Mode : l’IA sous le feu des projecteurs

En cette période de Fashion Week, l’IA fait aussi parler d’elle dans le monde de la mode. Les marques l’intègrent de plus en plus dans leurs processus créatifs, avec notamment l’apparition des mannequins numériques. 

 

 

Après Londres et Milan, la Fashion Week a posé ses valises à Paris jusqu’au 11 mars. Et au-delà des stars, la technologie s’impose de plus en plus comme invité d’honneur dans cet univers de paillettes. La transformation numérique de la mode implique en effet l’ensemble des métiers du secteur, dont les mannequins eux même. En particulier, le développement des mannequins numériques est une petite révolution dans le secteur, permettant d’éviter de nombreuses contraintes physiques et logistiques. A titre d’exemple, Alexsandrah Gondora, mannequin londonienne explique ainsi qu’elle défilait en personne à Londres… pendant que son double numérique était utilisé par des créateurs pour des campagnes de communication au même moment. Une IA pour « gagner du temps » donc, a déclaré la mannequin à l’AFP. Autre avantage, son modèle numérique bénéficie d’un critère d’intemporalité : « Il n’y a pas d’expiration pour mon IA… elle restera toujours jeune, même quand je serai vieille » a ainsi précisé Alexsandrah Gondora. 

 

Des questions éthiques et juridiques 

 

Si l’IA semble apporter de nombreuses solutions face aux impondérables du secteur, elle soulève également des questions éthiques et juridiques majeures. Concernant le droit de la propriété intellectuelle, les mannequins doivent en effet donner leur autorisation pour l’utilisation de leur image, ce qui n’est pas toujours le cas avec les modèles générés par l’IA actuellement. Si Alexsandrah Gondora contrôle l’utilisation de son double numérique, elle dénonce les sociétés exploitant de manière abusive des modèles virtuels créés à partir « d’images publiques », sans rémunération pour les mannequins physiques. En ce sens, la jeune femme participe au développement qui se veut plus responsable de Shudu Gram, le premier mannequin numérique original, en « prêtant » ses traits physiques.  

 

La nécessité d’un recueil responsable des données

 

Dans son témoignage, la mannequin considère donc que si l’IA est utilisée de façon éthique, elle n’empêche pas les mannequins, de toutes origines, de bénéficier d’opportunités. Elle précise ainsi que cette technologie lui a « ouvert certaines portes ». A l’inverse, certaines IA générant des mannequins virtuels, pourraient imposer des normes de beauté artificielle, éloignées de la diversité des hommes et des femmes pratiquant le mannequinat. Le sujet de la représentation ethnique est donc surveillé de près en parallèle du développement de la technologie. Afin d’éviter ces écueils, Genera, une entreprise basée à Londres et à Lisbonne, a annoncé utiliser un large éventail de modèles (plus de 500) pour intégrer plus de données représentatives, toutes acquises légalement. Keiron Birch, son responsable de la création, affirme que cette pratique est « très inclusive » afin d’éviter les reproches fait à l’IAPour aller plus loin encore, certaines entreprises utilisent des données dites « imparfaites » comme des grains et textures de peaux différents, afin de rendre leurs créations numériques plus proches de la réalité. Le secteur connait donc une dynamique de transformation rapide… mais de plus en plus d’acteurs ont bien conscience de la nécessité d’adopter une gestion réfléchie et éthique de l’intelligence artificielle afin d’en exploiter tout le potentiel, sans créer de défiance. 

 

Photo : Thibaud MORITZ / AFP