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[Chronique] Le paradoxe du legacy : quand prendre son temps pour transformer le SI est un atout à l’heure de l’hyper numérisation

Course à la nouveauté, peur d’être has been, espérance d’un monde numérique merveilleux… Notre chroniqueur Thierry Adenis revient sur son expérience de DSI de transition confronté aux attentes parfois décalées des directions d’entreprise.

Cette chronique aurait pu s’intituler : « Transformation digitale : rien ne sert de courir, il faut partir à point ». En effet, nombre de managers de transition sont appelés en urgence pour des missions de transformation. Les principales raisons ? Un SI legacy jugé trop lourd, trop couteux, non évolutif ou non aligné sur la stratégie de l’entreprise. Parfois aussi, un DSI jugé obsolète dans son attitude et ses choix, qui ne communique plus avec la direction, et ne produit pas assez rapidement. Ou encore tout simplement, des directions Métiers qui rêvent de logiciels à la mode qui vont leur permettre d’être immédiatement plus performantes

Alors on appuie sur le bouton. On se sépare du DSI, et on va chercher un manager de transition qui, en un temps record, va résoudre tous ces sujets.

Au milieu des années 90, un DSI restait en fonction 5 ans en moyenne ; Depuis les années 2000, cette durée se réduit à 2 ans. Dans un environnement de plus en plus technique, de plus en plus concurrentiel et en perpétuelle évolution, on attend de lui qu’il modernise la société en temps réel et génère de la performance … tout en diminuant ses budgets. A l’heure de l’hyper numérisation des entreprises, dès qu’il y a un problème, le DSI est, de fait, plus ou moins impliqué, donc plus ou moins coupable. A tort ou à raison, mais c’est le bouton éjectable le plus facile.

Alors le (ou la) manager de transition arrive. Il regarde, analyse, discute, puis il lâche les paroles salvatrices tant attendues : « Oui, il y a un problème avec le système d’information, et toute l’entreprise est responsable. Non, un nouvel ERP ou CRM ne va pas résoudre les problèmes de fond ». Généralement, cela jette un froid. La Direction se demande si elle a été chercher la bonne personne.

Mais alors, pourquoi lancer en urgence une transformation digitale lorsque le legacy ne répond plus aux attentes est une fausse bonne idée ?

Course à la nouveauté, peur d’être has been, espérance d’un monde merveilleux à court terme… La tentation est grande de tout jeter à la poubelle et de repartir de zéro, lorsque l’insatisfaction est telle que l’on ne croit plus en la capacité de son SI de répondre aux enjeux d’aujourd’hui et encore moins de demain,

Cette idée, c’est celle qu’ont eu certaines sociétés, il y a 10 ans environ, en créant un poste de Chief Digital Officer (CDO), totalement indépendant de la DSI. Ils ont eu en charge la création du nouveau système d’information dit Digital avec des moyens humains et financiers souvent conséquents. Tout allait bien, les projets sortaient vite, surtout sur les périmètres Produits et Client. Il y a eu de très beaux succès. Jusqu’au jour où le CDO a eu besoin d’interfacer son système digital avec le SI existant. Et là, c’est le drame. Les limites du legacy que l’on croyait avoir enterrées ont refait subitement surface, et ont engendré des contraintes opérationnelles. Le CDO n’était pas meilleur que le DSI. Il réussissait vite et bien, notamment parce qu’il n’avait tout simplement pas les contraintes et les limites de l’existant.

Une transformation digitale n’est pas une transformation technologique

Contrairement aux idées reçues, ces contraintes et limites ne sont pas que techniques. Elles sont multifactorielles. Comme illustré dans le graphique, le système d’information n’est pas un élément autonome au sein de l’entreprise, mais la résultante de plusieurs éléments :

Ces 6 éléments vont constituer un système, dont le livrable final sera la mise à disposition pour les collaborateurs d’usages numériques.

