Michaël Emica est le responsable data culture de Meetic, entreprise française bien connue du grand public pour son site de rencontre. Il explique comment son organisation en est venue à créer un tel poste et l’impact de la démocratisation de la culture de la donnée chez les collaborateurs.
L’article est extrait du guide à télécharger « Data Literacy : la compétence clé du 21e siècle à l’épreuve de la crise ». Découvrez les autres témoignages !
Alliancy. Comment devient-on responsable de la data culture d’une entreprise ?
Michaël Emica. Cela fait un an environ que j’ai pris ce poste, nouvellement créé. A l’origine, je suis arrivé au sein des équipes Meetic en rejoignant le pôle Data Analytics, pour l’Europe, sur des sujets d’analyses business très transverses. Avec le pôle, l’idée était d’avoir la possibilité d’accompagner les collaborateurs sur la compréhension de leurs indicateurs business, des tableaux de bord… Cependant, nous nous sommes vite rendu compte que cette approche transversale, concernant tous les métiers, méritaient une vraie coordination, d’où la création du poste de « responsable data culture ». Cela peut surprendre, car ce n’est pas très répandu, mais cela a l’intérêt de fédérer des missions qui étaient auparavant gérées de façon très disparate et au cas par cas dans l’organisation. En particulier, toutes les actions de formation autour de la data étaient historiquement prise en charge par les experts directement, qui formaient eux-mêmes sur les outils en fonction des besoins. Mais il n’y avait pas de vision globale harmonieuse, permettant de dépasser la seule la vision technologique. Mon parcours à mi-chemin entre pédagogie et analyse de données me prédisposait à endosser un rôle qui permettrait d’aller au-delà.
A quoi correspond une bonne culture de la donnée pour les collaborateurs ?
Michaël Emica. Cela correspond non seulement au fait de savoir utiliser les outils, mais aussi de comprendre les indicateurs, et leur logique par rapport aux impératifs business de son entreprise. Chez Meetic, nous fonctionnons avec des OKR (Objectives and Key Results) : il est très important de faire le lien entre ceux-ci pour les collaborateurs et pour le groupe lui-même. En tissant ces liens, on fait aussi apparaître les habitudes prises par chaque équipe dans le traitement des données. Et l’on se rend compte plus rapidement si elles sont pertinentes.
Comment évaluez-vous la culture data des collaborateurs, d’un point de vue opérationnel ?
Michaël Emica. C’est un aspect à part entière de mes missions, à travers la réalisation d’un audit. Auparavant les équipes étaient livrées à elles-mêmes pour leurs besoins en matière de données, et elles faisaient appel au pôle Analytics quand elles avaient une idée spécifique. En créant mon poste, l’idée était de renverser la charge et de devenir proactif vis-à-vis d’elles. Pour y parvenir, j’ai donc mis en place dès le départ une trame d’interview, afin de bien comprendre leurs besoins et leurs façons de travailler avec la donnée. Jusqu’à comprendre s’il y avait des dashboards qu’elles comprenaient peu ou pas, par exemple. A partir de là, nous avons pu constituer des fiches basées sur ces observations empiriques, et déterminer un score de « maturité data » pour chaque équipe. On y voit apparaître sous forme de diagramme les sujets sur lesquels elles ont potentiellement des problèmes et donc ce que l’on peut proposer pour combler ces manques même quand les équipes ne seraient pas venues le demander.
Quels sont les prérequis pour qu’une telle approche fonctionne bien ?
Michaël Emica. Le pôle Data Analytics avait fait un important travail de documentation en amont : définition des indicateurs existants, des règles de gestion, des règles de calcul… mais aussi de tous les biais à éviter quand on aborde un indicateur, en fonction des pays ou des types d’utilisateurs par exemple. Ensuite, nous utilisons une plateforme pour stocker tous les scripts/codes au même endroit et s’assurer que cette « base de connaissance » liée à nos usages data est continuellement mise à jour et améliorée. C’est un travail de fond : nous documentons tout sur cet espace qui est partagé entre les équipes du pôle Data Analytics et l’équipe Datawarehouse. Cette dernière est en charge de la dimension BI qui comprend la récupération de la donnée depuis les différentes sources, sa transformation, et sa mise à disposition via la création du socle de reportings de l’entreprise.
Ensuite, la création du poste de responsable data culture part du constat que la base de connaissance est indispensable mais que l’on doit aller plus loin : il faut de la proactivité. Et pour l’atteindre, il est nécessaire d’avoir une vision stratégique claire mais aussi des vulgarisateurs entre l’IT et le business. C’est pour cela que nous avons fait également émerger des « contacts data » au sein de chaque équipe métier, pour avoir des ambassadeurs partout, que ce soit en RH, en finance…
[bctt tweet= » Michaël Emica (@Meetic) « Le mot #datadriven revient souvent et je pense qu’il est assez mal compris, avec une connotation très informatique. La data culture, ce n’est pas forcément un sujet de big data et de technologie. » » username= »Alliancy_lemag »]Quelles sont les prochaines étapes ?
Michaël Emica. Je travaille aujourd’hui sur la création d’un site interne, qui sera adossé à une newsletter. Elle permettra de transmettre une à deux fois par mois à toute l’entreprise des informations sur les nouveaux indicateurs, sur les observations qui lient business et data, ou encore sur les dernières actions des équipes du pôle Data Analytics. L’idée est d’avoir un point de contact facile sur le sujet de la culture de la donnée, tout en balayant un spectre très large de sujets.
Dans votre expérience, toutes les entreprises ont-elles intérêt à se mobiliser ainsi ?
Michaël Emica. On peut avoir en effet l’impression que Meetic est par nature une entreprise « data driven ». Le mot revient souvent et je pense qu’il est assez mal compris, avec une connotation très informatique. La data culture, ce n’est pas forcément un sujet de « big data » et de technologie. Je préfère l’expression « insight driven » qui recouvre une question beaucoup plus large : quelles questions se posent les équipes métier ? Ont-elles un accès facile à la data et un regard éclairé sur cette dernière pour prendre leurs décisions ? La clé devient alors une mentalité associant curiosité et volonté de partage, qui fasse sortir les collaborateurs et les managers des logiques de pré-carré. C’est une mentalité que l’on essaye de détecter aujourd’hui lors de tous nos entretiens de recrutement. En ce sens, je pense que toutes les entreprises doivent se sentir concernées.
Meetic en chiffres
- Création : 2001
- Chiffre d’affaires 2019 : 126 M€
- Effectifs : 250
Data Literacy : la compétence clé du XXIe siècle à l’épreuve de la crise.
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