Depuis la sobriété informatique et le « green » IT, jusqu’au numérique inclusif, les considérations liées au numérique responsable soutiennent de plus en plus les politiques d’élus locaux. Ceux-ci tentent surtout de mettre le numérique au diapason du bien-être des populations dont ils ont la responsabilité.
« Numérique responsable », l’expression fait partie du vocabulaire des élus depuis quelques temps déjà. Elle recouvre des aspects très différents (décarbonation tous azimuts, lutte contre l’illectronisme, conception des architectures IT, etc.) mais complémentaires.
Questionner l’impact environnemental de ses pratiques digitales est devenu un réflexe pour bien des collectivités. Il y a d’ailleurs urgence à le faire. L’étude prospective publiée au printemps 2023 par l’Arcep et l’Ademe sur l’empreinte environnementale du numérique en France à l’horizon 2030 et 2050 montrait que sans action pour limiter la croissance de l’impact environnemental du numérique, l’empreinte carbone du numérique pourrait tripler entre 2020 et 2050. A horizon 2030, elle pourrait progresser ainsi de 45% pour atteindre 25 Mt CO2-Eq).
De même, les édiles locaux fournissent des efforts visant à rendre le numérique plus inclusif pour leurs administrés, quel que soit leur âge ou degré de formation aux outils digitaux. L’édition 2023 du baromètre sur la maturité numérique des territoires a ainsi montré que le thème de l’inclusion était devenu l’une des priorités majeures des gouvernances locales, par ailleurs largement abreuvées ces dernières années en feuilles de route, lois, guides et référentiels divers et variés (voir encadré) établis par les services de l’Etat et les parlementaires. A cet égard, Meudon, Nantes et le syndicat Seine-et-Yvelines Numérique ont mené à bien quelques transformations intéressantes.
Meudon tente d’atténuer les îlots de chaleur avec un jumeau numérique
Meudon (47015 habitants) a décidé de parier sur un jumeau numérique pour transformer en espaces plus verts trois espaces publics, dont la place Tony de Graaff (voir photo). Le but ? Eviter les îlots de chaleur urbains en optimisant la conception de son projet de végétalisation grâce au jumeau numérique de ces trois zones fourni par Dassault Systèmes via ses applications Simulia. « Notre ville et ses services sont au début de la démarche. C’est encore la phase d’alimentation du jumeau avec de la data. Nous devrions avoir les premières simulations d’ici à la fin de l’année. Nous expérimentons en quelque sorte la démocratisation de cette technologie de pointe », résume le maire Denis Larghero. Les ambitions sont grandes et plus larges que de « simples » îlots de chaleur. « Nous partagerons les résultats de cette expérimentation avec l’établissement public territorial Grand Paris Sud-Ouest (GPSO) dont nous faisons partie. Avec le changement climatique, nous avons besoin d’un outil qui nous aide à identifier les zones à désimperméabiliser. ». L’optimisation de la décision politique et de l’investissement subséquent sont des impératifs pour l’élu. « L’intérêt du jumeau est que l’on peut envisager des situations complexes en allant au-delà de la simple agrégation de données. La réflexion à l’œuvre est autant fonctionnelle que potentiellement territoriale », fait remarquer le maire de Meudon.
La crise sanitaire, l’épreuve de résilience façon XXL !
Pas de jumeau numérique mais des tablettes dans cet autre témoignage. Créé en 2016 par le département et les intercommunalités des Yvelines puis rejoint par les Hauts-de-Seine en 2020, Seine-et-Yvelines Numérique (SYN) met à la disposition des communes, intercommunalités et divers établissements publics des solutions d’aménagement numérique du territoire, mais aussi pour l’éducation et les solidarités, les territoires connectés, la cybersécurité, la dématérialisation ou encore les SI. Outre les initiatives de mutualisation des serveurs pour abaisser leur facture énergétique ou la rationalisation du parc de machines pour la vidéoprotection, les défis n’ont pas manqué ces dernières années. « En matière d’éducation, il y a eu un avant et après Covid-19, commente Laurent Rochette, directeur général délégué du SYN. Au moment où la pandémie a éclaté, tout le monde a constaté que les espaces numériques de travail (ENT) étaient insuffisants. Cela a mis aussi en évidence les inégalités en matière d’équipement numérique. « Il a fallu fournir les collèges et les Ehpad car beaucoup de personnes âgées étaient coupées de leurs familles », explique-t-il. « Aujourd’hui, environ 30 000 des 65 000 élèves entrant dans le périmètre du SYN sont équipés. Mais, avec la disette budgétaire, le reste du déploiement a été mis sur pause », regrette-t-il.
La santé aussi mobilise le syndicat. « L’Ile-de-France est le premier désert médical du pays », rappelle Laurent Rochette. Treize cabines de téléconsultation fermées (fonctionnant avec carte bancaire et carte d’assuré à la sécurité sociale) ont été installées dans les Yvelines. Néanmoins, compte tenu du faible usage qui en a été fait, le programme a été suspendu.
A Nantes, l’agenda est résolument tourné vers le digital dans toute sa palette d’applications. En l’espace de dix ans, le numérique est devenu une filière à part entière dans la métropole nantaise. Elle a permis de créer 15 000 emplois et de lever 1,5 Mds€ au profit d’un écosystème composé de laboratoires de recherche, d’écoles, de start-up (ex : l’IA et les données de santé avec le cluster Delphi de l’Isite NExT) et d’ENS. « Le numérique, et notamment son versant reconditionnement et recyclage, crée de l’emploi et pas uniquement pour des BAC +5, insiste Franckie Trichet, conseiller communautaire au sein de Nantes Métropole, à la tête des Interconnectés, association nationale pour des usages numériques au service des territoires.
Le digital doit rester au service de l’humain. La dématérialisation c’est bien, ajoute-t-il, mais il faut garder un point de contact physique. A Nantes, nous avons lancé en 2019 une charte de la donnée métropolitaine dont les principes nous servent également à challenger nos fournisseurs », rappelle F. Trichet. Ces derniers sont ainsi invités à prouver qu’ils forment leurs collaborateurs aux règles de l’éco-conception des services numériques dans les soumissions faites en réponse à des appels d’offres. « En matière d’IA, nous leur demandons de démontrer qu’ils ont intégré l’impact carbone (serveurs, coût énergétique) de la courbe d’apprentissage de l’IA générative dans leurs offres », ajoute F. Trichet.
4 années bien remplies en matière de production de lois, référentiels et guides. Actions de l’Etat :
- Publication en 2020 d’une feuille de route sur le numérique et l’environnement 50 mesures pour un agenda national et européen sur un numérique responsable par le Conseil national du numérique, en partenariat avec le Haut Conseil pour le Climat.
- Circulaire du Premier Ministre du 25 février 2020 montrant l’engagement de l’État pour des services publics écoresponsables notamment concernant le numérique, retranscrite au sein du programme Tech.gouv et aboutissant en particulier à la création de la mission interministérielle numérique éco-responsable.
- Loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France par la prise de conscience des utilisateurs, la limitation du renouvellement des terminaux, l’émergence et le développement des usages du numérique écologiquement vertueux, la promotion de centres de données et de réseaux moins énergivores.
- Publication le 17 février 2022 d’un guide pour accompagner les organisations publiques à adopter de bonnes pratiques en faveur de la réduction de l’impact environnemental du numérique.
- Lancement en novembre 2022 du référentiel général d’éco-conception des services numériques.