On ne lance pas une transformation de l’entreprise (digitale ou autre) sur une simple idée ou une simple volonté de changer. Les transformations sont des projets lourds, couteux qui vont mobiliser un nombre important de collaborateurs pendant un temps long. Ce projet d’entreprise doit donc être précédé d’une pré-étude, dont la finalité sera que les acteurs majeurs partagent le sentiment d’urgence. C’est la première des 8 étapes que John Kotter a décrit dans sa modélisation du changement.

Une transformation digitale n’est pas une transformation technologique, c’est une transformation de l’entreprise. Si le legacy est fortement obsolète, il y a de grandes chances, qu’a minima, les processus opérationnels et l’organisation le soient également.

Vouloir passer rapidement d’une situation obsolète à une situation moderne obligera à produire un effort dont l’intensité sera directement proportionnelle à l’écart de maturité entre la situation courante et la cible, et ce pour chacun des 6 éléments précédemment cités.  Nous sommes donc dans une matrice à 6 dimensions, qui induit, de fait, une complexité majeure.

La gestion du changement, à savoir ancrer les nouveaux usages dans la culture d’entreprise, partie la plus complexe à mon sens d’un projet de transformation, sera tellement importante que le risque d’échec sur le projet global sera fort.

Augmenter la création de valeur et la maturité du système

C’est pour ces raisons que je suis très prudent lorsque j’analyse un legacy obsolète.

A la fois je ne discute pas la volonté des dirigeants de dessiner une cible ambitieuse car il en va souvent de la survie de l’entreprise, mais je recommande d’inscrire le projet dans un temps long, d’être pragmatique et lucide, de procéder par palier, et de travailler dans un esprit MVP (produit minimum viable) sur chacun des livrables à forte valeur ajoutée. Bref, de prendre le juste temps, aligné notamment sur la capacité financière et la capacité humaine de l’entreprise. Ce qui peut paraitre antinomique avec le sentiment d’urgence. Pour ma part, la clé de la réussite de la transformation digitale est de trouver le bon rythme entre l’augmentation de la création de valeur (livrables), et l’augmentation de la maturité du système (gestion du changement). Et ceci est propre à chaque entreprise.

Si je devais synthétiser les premières actions que je préconise (sans notion d’ordre) :

Chaque entreprise est unique. Analyser le legacy, c’est analyser son histoire. Il faut y rencontrer et dialoguer le maximum de monde, notamment les utilisateurs. On y entend souvent des histoires incroyables qui expliqueront certaines anomalies que vous avez détectées, mais surtout elles vous permettront de pouvoir adapter le changement en ne répétant pas les erreurs du passé et les mauvaises habitudes opérationnelles.

Amis dirigeants, prenez soin de votre SI

La transformation digitale d’une entreprise est une longue et belle aventure, qui nécessite une importante phase de préparation. Cette phase ne doit pas être un effet tunnel vis-à-vis des divers acteurs. Il faut donc prendre soin de générer des livrables positifs et visibles, que vous utiliserez dans votre plan de communication.

Une première piste est de trouver des quick wins, notamment en solutionnant des petits problèmes que l’on vous a remonté. On ne peut pas imaginer le nombre de problèmes que les utilisateurs rencontrent au quotidien depuis longtemps, qui sont tombés dans l’oubli ou non jamais été connus de la DSI, et qui sont facilement solvables. Ceci démontrera votre réactivité, votre implication dans le projet, votre proximité Business et votre pragmatisme.

Un autre axe de travail est de valoriser les actifs existants qui seront pérennes dans la transformation, en les mettant sous contrôle, en les faisant évoluer ou en développant de nouveaux usages. Autre point positif, ceci permettra de simplifier l’interopérabilité avec le SI cible. Vous travaillerez aussi votre image en démontrant que vous tenez compte du travail accompli par le passé en le valorisant.

Aucun chef d’entreprise ne penserait à payer partiellement ses salariés ou ses fournisseurs. Pourtant, certains n’hésitent pas à rogner le budget IT sur la maintenance corrective et évolutive. La raison ? les conséquences ne sont pas immédiatement visibles.

