Sponsoring du comex, rôle du DSI, stratégie de sourcing, omnicanalité, accompagnement des managers… Valentine Ferréol, CIO et manager de transition, passe en revue les principaux enjeux liés à la mise en œuvre d’une stratégie de digital employee experience.
>> Cet article est issu du Guide « La Digital Employee Experience Au Comex »
Le thème de la digital employee experience est-il aujourd’hui vraiment un sujet de comité de direction ?
Le sujet de la digital employee experience ne devrait pas, selon moi, mobiliser l’attention du comité de direction, sauf bien sûr en cas de crise. Si un membre du comité de direction a une problématique spécifique, pour lui-même ou au sein de ses équipes, je fais en sorte de m’adresser à lui en direct, de manière ciblée, tout en restant en cohérence globale.
Photo : Valentine Ferréol, CIO, manager de transition
Comment faire en sorte que ce sujet prenne davantage de place dans la tête des dirigeants de l’entreprise ?
De la même manière que le DSI s’intéresse aux sujets métier, je pense qu’il doit aussi s’intéresser aux besoins des patrons opérationnels – le directeur financier, le DRH… – avec un prisme très orienté parcours utilisateur. Ce qu’une entreprise met en œuvre pour améliorer le parcours de ses clients, elle doit également le faire pour ses collaborateurs. Le DSI doit comprendre les besoins, mais aussi les points de blocage des métiers, et proposer des solutions pour s’y adapter.
C’est selon moi une approche pragmatique qui a du sens. En cherchant à identifier les problématiques et les leviers d’accélération, le DSI fait en sorte que chacun puisse encore mieux exercer son métier. Cette démarche s’applique à toutes les facettes de l’environnement de travail des collaborateurs : hardware, poste de travail, digital et demain, l’intelligence artificielle. En effet, si des tâches peuvent être automatisées, c’est bien parce que l’on arrive à un niveau de maîtrise de l’environnement de travail dans son ensemble. S’intéresser vraiment au métier de l’autre pour l’aider à se transformer, c’est une approche bénéfique à tout point de vue.
Le DSI est-il le seul directeur à s’impliquer sur ces sujets ?
Non, pas du tout. Ce qui est intéressant pour le DSI, c’est de venir avec une proposition de valeur qui a été travaillée avec les métiers, notamment avec les équipes RH qui constituent un métier à part entière. Il faut bien avoir en tête que ce sont les directeurs métier qui ont besoin de la performance de leurs équipes. C’est donc un travail tripartite, auquel il faut associer le directeur financier, parce que la démarche nécessite aussi des investissements si l’on choisit par exemple de tout maîtriser en interne et de ne pas s’ouvrir au BYOD (bring your own device).
Comment intégrer les équipes externes dans cette approche ?
La stratégie de sourcing doit effectivement aussi être prise en compte. J’ai évoqué les équipes en interne, mais à partir du moment où l’entreprise possède un écosystème de forces de travail collaborant dans le cadre de l’entreprise, en tant que freelances ou ESN, il faut prendre en considération cette dimension d’entreprise étendue. Cela peut concerner des équipes en interne qui sont distribuées ou des partenaires avec qui on a besoin d’interagir. Finalement, cette dimension points de contact, doit être adressée avec cohérence.
Vous parlez de points de contact. Cela veut-il dire que la digital employee experience est une affaire d’omnicanalité ?
Oui, l’omnicanalité est centrale quand on aborde le sujet de la digital employee experience. Cette dernière renvoie tout d’abord aux outils et interfaces de travail, aux suites logicielles. Ce qui en ressort, c’est que les entreprises qui pratiquent un télétravail ou un mode de travail hybride assez mature, bénéficient d’un bon niveau d’engagement de la part de leurs collaborateurs. Quand il existe un bon niveau de proximité entre l’IT et le cœur de métier, on obtient un confort et une confiance mutuelle très appréciables.
L’omnicanalité, c’est aussi se poser la question de ce que l’on fait in situ et à distance. Certes, la crise sanitaire a fait bouger les lignes, mais la digital employee experience apporte beaucoup de transformations dans le travailler-ensemble et dans la manière dont on pense le collectif. Les dimensions de l’omnicanalité à l’intérieur de l’entreprise ont beaucoup évolué, et elles continuent de le faire ; ces évolutions ont des effets directs et dans la durée sur le modèle opérationnel de toute l’entreprise.
Auriez-vous un cas d’usage à partager pour illustrer vos propos ?
L’an dernier, j’ai été DSI de transition chez Citeo, et sur cette période, l’accord de télétravail a été renégocié, post-covid. Avec la DRH et les équipes de ma direction, nous avons mis en place un pacte d’équipe. L’enjeu était d’en profiter pour remettre à plat la manière de vivre et de travailler ensemble, autrement dit, de définir ce que nous faisons quand nous nous retrouvons physiquement et quand nous sommes à distance. Cette initiative RH avait été relayée aux directeurs et aux managers de proximité pour que chaque équipe mette en place un mode de fonctionnement qui convienne à son propre besoin et à son rythme.
Entre-temps, j’ai échangé avec de nombreux pairs et effectivement, c’est ce qui a le plus de sens. Il faut absolument éviter d’avoir des règles d’entreprise figées avec, un jour, l’instruction de rester à l’extérieur parce que cela arrange l’entreprise et, un autre jour, la consigne de faire venir tout le monde au bureau parce qu’on a besoin de voir ce qu’ils font. C’est vraiment infantilisant pour les équipes. L’enjeu est plutôt de mettre du sens et de savoir pourquoi on revient au bureau. Il faut absolument éviter d’en arriver à venir au bureau et que chacun reste dans sa bulle… à son bureau. Si l’on se réunit au même endroit, c’est pour être ensemble, sur un sujet commun. Finalement, c’est cela aussi l’entreprise : arriver à cette envie de produire un résultat d’équipe.
Le rôle des managers dans ces transformations est central. Comment les accompagner au mieux ?
C’est souvent un sujet négligé, il faut reconnaître ce qui est. Prenons l’exemple du travail hybride ; il faut aider le manager à se réapproprier la fonction du management, et à adapter ses pratiques managériales en fonction du format.
Dans les méthodes agiles, on parle beaucoup de communautés de pratique. Quel que soit le modèle managérial ou de delivery de l’organisation, une des clés du succès est de faire monter en maturité l’équipe des managers, avec ce principe de communauté de pratiques, et une attention particulière à la formation, à l’accompagnement, à l’alignement et à la cohérence d’ensemble.
L’enjeu est, qu’à travers un travail collectif entre les managers, une cohérence se crée au sein d’un département ou d’une direction sur la manière de travailler et les interactions opérationnelles entre équipes. Il est essentiel de veiller à ce qu’il n’y ait pas de différences marquées entre les différents départements, sinon cela crée une entreprise à plusieurs vitesses.