Le 16 novembre, Herbert Diess, PDG de Volkswagen, a dévoilé son plan stratégique : 5 ans (et 44 milliards d’Euros, soit 10 de plus que prévu il y a un an) pour devenir leader mondial de la voiture électrique et autonome. Avec l’aide de quatre partenaires pour les batteries (qui font 49% du coût des voitures électriques), et en co-investissement avec Mobileye (Intel) pour les véhicules autonomes – le constructeur prévoit de lancer un service de mobilité en voiture autonome en 2019 en Israël.
Herbert Diess reconnait ainsi, malgré la taille des budgets engagés, ne pas pouvoir gagner seul cette course qui définira la plus grande partie de la valeur de ses produits et qui risque de bouleverser son modèle économique. Pourtant, il y a un mois au Mondial de l’automobile, le stand Audi était l’un des rares à montrer des modèles autonomes de niveau 3, reconnaissables aux capteurs dans les calandres. Les vendeurs cependant précisaient que la fonction est désactivée en France car interdite.
Faut-il alors s’étonner que les entreprises qui captent aujourd’hui la valeur de la technologie de conduite autonome soient celles dont les marchés domestiques l’encouragent ? Plusieurs villes des USA, Chine, Israël ont signé des accords avec des constructeurs pour offrir à leurs concitoyens les bénéfices de flottes de robots taxis. Quand nos pouvoirs publics figent la situation existante en cédant aux lobbys des acteurs historiques, ils ne reculent pas la date de l’inéluctable. Ils organisent leur faillite.
Car nos grands constructeurs, occupés à améliorer leurs produits, n’ont pas cru bon de dégager au moment opportun les ressources nécessaires pour financer les projets impensables qui remettent en cause les fondements même de leur métier : ils ont en effet tous grandi grâce à leur savoir-faire sur des moteurs à explosion, et ne sauraient envisager une voiture qu’on ne conduirait pas. De fait, leurs clients, les conducteurs, risquent fort de disparaître – ou de muter- en même temps que les volants. Ils ne peuvent pourtant pas avoir oublié Kodak il y a 20 ans ou Nokia il y a 10 ans, voire ToysRUs cette année : même l’impensable peut arriver.
Le nouveau PDG de Volkswagen le reconnaissait le mois dernier dans un éclair de lucidité tardif : « Les constructeurs allemands pourraient ne plus faire partie de l’élite mondiale dans 10 ans ».
Puisque l’innovation accélère encore et entre maintenant dans nos horizons à 5 ans, les plans stratégiques devraient tous inclurent une hypothèse de rupture, sans attendre la concurrence ou la règlementation. Et pour qualifier cette hypothèse, un budget « assurance anti-disruption » est peut-être le bon outil pour aider les leaders d’aujourd’hui qui, quel que soit leur secteur et sans qu’ils s’en doutent, seront demain menacés.