Amis dirigeants, prenez soin de votre SI (et de votre DSI) car c’est un des leviers majeurs que vous aurez pour augmenter la performance de votre entreprise à moyen et long terme. Et, lorsque vous voudrez accélérer, vous verrez immédiatement la rentabilité de vos investissements passés pour le maintenir à niveau.

Le ChatGPT corner

Comme développé dans ma dernière chronique, je n’utilise pas ChatGPT pour écrire mes chroniques. Néanmoins, je pense qu’il est intéressant d’analyser sa production sur le sujet traité.

Question : Quel est le risque pour une ETI de se précipiter à lancer une transformation digitale alors son legacy IT n’est pas maitrisé ?

ChatGPT : Le risque pour une entreprise de taille intermédiaire (ETI) de se précipiter pour lancer une transformation digitale sans maîtriser son héritage informatique (legacy IT) est un sujet d’importance croissante dans le monde des affaires. Alors que de nombreuses entreprises cherchent à se moderniser et à tirer parti des nouvelles technologies, il est essentiel de comprendre les risques potentiels associés à une telle démarche.

Tout d’abord, il est important de comprendre ce que l’on entend par « legacy IT ». Le legacy IT fait référence aux systèmes, logiciels et infrastructures informatiques existants d’une entreprise. Ces systèmes ont souvent été développés et mis en place sur une longue période de temps et peuvent être obsolètes ou difficiles à maintenir. Dans de nombreux cas, ces systèmes ont été construits sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques de l’entreprise, mais peuvent être devenus obsolètes ou incompatibles avec les nouvelles technologies.

Lorsqu’une entreprise se précipite pour lancer une transformation digitale sans maîtriser son legacy IT, elle court plusieurs risques majeurs. Tout d’abord, il y a le risque d’incompatibilité entre les nouvelles technologies et les systèmes existants. Si les nouvelles solutions digitales ne sont pas compatibles avec les systèmes existants, cela peut entraîner des problèmes de fonctionnement, des erreurs de données et une inefficacité opérationnelle.

De plus, une transformation digitale mal planifiée peut entraîner des problèmes de sécurité. Les systèmes legacy peuvent être vulnérables aux cyberattaques et aux violations de données. Si les nouvelles technologies ne sont pas mises en place de manière sécurisée, cela peut exposer l’entreprise à des risques importants en termes de confidentialité des données et de réputation.

Un autre risque majeur est le coût financier. Une transformation digitale mal planifiée peut entraîner des dépenses excessives et des retards importants. Si l’entreprise n’a pas une compréhension claire de son héritage informatique et de son impact sur la transformation digitale, elle peut sous-estimer les coûts et les ressources nécessaires pour mener à bien le projet. Cela peut entraîner des dépassements de budget et des retards dans la mise en œuvre.

Enfin, il y a le risque de perturbation des opérations commerciales. Si la transformation digitale n’est pas correctement planifiée et exécutée, cela peut entraîner des perturbations majeures dans les opérations quotidiennes de l’entreprise. Cela peut affecter la productivité, la satisfaction des clients et la rentabilité globale de l’entreprise.

Il est donc essentiel pour une ETI de prendre le temps de maîtriser son legacy IT avant de se lancer dans une transformation digitale. Cela peut impliquer une évaluation approfondie des systèmes existants, de leurs capacités et de leurs limitations. Il peut également être nécessaire de mettre à niveau les systèmes existants pour les rendre plus compatibles avec les nouvelles technologies.

En conclusion, se précipiter pour lancer une transformation digitale sans maîtriser son legacy IT est un risque majeur pour une ETI. Il est essentiel de comprendre les limitations et les vulnérabilités des systèmes existants avant de se lancer dans un projet de transformation digitale. En prenant le temps de planifier et de mettre en œuvre la transformation digitale de manière appropriée, une ETI peut maximiser les avantages potentiels tout en minimisant les risques associés.

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