Le crowdfunding (ou financement par la foule), qui rencontre un formidable succès aux États-Unis, prendra-t-il son essor en France ? Le cadre réglementaire est si restrictif qu’il est incompatible avec son développement.
L’AMF (Autorité des marchés financiers) et l’ACP (Autorité de contrôle prudentiel) viennent de publier un Guide du financement participatif ** – ou crowdfunding – rappelant fort opportunément les limites réglementaires actuelles, en attendant la série de propositions d’assouplissement de la réglementation promises en septembre 2013 par le chef de l’État, en conclusion des « Assises de l’entrepreneuriat ». Ceci sous la houlette de Fleur Pellerin, la ministre déléguée chargée des PME, de l’innovation et de l’économie numérique.
Le premier point qui saute aux yeux est l’absence totale d’homogénéité des règles. En fonction du type d’activité (don, prêt rémunéré ou non, capital), de la forme sociale (SA, SAS, association, coopérative), du mode de fonctionnement (pour compte de tiers ou en compte propre) et du type de relation avec des partenaires statutaires, les règles applicables sont différentes malgré la similitude des mécanismes de financement et de l’implication des utilisateurs.
Le second point, très contestable, est la qualification d’opération de paiement pour les opérations de collecte d’argent destinées aux projets. Cette qualification d’opération de paiement entraîne la nécessité d’acquérir un statut de prestataire de service de paiement (PSP) ou de devenir mandataire d’un PSP, avec des coûts conséquents en termes de capital à immobiliser au départ ou de surcoût à supporter sur l’ensemble des transactions effectuées. L’équation économique de l’activité et son accessibilité pour les start-up sont ici remises en cause.
Les activités de démarchage sont strictement encadrées, au même titre que la distribution de n’importe quel produit financier, alors qu’il s’agit de projets parfaitement identifiés, souvent très détaillés, avec une traçabilité transparente et continue des fonds affectés. Les opérations de financement participatif en capital relèvent, pour le régulateur d’opérations de placement, de titres qui nécessitent l’acquisition d’un statut de prestataire de services d’investissement (PSI) ou de mandataire de PSI, avec la même problématique de coût d’acquisition de ce statut ou de commissionnement des opérations réalisées via un opérateur statutaire tiers.
Les start-up mises à mal
Indirectement, cette extension de la définition du placement recouvre des opérateurs indépendants du crowdfunding qui deviennent « requalifiables », tels que les business angels, les venture capitalist (investisseur en capital-risque) ou les intermédiaires en recherche de capitaux (voire même les notaires !). Ne restent acceptables par le régulateur que des opérations aux conditions très restrictives en termes de montant, de nombre d’investisseurs et de forme juridique. L’accumulation de toutes ces contraintes pourrait rendre l’activité de financement participatif incompatible avec le caractère de start-up et donc à en entraver totalement son développement puisque les acteurs dotés des statuts adéquats ne cherchent pas, quant à eux, à se positionner sur cette activité.
* Créée en 2008, FriendsClear travaille en partenariat avec la caisse régionale de Crédit Agricole mutuel Pyrénées-Gascogne. Elle propose à des entrepreneurs de financer leurs projets auprès de particuliers, mais également de mettre en relation des investisseurs avec des entreprises souhaitant lever des capitaux.
** Consultable sur : www.amf-france.org/documents/general/10839_1.pdf
Cet article est extrait du n°4 d’Alliancy le mag – Découvrir l’intégralité du magazine