[Chronique] Le numérique à l’épreuve des programmes des candidats à la présidentielle

Après avoir reçu les professions de foi des candidats à l’élection présidentielle, notre chroniqueur Alain Garnier s’interroge dans ce nouveau billet d’humeur : quelle vraie place pour le numérique dans leurs programmes ?

Chronique Garnier presidentielle J’ai reçu les professions de foi des candidats aux présidentielles ! Je vais donc enfin pouvoir me décider en toute conscience car avant de faire mon choix, je tenais quand même à être certain qu’ils assurent sur le numérique !

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Alors je lis attentivement le programme du premier candidat (par ordre alphabétique). Rien sur le numérique. Aucune mesure… Je passe au suivant. Rien non plus.

Je décide de me faire un café. Puis le suivant, nada. Ah si ! Le mot « numérique » au milieu d’une litanie de bons sentiments et d’envolée lyrique sur l’avenir… Mais rien de concret.

Suivant, rien… Je vous laisse deviner la suite.  Mon café a refroidi, conséquence de mes relectures successives, et j’arrive à l’inévitable conclusion qu’aucun candidat n’a pensé utile de mettre le numérique dans la liste de ses priorités.

Les programmes… reflets de la pensée des électeurs

Il est somme toute assez logique qu’en France, l’industrie numérique, qui truste pourtant le top dix des plus grosses entreprises mondiales depuis quelques années, soit à la traine. Si aucun politique ne s’en empare, il est clair que nous n’aurons pas les effets d’accélération d’une politique économique, sociale et culturelle, d’un grand plan d’investissement sur un sujet précis ou encore d’une cause nationale qui crée les conditions d’émergence et de croissance d’un secteur, tous trois rendus possibles par un élan présidentiel.

Mais il faut aussi voir dans le fait qu’aucun politique ne s’empare du sujet comme un reflet de la pensée et des attentes des électeurs.

Car un politique est aussi là pour représenter les idées et opinions du moment. C’est là également le grand paradoxe Français. Nous sommes les premiers consommateurs de numérique américain : Apple et ses iPhone, Google et son moteur de recherche, pour ne citer qu’eux, ont en France un des marchés les plus ouverts et les plus accueillants qui soient. Et tout cela marche très bien. Alors pourquoi changer ?

[bctt tweet= »« Le ou la futur(e) président(e) passera une bonne partie de son quinquennat à se battre contre les forces du numérique autonomes » » username= »Alliancy_lemag »]

Le numérique, partout et nulle part à la fois

C’est là que je relis les professions de foi des candidats et que je m’aperçois que tous les thèmes économiques qu’ils abordent ont cette cause racine de non-numérique… et qu’ils ne s’en rendent pas compte ! Cela va même bien au-delà de l’économie :

  • La crise énergétique et le pilotage des énergies renouvelable : le numérique et les smart grid.
  • La décarbonation du pétrole dans les transports avec la voiture électrique : le numérique (Tesla nous le démontre bien !)
  • Les menaces militaires du futur avec la guerre cyber : le numérique.
  • La crise de l’école face aux réseaux sociaux : le numérique.
  • La baisse du PIB par tête, conséquence du fait de ne pas avoir les emplois à plus haute valeur ajoutée : le numérique.
  • L’agriculture responsable à production automatisée : le numérique.
  • Le problème démocratique de réinventer les formes de décision collectives : le numérique.
  • La réindustrialisation de la France : le numérique.
  • Le problème de la sur-administration remplacée par des acteurs autonomes et responsables : le numérique.
  • Etc…

Chacun de ces sujets a comme racine première un verrou d’usage du numérique. C’est l’application d’anciens modèles, ressassés, répétés, usés qui nous empêche de bâtir l’avenir et de prendre de l’avance dans le domaine. Délaisser cette suprématie au profit des autres nous prive de la valeur ajoutée de ce levier incroyable qu’est le numérique. Pire encore : laisser le numérique à ses seuls intérêts privés, américains, monopolistiques produit aussi un rejet à terme de ces usages et de ces modèles !

Un futur quinquennat passé à se battre contre les forces du numérique autonomes

C’est pour cette raison que j’aurai aimé voir dans plus de programmes (pour ne pas dire tous ) cette prise de conscience… mais ce n’est pas le cas. Pas cette fois, une fois de plus.

Toutefois, ce dont je suis sûr, c’est que quel que soit le/la Président(e) élu(e), malgré le fait que le numérique ne soit pas une de ses priorités, il passera une bonne partie de son quinquennat à se battre contre les forces du numérique autonomes (à date les GAFAM / BATX), avec les nouvelles forces naissantes du numérique en France et en Europe (Next40, #playFrance, FranceDigitale, Euclidia… ) et aura à gérer cette transition dans lequel le monde est d’ores et déjà engagé.

Au fond, chaque Président a eu à affronter quelque chose de plus central que ce qu’il avait promis. D’abord, et avant tout, parce-que les événements le lui ont dictés.  François Hollande n’avait pas mis dans sa profession de foi qu’il allait mettre en place des lois d’exceptions… face au terrorisme. De même qu’Emmanuel Macron n’avait pas mis en haut de ses priorités un joyeux confinement collectif.

Quel sera le sujet majeur « inattendu » du prochain quinquennat ? Aucune idée mais ce dont je suis sûr, c’est que le président en fonction devra avoir anticipé ses sous-jacents numériques.

Alors, à qui faire confiance dans ce contexte ?

Je vais me refaire un café.