L’assistance aux utilisateurs de GrandVision (Général d’Optique, GrandOptical…) répond aux demandes parfois complexes des établissements commerciaux de son réseau. Si les apports de l’intelligence artificielle (IA) sont clairement identifiés, il reste des freins à lever. Les explications d’Olivier Ritter, chief information officer de la branche française de l’entreprise.
Cet entretien est extrait de notre Carnet d’expériences sur le thème « Moderniser l’assistance utilisateurs avec l’IA : quelles innovations ont vraiment du sens ? ». Ce recueil d’interviews décrypte des expériences en cours et identifie les innovations qui ont vraiment pour transformer le support avec l’IA. > Téléchargez ce document ici.
Comment sont organisés GrandVision et son soutien aux utilisateurs ?
GrandVision fait partie du groupe EssilorLuxottica, leader mondial de l’optique, et compte 900 magasins dans l’Hexagone sous les enseignes Générale d’Optique et GrandOptical. Avec 70 % de points de vente en succursales, l’entreprise rassemble environ 4 500 collaborateurs en France, au Luxembourg et à Monaco. Le service desk, basé au siège de Montigny-le-Bretonneux (78), accompagne les magasins au quotidien. Huit employés se relaient de 9 heures à 18 heures, du lundi au dimanche, traitant autour de 2 800 appels mensuels. Les demandes moins urgentes sont gérées via des tickets sur la plateforme EasyVista. Les sollicitations couvrent un large spectre : incidents informatiques, formalités administratives, ou encore demandes métiers. Environ 10 % de ces dernières concernent des cas complexes, comme des verres à très forte correction, nécessitant une approche sur mesure. L’enjeu est clair : réduire le volume d’appels et améliorer la réactivité pour soutenir efficacement les collaborateurs en magasin, qui souvent confrontés à des situations requérant une réponse immédiate. Grâce aux données issues d’EasyVista, la direction des systèmes d’information suit des indicateurs de performance via Power BI de Microsoft. L’objectif est de maintenir un volume d’incidents maîtrisé dans le backlog, objectif d’ailleurs atteint à ce jour. L’amélioration continue des délais de résolution reste une priorité.
Face à cette exigence d’immédiateté, quels pourraient être les apports de l’intelligence artificielle ?
Nous utilisons le chatbot d’EasyVista, mais cet outil ne fait pas appel aux technologies d’intelligence artificielle. Alimenté par notre base de connaissances, il repose sur des règles métiers. Un vendeur qui l’interroge saura, par exemple, quelles sont les conditions de remboursement quand un client passe par une mutuelle très spécifique, ou pourra trouver facilement la description d’un processus rarement utilisé. Cette capitalisation des connaissances est essentielle dans nos métiers de l’optique. Si la pertinence des réponses dépend de la qualité de la documentation qu’on lui fournit, ce chatbot montre ces limites. Bien sûr, nous regardons avec intérêt les apports des modèles de l’IA générative, qui ouvrent grand le champ des possibles. Ces modèles pourraient décharger le support aux utilisateurs des demandes récurrentes et lui permettre ainsi de se concentrer sur les cas complexes. Une fois l’incident catégorisé, le système intelligent pourrait l’associer à des cas similaires et suggérer automatiquement à l’utilisateur des modes de résolution. Une IA aurait également la possibilité d’établir des corrélations entre plusieurs incidents se produisant de façon concomitante dans notre réseau et d’en déduire qu’il s’agit d’un problème général. Nous pourrions alors prévenir l’ensemble des magasins plutôt que ceux-ci n’appellent le service desk les uns après les autres. Cette communication proactive participerait à la satisfaction des utilisateurs. Enfin, l’IA pourrait aussi s’étendre à d’autres domaines afin, par exemple, d’apporter des aides à la vente à nos collaborateurs.
A contrario, quels sont les freins à l’adoption des modèles d’IA ?
Le premier écueil concerne la confidentialité des données. Outre le RGPD [règlement général sur la protection des données], nous devons protéger les données de santé de nos clients en respectant des normes strictes, comme la certification HDS (hébergeurs de données de santé). Actuellement, l’IA n’offre pas encore toutes les garanties nécessaires, un point sur lequel nous travaillons activement. Le deuxième obstacle est que l’IA reste perfectible. Le phénomène d’hallucination peut conduire à des erreurs que la machine ne détecte pas elle-même. Or, dans un domaine où le droit à l’erreur n’existe pas, des contrôles rigoureux sont indispensables avant toute mise en production de ces technologies.
Où placer le curseur entre l’humain et l’automatisation ?
Nous évoluons dans un métier où l’accompagnement client est fondamental. Quel que soit le processus automatisé, l’humain doit toujours garder la main. Même si, demain, l’IA peut répondre à 80 % des demandes en magasin, il restera 20 % de cas nécessitant une expertise approfondie. En déchargeant nos collaborateurs des tâches automatisables, nous leur permettons de consacrer plus de temps à la relation client. D’ailleurs, au sein même de la DSI, nous avons renforcé l’aspect humain dans nos interactions avec les utilisateurs. Le contact direct demeure la meilleure solution pour résoudre les problèmes complexes et rassurer nos équipes. Enfin, l’introduction de l’IA va de pair avec une gestion du changement. Comme toute innovation technologique, elle suscite à la fois enthousiasme et appréhension. Il est donc essentiel d’accompagner cette transition avec vigilance.
Vous êtes donc confiant dans le futur avec l’IA ?
L’intelligence artificielle représente une opportunité majeure pour améliorer l’efficacité de l’assistance aux utilisateurs et enrichir l’expérience en magasin. Toutefois, son intégration doit se faire avec prudence et discernement. La protection des données, la fiabilité des modèles et l’acceptation du changement sont des défis à relever avant de pouvoir exploiter pleinement le potentiel de cette technologie. L’IA ne remplacera pas l’humain, mais elle peut le soutenir en lui permettant de se concentrer sur l’essentiel : l’accompagnement et la satisfaction du client. Chez GrandVision, nous avons fait le choix d’une approche équilibrée où l’humain reste au cœur du dispositif, garantissant à la fois la qualité de service et la confiance.