainsi vu de grandes marques de luxe, de vêtements ou encore d’alcool, lancer des défilés ou de nouveaux produits dans le metaverse.
A lire aussi : 🎥Le métavers avec Sébastien Borget, cofondateur de The Sandbox
Il est donc peu probable, même à long terme, de voir une majorité d’employés enfiler un casque de réalité virtuelle plusieurs fois par jour et se connecter sur un salon virtuel afin d’assister aux différentes réunions journalières de leur agenda. Outre la praticité qui resterait à démontrer, cela demanderait un réel investissement de la part des entreprises afin d’équiper les équipes mais également du temps afin de former les collaborateurs et s’assurer de l’adhésion de la majorité pour ce mode de travail entièrement dématérialisé.
On semble donc se diriger vers une utilisation marketing de cette technologie. La perspective d’un nouveau modèle commercial virtuel représente pour les marques des perspectives business formidables. À noter que ces usages semblent surtout destinés à des entreprises BtoC s’adressant directement au grand public. Pour des raisons de crédibilité mais également de public ciblé, on imagine plus facilement la mise en avant d’un produit de consommation ou d’un vêtement dans le metaverse que la promotion d’un logiciel SaaS ou d’un service d’expertise comptable.
Il est donc plus plausible d’envisager le metaverse comme un outil marketing, qui pourrait venir en complément des outils de visioconférence, notamment dans le secteur évènementiel. Cependant, les acteurs du secteur se concentrent essentiellement sur des problématiques de rétention, de flexibilité et de fluidité afin de proposer une expérience sans frictions à leurs utilisateurs. Le curseur doit notamment être placé sur l’innovation et l’intégration de fonctionnalités à haute valeur ajoutée. Dans un contexte économique incertain et avec le retour progressif du travail en présentiel, les plateformes de visioconférence vont plus que jamais devoir démontrer la plus-value de leurs outils en intégrant toujours plus de services (éléments de mesure, score d’engagement, applications intégrées, etc.), afin de dépasser la simple fonction de plateforme de visioconférence Le développement de ces fonctions est la condition sine qua non à la pérennisation de l’utilisation des plateformes de visioconférence. Le metaverse attendra.