Alors que les solutions d’IA générative inondent tous les secteurs, les concepteurs explorent encore les business models pour atteindre la rentabilité, parfois à travers des stratégies expérimentales.
Que se cache-t-il derrière les modèles d’IA (intelligence artificielle) générative ? “Des coûts d’infrastructure très importants”, répond Michael Mansard, directeur du think tank Subscribed Institute et directeur de la stratégie chez l’éditeur de logiciels Zuora. En effet, contrairement aux SaaS (Logiciel en tant que service), chaque utilisation d’une IA générative nécessite de nouveaux calculs, sollicitant les infrastructures. “Le fait d’avoir 1000 ou 2000 personnes dans le SaaS ne modifie pas le coût pour l’éditeur”, précise Michael Mansard. “Pour une IA générative, il peut être multiplié par deux”.
Vers une optimisation de modèles spécialisés
Aujourd’hui, des LLM (Large Language Model) tels que ChatGPT-3 reposent sur 175 milliards de paramètres. “Si on déployait ce type de technologie générique sur tous les postes, le coût serait beaucoup trop important et il n’y aurait pas assez d’énergie sur la planète”, reconnaît Stéphane Roder, dirigeant du cabinet de conseil AI Builders, qui accompagne les entreprises dans l’intégration de cette technologie de rupture. Une des solutions pour baisser les coûts, et le prix final pour les utilisateurs, passerait par une transition des LLM aux SLM (Small Language Model).
“Il faut réduire et optimiser le nombre de paramètres”, assure-t-il. Certaines solutions d’IA générative tendent à se spécialiser par secteur, comme BloombergGPT dans l’analyse financière, ou GenIA-L, l’IA juridique lancée par Lefebvre Dalloz. Pour ces produits, l’abonnement fréquemment choisi par les concepteurs reste celui par utilisateur. “Le prix va être orienté sur le coût de fonctionnement. Il est donc nécessaire de chercher à optimiser la taille des modèles”, confirme Stéphane Roder, qui précise que ces solutions spécialisées pourraient atteindre 15 milliards de paramètres, soit plus de 10 fois moins que les génériques comme ChatGPT-3.
Outre la réduction des coûts, cette spécialisation des solutions est également bénéfique pour l’utilisateur final. “Ceux qui tirent leur épingle du jeu sont ceux qui sont sur des niches, au plus près des métiers”, indique Michael Mansard, directeur du think tank Subscribed Institute, quand un modèle plus généraliste rencontrera certaines difficultés à démontrer un ROI (retour sur investissement) pour le client. La start-up Synthesia a notamment orienté sa technologie sur la génération de vidéos par l’IA générative. “Il est ainsi facile de prouver aux clients qu’elle permet d’économiser des milliers de dollars par vidéo conçue”, confirme-t-il.
Encore beaucoup de business models
“J’imagine des business models classiques”, anticipe Stéphane Roder. “On devrait vendre de l’abonnement et de l’usage sur des produits qu’on n’utilise pas tous les jours”, précise-t-il. Mais plusieurs modèles existent actuellement dans ce marché très récent de l’intelligence artificielle générative, qui cherche encore son équilibre. Selon Michael Mansard, il existe quatre solutions.
- L’IA en tant que produit final : “100% des nouveaux acteurs sont dessus”, indique-t-il. Les géants comme Adobe ou Microsoft ont notamment lancé respectivement Firefly et Copilot. “Ils deviennent des produits à part entière qui se battent sur des marchés déjà matures, comme Copilot sur la cybersécurité”.
- L’IA vendue comme add-on : Elle vient ici en option sur un produit déjà existant. “C’est un énorme revenu additionnel pour certains éditeurs”, constate Stéphane Roder, qui compare ce modèle à celui des voitures haut de gamme : “On n’achète que des options”.
- L’IA pensée comme un package premium : Dans ce cas de figure, la technologie serait uniquement disponible pour les abonnements les plus complets et donc les plus chers. “Ici, on part du principe que l’utilisation de l’IA est liée à un niveau de maturité plus important”, note Michael Mansard.
- L’IA intégrée à toutes les offres sans être monétisée : “Dans ce cas, il est nécessaire d’augmenter l’ensemble des prix”, souligne le Directeur de la stratégie chez Zuora. Cette stratégie a été adoptée par la plateforme de graphisme Canva, dont l’ensemble de la grille tarifaire devrait bondir de plus de 300%.
Vers une tarification à l’usage ?
“L’IA est le sens de l’avenir”, assure Michael Mansard, qui imagine une généralisation de l’IA vendue en tant que produit final, estimant que les autres modèles économiques ne sont que des stades intermédiaires. Mais, dans ce florilège d’entreprises qui se sont lancées sur le créneau de l’IA générative, seulement la moitié repose sur une monétisation orientée utilisateur. Le taux est de 80 % dans le software.
Alors que près d’un Français sur deux plébiscite une tarification à l’usage, selon une étude menée en octobre par Zuora, certaines entreprises planchent sur ce type de solutions en facturant par heure d’utilisation GPU (unité de traitement graphique), ou sur la vente de tokens ou sur les résultats fournis. “Concernant ce dernier modèle, les concepteurs supportent le risque et doivent démontrer la valeur au client”, explique Michael Mansard, qui observe ces stratégies surtout dans l’industrie.
Quand il s’agit de quantifier un volume d’utilisation de solution d’IA générative, certains acteurs sont particulièrement inventifs. C’est notamment le cas de Microsoft et de son Copilot, utilisé comme solution de cybersécurité. Ici, la tarification repose sur des SCU, des unités de calcul de sécurité. “Je ne comprends pas ce que cela représente”, confie Michael Mansard. Un SCU pourrait correspondre à une période durant laquelle Copilot aurait sécurisé un client. “Cette métrique n’existe nulle part ailleurs, elle a été créée par Microsoft”, poursuit-il. Cela illustre la difficulté pour les concepteurs d’IA générative de quantifier l’utilisation par les clients, et reflète également le manque de maturité des acteurs sur la commercialisation de ces solutions.