La crise sanitaire et économique actuelle génère de profonds changements dans les carrières et les recrutements au sein des entreprises, et tout particulièrement au sein des départements tech & IT. Manuela Delfort Garampon, cofondatrice de Club Freelance et Mindquest , observe une montée en puissance du freelancing, et dans le même temps, un retour en force du CDI. Deux tendances qui peuvent sembler contradictoires mais qui témoignent en réalité d’une convergence entre les statuts.
L’agilité à l’épreuve de la crise : la confirmation du modèle du freelancing
Le dénominateur commun à toutes les crises, c’est l’urgence. Avec la pandémie de Covid-19, les entreprises ont dû se réorganiser sous une pression inédite. Dans ce contexte, beaucoup d’organisations ont fait appel à des freelances et des experts externes ; un phénomène loin d’être nouveau dans le domaine de l’IT, mais qui s’est intensifié sur certains métiers essentiels à la garantie de la continuité de l’activité.
Concrètement : le déploiement en urgence des outils indispensables à la mise en place du télétravail a suscité une vague de demandes en consultants réseaux et support, cloud, VPN, et aux experts cybersécurité en tous genres, en raison de l’intensification des menaces. Certains départements IT ont également eu recours au freelancing pour compenser les recrutements initialement prévus.
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Parallèlement à cette tendance, certains candidats et professionnels IT ont fait le choix en cette période de crise de se tourner vers le freelancing de manière opportuniste, aussi bien pour rester actifs que pour se positionner sur des missions à haute valeur ajoutée et aider les entreprises à mettre en place des solutions vitales en urgence.
Si la flexibilité du modèle du freelancing séduit depuis longtemps les entreprises comme les candidats, l’agilité qu’il procure en a fait une solution évidente face à la situation actuelle. Mais cela n’est pas la seule tendance en matière de transformation des carrières dans le monde des technologies.
Consolider pour demain : le retour en grâce du CDI
Au-delà de l’urgence, beaucoup d’entreprises voient dans la crise actuelle l’opportunité de prendre une longueur d’avance et de se différencier. Beaucoup sont celles qui ont mis en pause leurs recrutements le temps du premier confinement, mais la plupart ont repris – voire accéléré – leurs recherches depuis le mois de septembre.
Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en temps de crise, les meilleurs talents sont plus que jamais indispensables dans une équipe IT. D’où la nécessité d’attirer et de fidéliser les top performers pour pérenniser des équipes solides. La guerre des talents s’est intensifiée sur ces profils clefs, que les entreprises s’arrachent et souhaitent désormais « sécuriser » en contrat CDI.
Dans le même temps, le CDI a fait son retour dans le cœur de bon nombre de candidats et professionnels tech & IT ; même chez certains qui ne juraient pourtant auparavant que par le freelancing. Un certain nombre de freelances ont ainsi fait le choix de passer (ou repasser) au salariat, afin de (re)trouver une plus grande stabilité en ces temps de crise.
Le recours au modèle freelance, s’il a gagné en importance avec la crise, ne supplante donc pas pour autant le modèle CDI. En réalité, les deux statuts cohabitent plus que jamais.
Vers la fin des silos entre les statuts ?
En matière de carrière professionnelle, ces dernières décennies ont vu de nombreux silos tomber progressivement. Pendant longtemps, la norme était d’exercer le même métier dans la même entreprise tout au long de sa vie. Puis les carrières ont commencé à se bâtir à travers plusieurs entreprises. Depuis une vingtaine d’années, il est courant d’exercer plusieurs métiers différents au cours d’une carrière professionnelle, et parfois de se reconvertir du tout au tout. Aujourd’hui, s’ajoutent à cela l’alternance et la combinaison des statuts, avec une frontière de plus en plus poreuse entre CDI et statut d’indépendant.
En réalité, cette tendance à l’hybridation des carrières dans le monde de la technologie et l’informatique n’est pas née de la pandémie. Les motivations pour passer d’un statut à l’autre peuvent être multiples et indépendantes de la crise actuelle. Exemple : de nombreux freelances décident de (re)passer en CDI pour accéder à des postes de management. Mais la pandémie actuelle accélère fortement le phénomène.
Le statut n’importe plus autant qu’avant. Pour les entreprises, tout l’enjeu est désormais d’attirer les meilleurs talents, qu’ils soient en CDI ou en freelance, pour accélérer sur leurs projets IT. Pour les professionnels ouverts à de nouvelles opportunités, ce qui compte, c’est davantage l’intérêt des projets et de la stack technique ainsi que la dynamique de l’équipe. Le statut n’est plus une fin en soi.