Lorsque Neal Stephenson, auteur du Samouraï Virtuel, a inventé le terme « metaverse » dans son livre en 1992, il était loin de se douter que ce mot engendrerait une industrie valant des milliards de dollars 30 ans plus tard. Le métaverse est un sujet qui suscite beaucoup d’enthousiasme et de nombreux détaillants ont déjà créé une présence numérique pour les consommateurs férus de technologie. Analyse du Dr Biswa Sengupta, Chercheur Technique et Responsable Machine Learning chez Zebra Technologies.
Pour faire simple, le métaverse est un espace virtuel avec des réalités virtuelles augmentées et intégrées. Désormais, il n’est plus si inconsidérable que des personnes, des villes et des pays existeront uniquement numériquement. Le métaverse rassemble la puissance des technologies de simulation dont nous sommes devenus les champions au cours du siècle dernier et construit des mondes virtuels semblables à ceux des jeux vidéo où les personnes peuvent vivre une expérience immersive.
Découvrir tous nos articles sur le Métavers
Le monde de la mode a afflué vers le métaverse. Certains magasins approfondissent leurs services en ligne en laissant la possibilité aux utilisateurs de pouvoir habiller leurs avatars, acheter les produits dans un magasin virtuel et se les faire livrer à domicile dans la vie réelle. D’autres ont organisé une Fashion Week dans le metaverse, où les marques présentent leurs dernières créations sur les podiums.
Le secteur alimentaire cherche également à s’installer dans le métaverse permettant aux utilisateurs de se promener dans des épiceries virtuelles, de remplir leur caddie, de payer et de se faire livrer les produits à domicile. D’ailleurs, si vous avez envie de déjeuner après vos courses, vous pourrez même commander votre hamburger et vos frites préférés.
A lire aussi : [Chronique] Intelligence digitale : quelques clés de compréhension de l’innovation à l’ère des métavers
Le métaverse devient une option supplémentaire dans le monde du commerce omnicanal.
Le métaverse pourrait également être un melting-pot de technologies de machine learning telles que la vision par ordinateur (VA), le traitement du langage naturel (TLN) et l’apprentissage par renforcement (AR). De plus en plus d’entreprises voient le potentiel de l’association des technologies de la voix et de la vision pour la prise de décision. Mais les avancées technologiques dans le domaine de la voix et de la vision ne peuvent, à elles seules, nous rapprocher de l’intelligence artificielle générale, à moins que nous ne puissions utiliser ces sensations de manière conjointe pour prendre des décisions.
Cela signifie que le métaverse peut devenir un terrain d’expérimentation virtuel, une sorte de jeu multijoueur massif où nous pouvons créer, former et déployer un riche mélange de technologies d’apprentissage automatique pour développer de nouvelles options de vente au détail et de nouvelles expériences de consommation.
Construisez-le, et les consommateurs viendront ?
Les institutions financières et les géants des réseaux sociaux sont parmi ceux qui rejoignent les détaillants dans la course pour obtenir leur part du gâteau des métaverse. Mais le plus important est de savoir si les consommateurs voudront du métaverse. Il ne faut pas oublier que nous devons consacrer du temps, de l’argent et de l’énergie physique (et non virtuelle) pour interagir avec le métaverse. En même temps, on peut imaginer un parallèle avec un jeu vidéo où l’on crée une communauté avec ses voisins virtuels, mais avons-nous la capacité cognitive de vivre une vie parallèle ? N’avons-nous pas déjà une surcharge d’informations ?
La réponse est oui. Des tonnes d’entreprises gagneraient de l’argent en montrant aux investisseurs en capital-risque et aux utilisateurs la terre promise des métaverse mais il serait crucial de se demander quel est le produit ? Le mantra « Construisez-le et les clients viendront en masse » pourrait ne pas fonctionner. Alors, qu’est-ce qui pourrait fonctionner ?
La première étape pour débloquer le métaverse serait de pouvoir l’utiliser pour prendre des décisions mais aussi de l’utiliser comme un monde synthétique pour la génération de données machine learning.
Il faut construire l’adéquation produit-marché de manière progressive, sinon l’adoption par le client devient assez délicate. Si les industries commencent à ouvrir des magasins dans des espaces virtuels et à utiliser des monnaies numériques pour acheter/vendre des actifs numériques, les utilisateurs adopteront difficilement le produit.
A lire aussi : [Entretien] Le métavers d’Axa permettra de mieux animer ses communautés de collaborateurs
Le jumeau numérique, dans un premier temps
L’étape progressive vers la construction d’un métaverse et le traitement des points ci-dessus est le jumeau numérique, un sous-ensemble du métaverse. Prenez une petite partie du monde naturel, disons un magasin de détail, et utilisez un métaverse simplifié (le jumeau numérique) pour permettre une visibilité en temps réel de tous les actifs (marchandises, employés du magasin, flux de la chaîne d’approvisionnement, etc.)
Utilisez ensuite des technologies comme la VA pour mesurer en temps réel l’offre et la demande dans le magasin. Le traitement automatique des langues peut passer au crible des milliers de correspondances et vous dire quelles tâches doivent être effectuées. Enfin, sous les contraintes du jumeau numérique, l’apprentissage par renforcement (AR) peut prendre des décisions sur le déroulement de l’avenir.
A lire aussi : Jumeau numérique : RTE révolutionne la gestion de ses actifs industriels
Les directeurs de magasin pourront ainsi avoir une vue en temps réel des opérations du magasin et s’appuyer sur les jumeaux numériques pour prendre des décisions exploitables. Sur le plan technologique, elle permet de combiner divers attributs vocaux et visuels afin de prendre des décisions optimales.
L’autre étape incrémentale vers le métaverse entoure à nouveau le jumeau numérique, mais cette fois dans le but de générer des données synthétiques. Certaines entreprises technologiques et start-ups défendent déjà cette ligne de pensée. Le concept central derrière tout cela est la randomisation des domaines.
Un jumeau numérique nous permet de créer des mondes synthétiques et divers sous-ensembles d’un même monde.
Par exemple, la plupart des algorithmes de VA basés sur le deep learning nécessitent beaucoup de données d’entraînement. Le jumeau numérique (s’il est construit avec rigueur pour réduire le décalage de covariance par rapport à un environnement naturel) peut nous fournir des données synthétiques annotées. Qu’il s’agisse de millions de kilomètres de données de conduite pour les voitures autonome ou de centaines de permutations pour les objets sous différentes statistiques de vue (par exemple, les fruits et légumes en magasin auront un aspect différent s’ils sont vus de gauche ou de droite, de nuit ou de jour). Grâce à l’infographie, les algorithmes de VA peuvent examiner toutes les itérations possibles de vos fruits et légumes. De même, les algorithmes de NLPl ont du mal à généraliser lorsque le domaine est aléatoire, c’est-à-dire lorsque les matériaux (texture, couleur), la direction de la lumière, les conditions d’éclairage et le placement des objets changent de façon aléatoire. Le concept de métaverse pourrait nous aider à atténuer certains de ces problèmes d’efficacité des données.
En résumé, des étapes progressives peuvent amener les entreprises à passer d’expériences virtuelles actuelles utiles à des discussions ciblées sur le produit final à l’aide du jumeau numérique, afin que l’enthousiasme pour le métaverse puisse prendre forme et atténuer le décalage entrée-sortie entre le produit et les besoins du marché. Des hypothèses erronées non vérifiées peuvent affaiblir les entreprises, quelle que soit l’excellence technique de la solution.