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Green IT : un passage à l’échelle qui se fait attendre

Nouveau baromètre Green IT

Depuis 2015, l’Alliance Green IT (AGIT) conduit le baromètre Green IT auprès des entreprises pour évaluer leur maturité en matière de numérique responsable. Pour cette première édition depuis 2020, les chiffres sont encourageants mais montrent un secteur tiraillé entre les enjeux de sobriété et les promesses d’apport de productivité par le numérique.

Des résultats en demi-teinte. Pour Romuald Ribault, vice-président de l’AGIT et coordinateur du baromètre Green IT, l’enthousiasme semble être un peu retombé : « on attendait beaucoup de ce baromètre post-covid car toutes les problématiques du numérique responsable et de la RSE en général sont montées de manière exponentielle ». Les résultats du baromètre montrent des évolutions positives sur les avancées des entreprises en matière de numérique responsable mais un passage à l’échelle encore difficile. « Sur l’intention et la gouvernance les chiffres sont encourageants et c’est par là que les entreprises commencent en général, mais cela veut dire qu’il reste encore du chemin » poursuit-il.

Près de 600 répondants ont contribué à cette étude, quand la première édition en 2015 en réunissait seulement 82. « Avec autant de participants on peut arriver à être représentatif et montrer l’évolution » se réjouit Romuald Ribault, « 61% des répondants ont été au bout, c’est plutôt bien en termes de maturité car ce sont jusqu’à 300 réponses données par entreprise ».

Sur la partie technique, le projet embrasse les codes du numérique responsable sous la houlette de l’agence OpenStudio : « Pour réaliser le baromètre, on a amélioré le parcours utilisateur, travaillé l’éco-conception et créé un outil open source » explique Renaud Aioutz-Lefebvre, directeur de l’agence de Paris, « l’open source contribue aux communs numériques et cela fait partie de notre ADN chez OpenStudio ».

Perte de repères avec le stockage de données

Parmi les résultats, les premiers chiffres qui étonnent sont ceux en lien avec la connaissance de la taille des serveurs (25%) et de l’espace disponible pour stocker les données (39%). Des chiffres qui s’écroulent, diminués environ de moitié. « Il y a un enjeu avec la redondance, il est parfois difficile de savoir combien de fois les services sont répliqués » détaille Patricia Vallée Oudart, Responsable RSE/QSE de SCC France, fournisseur de solutions IT.

Engagée depuis 2015 avec l’AGIT au sein de la commission RSE et Green IT, elle livre son analyse :  « sous couvert de cybersécurité, on a beaucoup moins accès à ces informations et on peut dupliquer assez facilement les données sans se rendre compte du volume stocké ni de l’ancienneté des données ». A ses yeux, la multiplication des outils collaboratifs favorise aussi cette perte de repère pour les utilisateurs.

Ce versant du questionnaire révèle toute la difficulté des entreprises à maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur numérique. La mutualisation des espaces de stockage chez les cloud providers, la généralisation des usages en ligne, l’exigence de haute-disponibilité des services, la forte dépendance de l’entreprise au numérique et les enjeux de cybersécurité sont autant de facteurs potentiels à cette perte de connaissance.

Aussi, depuis 2020, les investissements dans les usines de serveurs des quatre géants que sont Google, Amazon, Meta et Microsoft ont plus que doublé, et devraient encore croître de près de 40% en 2024 selon le cabinet d’analyse de marché Bernstein Research, preuve que la “cloudification” des activités et la massification des usages en ligne sont en plein boom et pourraient amplifier la tendance.

Des achats un peu plus responsables

Côté achats IT, compte tenu des évolutions réglementaires, on pouvait s’attendre à une très forte augmentation des indicateurs comme “l’intégration de critères RSE dans les appels d’offres” mais ce chiffres stagne plutôt. Une surprise pour les entreprises déjà engagées comme SCC : « on ne ressent pas cette tendance chez nous » reprend Patricia Vallée Oudart « au contraire, les critères de durabilité sont montés jusqu’à 20 points dernièrement dans les appels d’offres ».

Un paradoxe qu’elle explique par le fait que les entreprises qui se tournent vers SCC France le font parce que l’entreprise est engagée. Il faut dire que SCC France a entamé depuis plus de 15 ans des démarches de durabilité pour ses datacenters.

Adeline Agut, co-fondatrice de Rezofora, cabinet d’accompagnement RSE et Numérique Responsable, est, pour sa part, moins surprise de ces résultats : « les achats sont un sujet complexe, dans l’IT c’est peut-être encore plus pointu ». Pour elle, il est difficile de savoir sur quels leviers jouer et de connaître précisément les bons critères à intégrer. « C’est difficile en particulier pour des entreprises qui ne connaissent pas extrêmement bien leur chaîne de valeur » constate-t-elle.

La sensibilisation et la mise en action, des chantiers encore immenses

La sensibilisation aux enjeux du numérique responsable fait aussi partie des chiffres qui interrogent. En proportion des répondants, elle est en net recul par rapport à 2020 (de 60% à 43%), une tendance qui peut s’expliquer par l’élargissement du baromètre à des répondants moins matures en matière de numérique responsable. Alors que le baromètre de l’AGIT cherche à être le plus représentatif du tissu économique, tant sur la taille que sur les typologies d’entreprises, cette baisse pourrait être interprétée de manière positive.

Cette moindre sensibilisation des collaborateurs se traduit malgré tout par un passage à l’action modéré. Si les entreprises intègrent de plus en plus le Green IT dans leur stratégie globale (40% des entreprises) et mesurent la consommation énergétique de leur parc informatique (+ 63 points), la traduction en plan d’actions concret est une réalité pour seulement un tiers des entreprises.

Autant de chiffres qu’Adeline Agut accueille une certaine perplexité : « ces résultats renvoient à cette forme de dissonance cognitive qui s’installe où d’un côté, les usages numériques explosent toujours, d’autant plus avec l’IA, alors que d’un autre, les entreprises sont poussées à réduire, optimiser, aller vers plus de sobriété. »

Une analyse par un groupe de travail dédié au sein de l’AGIT permettra dans les prochains jours de mieux cerner les réels facteurs d’influence de ces résultats. Perception contraignante de la transition ? Changements de priorités ? Élargissement de la maturité des répondants ? Complexification des enjeux ? Explosion de l’intégration de l’IA au sein des entreprises ? L’AGIT donne rendez-vous le 5 novembre à GreenTech Forum (Paris) pour dévoiler toute l’analyse de ces chiffres retranscris au sein d’un livre blanc dont la parution est prévue à la même date.

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